Entre diagnostic et thérapie
Non ! Je ne veux pas rajouter une couche à
l’interminable litanie des lamentations. Même si, à propos des abus sexuels
commis par des membres du clergé catholique, il faut continuer d’exiger
compassion et compensation à l’égard des victimes, et une juste punition à
l’égard des coupables.
A la suite du pape François, il est maintenant
urgent de dresser un diagnostic précis pour promouvoir une thérapie efficace.
Le 4 mai 1877, l’homme d’Etat français Léon Gambetta
proclamait devant l’assemblée nationale : « Le cléricalisme, voilà
l’ennemi ! » Curieusement, le pape François a repris cette formule
presque mot à mot pour fustiger la détestable culture ecclésiastique qui a
gangréné certains milieux d’Eglise. Un diagnostic qu’il convient d’expliciter,
pas pour tenter d’excuser mais pour essayer de comprendre… et surtout corriger !
Le cléricalisme, c’est s’estimer au dessus des
autres chrétiens - a fortiori au dessus
des autres humains-, parce qu’une consécration mystérieuse nous a imprégnés
d’un sceau sacré.
Le cléricalisme, c’est manifester un pouvoir
pesant en vertu d’une mission reçue, avec d’autant plus d’arrogance que la
responsabilité semble confiée d’en haut.
Le cléricalisme, c’est dominer sans partage sur
une communauté en revendiquant l’obéissance aveugle des brebis à l’égard du
« bon pasteur » qui les guide « au nom du Seigneur ».
Le cléricalisme, c’est abuser de la faiblesse
des autres, en oubliant la sienne, sous prétexte que la grâce divine nous
investit d’une force surnaturelle.
Le cléricalisme, c’est se croire dispensé des
règles humaines de la justice et du respect parce que nous sommes au service
d’une Eglise qui a ses propres traditions immémoriales.
Le cléricalisme, c’est se distinguer de toutes
les manières pour accréditer une position de surplomb sur le commun des mortels,
du moment que nous sommes « mis à part » en vue d’une mission
supérieure.
Le cléricalisme, pour certains, c’est estimer
que les frustrations dues à la pratique d’un célibat vécu comme une obligation
insupportable, autorise des compensations secrètes que l’Eglise saura bien camoufler
pour préserver sa réputation dans le grand public.
Le cocktail de plusieurs de ces pratiques peut
conduire au pire, comme on doit hélas ! le déplorer, dans les larmes de notre
pénitence collective.
Il est temps de passer à des thérapies de
choc…évangéliques.
Il y a certainement, du côté des formateurs des
futurs prêtres, des prises de conscience qui les ont rendus plus lucides et
plus prudents dans le discernement et l’accompagnement des candidats.
On ne fera pas l’économie d’une nouvelle
mentalité parmi les serviteurs de l’évangile et de l’Eglise, que sont les
prêtres. La fragilité des autres n’autorise aucun abus dans le ministère. Le
caractère sacré de la mission reçue requiert la plus douce humilité. En régime
chrétien, l’autorité n’est-elle pas le contraire du pouvoir qui impose,
autrement dit un service qui aide l’autre à grandir dans la vraie liberté ?
Faut-il se distinguer par des apparences clinquantes ou par le rayonnement des
charismes les plus humbles ?
Le dialogue et le partage entre les prêtres et
les autres membres du peuple de Dieu n’est-il pas une meilleure garantie de
communion dans l’animation de la communauté, plutôt que l’imposition
hiérarchique et sacrale de décisions purement cléricales ?
Ne faut-il pas revoir les conditions humaines
et spirituelles dans lesquelles les prêtres vivent leur célibat, surtout quand
ce célibat semble, du moins à certains, un lourd fardeau à porter plutôt qu’une
grâce qui les porte ?
Il nous faut re-méditer ces textes du concile
Vatican II. « Même si certains, par
la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et
pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité
communes à tous les fidèles dans l’édification du corps du Christ, il règne
entre tous une véritable égalité. » Lumen gentium
no 32.
Foin du cléricalisme !
Claude Ducarroz
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