jeudi 16 décembre 2010

Pas le temps

Fleur de vie

Pas le temps !

Comment va l’œcuménisme ? C’est une question qu’on me pose souvent. Pour vérification, j’ai interrogé une responsable d’un centre voué, entre autres, au dialogue et à l’engagement œcuméniques. La réponse m’a étonné. L’obstacle à l’œcuménisme n’est pas la mauvaise volonté, mais le manque de temps. Et d’expliquer ! Quand on travaille avec des chrétiens de plusieurs confessions, ça exige beaucoup de temps, tandis que lorsqu’on reste entre nous, c’est plus rapide. Or les acteurs de l’oecuménisme, et notamment les prêtres et les pasteurs, sont de plus en plus surchargés. Ils parent au plus pressé et l’investissement œcuménique fait les frais de ce stress. Résultat des courses : moins d’initiatives, moins de rencontres, moins d’actions communes.
Je sais bien que tous les acteurs de la pastorale estiment que leur « spécialité » est forcément prioritaire. Mais justement. Depuis le concile Vatican II, dans la foulée du mouvement oecuménique initié par nos frères et sœurs protestants, la recherche passionnée de l’unité de l’Eglise et entre les Eglises n’est pas une spécialité qui serait l’apanage de quelques mordus de la chose. Le pape Benoît XVI ne cesse de répéter que l’œcuménisme est devenu une priorité absolue pour l’Eglise catholique en toutes ses composantes. Alors…
Il y a plusieurs manières de pousser à la roue de l’unité des chrétiens. Tous ne peuvent pas tout faire. Mais ceux qui ne font rien ou presque, sous prétexte qu’ils n’ont pas le temps, marchent sûrement à côté des chemins de l’Evangile et de l’Histoire.
Un conseil d’ami : revoir nos priorités. Et faire les bons choix.
1626 signes Claude Ducarroz

jeudi 9 décembre 2010

Noël canin

Fleur de vie

Noël canin

Les catéchistes ont toujours des histoires à raconter. Souvent édifiantes, parfois drôles et quelques fois navrantes.
Au retour des vacances, Rose-Marie demande aux enfants de son groupe de caté comment ils ont passé Noël. Le récit le plus surprenant vint de José, un garçon plein de spontanéité. « On n’a pas fêté Noël chez nous, dit-il avec un brin de candeur, parce que notre chienne a donné le jour à 9 chiots cette nuit-là. Alors on a fêté la naissance des petits chiens à la place de celle de Jésus. »
Heureusement, Jésus n’est pas jaloux ! On dit qu’il y avait un âne et un bœuf dans la crèche de Bethléem. Peut-être y avait-il aussi quelque chien qui traînait par là !
Cet épisode animalier peut être vu comme une anecdote gentille. Mais on peut aussi l’interpréter comme la parabole de notre société face aux mystères chrétiens. Il faut bien constater que la naissance de Jésus perd peu à peu de sa substance parce que la figure de Jésus lui-même s’estompe dans le cœur de nombreuses personnes, même baptisées. Qu’une chienne supplante le Sauveur à Noël, c’est évidemment un signe inquiétant pour la vitalité de la foi chrétienne. Pour beaucoup, Jésus-Christ n’est plus d’actualité.
Les bergers du premier Noël ont sûrement pris quelques animaux avec eux pour venir à la crèche. Qu’ils nous ramènent auprès du Sauveur, eux qui, en glorifiant Dieu, firent connaître partout ce qu’ils avaient vu et entendu. « Et tous ceux qui les entendaient étaient émerveillés de ce que leur racontaient les bergers. »
Une grâce qu’on souhaite à José et à sa famille. Et même aux petits chiens.
1605 signes Claude Ducarroz

mercredi 8 décembre 2010

Immaculée Conception de Marie

Immaculée Conception 2010


De Maria numquam satis.
De Marie, on ne dira jamais assez.

Le curé-doyen de mon enfance, plus tard chanoine de cette cathédrale, nous répétait souvent cette formule pour dire qu’on ne dirait jamais trop au sujet de Marie.
Il justifiait cette pieuse exagération en faisant référence au cantique de Marie, le Magnificat, dans lequel elle dit : « Désormais toutes les générations me diront bienheureuse. »
C’est vrai. La liturgie de l’Eglise et la piété du peuple chrétien, tant en Orient qu’en Occident, ont amplement répercuté cette béatitude mariale, quand on mesure la somme des prières, des pèlerinages, des églises et chapelles, des œuvres d’art dédiées à Marie, sans compter toutes les bougies qui brillent sans cesse devant ses effigies partout dans le monde.

Oui, toutes les générations la proclament « bienheureuse », et nous aussi. Mais dans nos ferveurs mariales, nous ne devons jamais oublier les deux versets du Magnificat qui entourent et expliquent la béatitude de la Mère de Jésus.
Elle est bienheureuse « parce que le Seigneur a jeté les yeux sur son humble servante »,
parce que « le Tout-Puissant a fait pour elle de grandes choses. Saint est son Nom. » Pas celui de Marie, mais celui de Dieu. C’est elle qui le dit !

Aujourd’hui, nous méditons sur l’une de ces merveilles. Elle est contenue en germe dans cette première parole adressée à Marie par l’ange Gabriel au jour de l’Annonciation :
« Je te salue, comblée de grâces. Le Seigneur est avec toi. »
Tout est dit, tout est là.
Certes Marie est une « comblée de grâces. Mais c’est parce que le Seigneur est avec elle…et elle avec Lui.

Dans sa longue méditation sur ce mystère, après des siècles de controverses et d’hésitations, l’Eglise catholique a fini par définir ce privilège dans un dogme en 1854 par le pape Pie IX. C’est l’Immaculée Conception.
Précisons aussitôt, tant le malentendu est fréquent. Il ne s’agit pas de la conception virginale de Jésus en Marie par l’opération du Saint-Esprit , comme on le dit maladroitement. Il s’agit de la sainteté originelle de Marie qui, dès sa conception, a été placée entièrement dans le monde de la grâce en échappant à tout péché.
Bien sûr, comme le rappelle le dogme lui-même, c’est par un geste de salut anticipé provenant de la croix du Christ, et pour qu’elle soit la digne mère du fils de Dieu incarné et sauveur du monde.
Marie fait donc totalement partie du peuple des sauvés, mais mieux que nous, avant nous et finalement aussi pour nous puisque sa « toute sainteté » était orientée vers la venue du Sauveur du monde, le sien, le nôtre et celui de toute l’humanité.

Il ne faudrait surtout pas que le privilège de l’Immaculée Conception éloigne Marie de nous, le peuple des pécheurs sauvés par son fils, notre frère Jésus-Christ.

Et pour mieux comprendre cette proximité, non pas malgré mais à cause de sa toute sainteté –car la sainteté n’éloigne pas mais au contraire rapproche-, contemplons l’Immaculée dans la vie réelle et même ordinaire de cette femme d’Israël.
* Une sainteté en tablier de cuisine, dans la simplicité de Nazareth. Marie l’épouse et la maman.
* Une sainteté de service par amour quand, enceinte, elle franchit les montagnes pour secourir sa cousine Elisabeth. Marie de la visite.
* Une sainteté de migrante rejetée, au point de devoir accoucher en compagnie des animaux. Marie de la crèche à Bethléem.
* Une sainteté de réfugiée quand elle doit fuir en Egypte avec son époux Joseph pour protéger leur enfant de la mort. Marie de l’exil.
* Une sainteté de joie partagée quand elle signale à Jésus que les mariés de Cana manquent de vin pour continuer la fête. Marie de la noce.
* Une sainteté de prière et de liturgie quand elle monte au temple pour accomplir ses devoirs religieux. Marie de Jérusalem.
* Une sainteté de mère douloureuse et solidaire quand elle est debout au pied de la croix sur laquelle meurt son fils, condamné à mort. Marie du Golgotha.
* Une sainteté d’Eglise et en Eglise quand elle est présente et priante avec les apôtres et les disciples de Jésus à Pentecôte pour former et lancer la première communauté chrétienne. Marie du Cénacle.

En résumé, toutes les « saintetés » de Marie Immaculée sont encore aujourd’hui partagées et imitées parce qu’elles portent fleurs et fruits au ras de la vie ordinaire, là où l’évangile est mis en pratique, tout simplement.

C’est bien cela que Marie nous rappelle sans cesse puisque ces derniers mots cités dans l’Evangile de Jean sont ceux-ci : »Faites tout ce que Jésus vous dira. »
C’est ça, être enfants de Marie. C’est ça, former l’Eglise mariale. C’est ça finalement honorer cette invitation d’humilité et de louange : « Oui, le Tout-Puissant a fait pour toi des merveilles. Bienheureuse es-tu parce que saint est son nom.
Amen.

Claude Ducarroz

dimanche 5 décembre 2010

Vers les 500 ans du Chapitre cathédral

1512-2012
Les 500 ans du Chapitre cathédral de St-Nicolas

Introduction

Vous vous souvenez ! En 2006, toute la Suisse a commémoré les 500 ans de la Garde suisse pontificale. En effet, c’est en 1506 que le pape Jules II (Giulio della Rovere) a institué la célèbre cohorte des gardes suisses, « la plus petite armée du monde », qui continue d’être à la fois la curiosité des touristes qui se rendent au Vatican et la fierté de notre pays.

Savez-vous que ce même pape a aussi fondé une autre institution qui a marqué notre canton de Fribourg tout au long de son histoire ? Par une bulle datée du 20 décembre 1512, le pape Jules II a créé le « vénérable et exempt » chapitre collégial de St-Nicolas à Fribourg, doté alors de 15 chanoines autonomes par rapport à l’évêque de Lausanne. C’est le célèbre magistrat et humaniste fribourgeois Peter Falk qui obtint cette insigne faveur, à la demande des Autorités et de la Bourgeoisie de la ville, lors d’un séjour à Rome.

Dès lors le Chapitre de St-Nicolas a accompagné de près la ville et le pays de Fribourg dans les multiples péripéties de leur histoire. Il suffit de nommer, entre autres, le fameux prévôt et vicaire général Pierre Schneuwly, qui propagea efficacement les idées de la Réforme catholique à la suite du Concile de Trente et fit venir à Fribourg les Pères Jésuites, dont saint Pierre Canisius, le fondateur du Collège St-Michel.
Jusqu’à l’installation de l’évêque de Lausanne à Fribourg (1613), on peut dire que le Chapitre cathédral a constitué l’autorité épiscopale de proximité pour notre canton. Des figures éminentes ont marqué son histoire au plan de la religion, de la culture, des arts et même de la politique. Plusieurs membres du Chapitre sont devenus évêques. Le chanoine Charles Fontaine a servi l’évolution du canton dans les années qui ont précédé et suivi la Révolution française.

Quand la collégiale de St-Nicolas est devenue la cathédrale du diocèse (1924), les privilèges du Chapitre cathédral ont été maintenus, à savoir la nomination des prévôts et chanoines par les autorités civiles. Même si actuellement ces privilèges ont été abandonnés –y compris la mitre et la crosse pour le « Révérendissime Prévôt »-, il demeure que le Chapitre de St-Nicolas continue d’exercer son office d’intercession et de pastorale au service du diocèse, de notre cité et de notre canton.

Il convient dès lors de commémorer dignement les 500 ans de son existence.

Sans céder au triomphalisme, nous souhaitons que ce jubilé apporte à notre peuple et à notre Eglise des offres de célébrations, de culture et de commémoration bienvenues. En rappelant ce passé, nous croyons que nous contribuerons à donner à notre population, toutes générations confondues, le sens de son histoire et un certain élan pour son avenir.

Fribourg, le 15 août 2010 Claude Ducarroz, prévôt

Coup de gueule

Humeurs romaines

L’Osservatore romano –journal semi-officiel du Saint-Siège- annonce dans son numéro du 26 novembre en langue allemande que le pape Benoît XVI a nommé (ernannt) l’abbé Felix Gmür évêque de Bâle. Il n’est fait aucune allusion au rôle prépondérant qu’a joué le Chapitre cathédral de Soleure dans le choix de ce jeune et sympathique prélat pour le siège épiscopal du plus grand diocèse de Suisse. Car, conformément au Concordat du 26 mars 1828 toujours en vigueur, ce sont bel et bien les chanoines du Chapitre qui élisent l’évêque tandis que le pape confirme ce choix. Ce processus, quoique rare, est prévu par le code de droit canon actuel puisqu’il est écrit au numéro 377/1 que « le Pontife suprême nomme librement les évêques ou confirme ceux qui ont été légitimement élus ». C’est exactement le cas du diocèse de Bâle. Il est spécifié en effet à l’article 12 du Concordat : « Les chanoines formant le Sénat ont le droit de nommer l’évêque parmi le clergé du diocèse. L’évêque élu recevra l’institution du Saint-Père. » Depuis 1967, les chanoines de Soleure ont fait une fleur au Vatican. Jusqu’à cette date, ils annonçaient le nom de l’heureux élu aussitôt après sa nomination. Actuellement, ils attendent sagement la confirmation du pape pour révéler le nom du nouvel évêque. Mgr Gmür, très prudent comme il se doit, a envoyé une lettre à ses futurs diocésains dans laquelle il rappelle qu’il a été « élu » par le Chapitre le 8 septembre 2010 et qu’il sera « nommé » par le pape le 23 novembre. Nuance !
J’entends l’objection. Une telle élection, démocratique à dose homéopathique, ne garantit pas contre les erreurs de casting. On se souvient que le Chapitre de Soleure avait nommé en 1994 Hansjörg Vogel qui dut démissionner l’année suivante. Mais il faut aussi reconnaître que le processus strictement canonique utilisé à Coire lorsque le Saint-Siège a cru bien faire en ignorant les droits du Chapitre lors de la nomination de Mgr Wolfgang Haas n’a pas mieux réussi puisqu’il a engendré 10 ans de grave crise dans un diocèse traumatisé.
Le silence de Rome sur le processus spécial ayant abouti à la nomination de Mgr Gmür me semble ressortir d’un manque de délicatesse à l’égard du Chapitre et du diocèse qui, à ma connaissance, tiennent tous deux à ce petit privilège modestement démocratique, sans qu’il ôte au pape un droit de regard sur ladite nomination.
Cet « oubli » est aussi un préjudice pour l’œcuménisme. Car l’excessif centralisme romain est incontestablement l’un des obstacles au progrès du rapprochement entre les Eglises. Jean-Paul II avait écrit dans son encyclique « Ut unum sint » sur l’œcuménisme (1995) qu’il souhaitait que son ministère puisse « réaliser un service d’amour reconnu par les uns et les autres ». Pour cela, il faisait humblement appel aux autres Eglises afin de chercher ensemble quelles formes il devrait prendre afin d’atteindre cet objectif. (Cf. no 95). On en est encore loin.
Quoi qu’il en soit, nous souhaitons encore à Mgr Félix Gmür toutes les grâces nécessaires pour l’accomplissement de sa rude mission dans l’esprit de l’Evangile, en communion avec son peuple, ses confrères évêques et le Saint-Père évidemment. Sans oublier la dimension œcuménique.
Notre diocèse est en attente d’un nouvel évêque. Il sera nommé sans surprise selon la procédure canonique classique après les consultations d’usage, ultrasecrètes évidemment. Nous attendons ce nouveau pasteur dans la prière et la confiance, avec l’espoir d’une grande joie. Mais ce n’est pas manquer d’esprit ecclésial que de rappeler maintenant une recommandation publiée par l’assemblée synodale suisse qui dit : « Nous demandons pour tous les diocèses que dans la nomination des évêques soit introduite et fixée juridiquement une participation des organismes des Eglises locales. Cette participation doit être au moins équivalente aux formes de codécision déjà existantes » (No 444).
C’était il y a 35 ans. Depuis lors, rien n’a bougé. Ouf ! Nous sommes (encore) catholiques !
4008 signes Claude Ducarroz

mercredi 1 décembre 2010

La remplaçante

Fleur de vie

La remplaçante

On a beau avoir encore quatre enfants, perdre le cinquième provoque une si profonde douleur. Philippe et Josiane se sont retrouvés au cœur de cette souffrance en laissant partir leur fille trisomique, la préférée de leur amour, comme vous pouvez le deviner. Bien sûr, on le leur avait dit : Sabine ne pourra pas vivre très longtemps. Mais la voir s’en aller à l’âge de 12 ans, c’est un terrible chagrin. Et puis toute la famille a bien dû faire son deuil, continuer à vivre sans ce trésor qui causait sa joie en même temps que son souci.
Sans Sabine ? Pas tout à fait, même si chaque enfant est toujours unique, irremplaçable. Après avoir réfléchi en famille, après avoir prié, Philippe et Josiane ont décidé d’adopter un nouvel enfant qui viendrait compléter la fratrie. Mais pas n’importe lequel : une petite trisomique, comme l’était Sabine.
La famille s’est ainsi re-composée, dans une configuration proche de la précédente. Personne n’oublie Sabine. Mais sa petite sœur lui ressemble tellement, par sa vitalité rayonnante mais aussi par l’exigence de tendresse patiente. Et par son sourire évidemment.
Qui dira jamais la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de l’amour dont sont capables certaines personnes, surtout devant le malheur innocent ? Voilà qui nous réconcilie avec une humanité si souvent présentée comme égoïste, indifférente, sourde et aveugle devant la souffrance des plus pauvres et des plus petits.
Reprenez courage : il y a encore des gens qui savent aimer, « non par des paroles et des discours, mais en actes et en vérité. » (I Jn 3,18).
1597 signes Claude Ducarroz

dimanche 28 novembre 2010

Les deux alliances

Fleur de vie

Les deux alliances

A la bénédiction de l’abbé du monastère de Hauterive. Plus précisément à la fin de la prière eucharistique.
Le nouvel abbé présente solennellement le Pain consacré tandis qu’un diacre fait de même avec le calice à ses côtés. Ces mains si proches, tout au service du peuple de Dieu, comme réunies par le mystère eucharistique, me touchent et m’émeuvent. Je remarque alors deux alliances côte à côte, celle du nouvel abbé entièrement voué désormais à sa communauté monastique et celle du diacre marié, consacré d’abord à sa famille, mais aussi pleinement au service de la communauté chrétienne comme le Christ du lavement des pieds.
J’ai aimé la proximité de ces deux alliances d’or, l’anneau du pasteur et l’anneau de l’époux, tous les deux donnés par amour. La grande Hostie et le calice du salut les unissaient dans un même geste de communion, « à cause de Jésus et de l’évangile ». Et ces deux chrétiens en pleine « démonstration eucharistique» manifestaient à merveille la richesse des ministères et la beauté de leur collaboration, sous le signe de la présence de Jésus à son Eglise. Il y avait quelque chose de conjugal chez le nouvel abbé et quelque chose d’eucharistique chez ce diacre marié. Leurs alliances, différentes mais complémentaires, se donnaient la main pour signifier finalement le même amour, celui du Christ qui nous appelle tous à accueillir et à vivre le mystère de l’alliance nouvelle et éternelle en son corps livré et en son sang versé.
Que d’amour ! que de services ! que de fêtes au goût d’eucharistie.
Pendant mais aussi après la messe.
1594 signes Claude Ducarroz

lundi 15 novembre 2010

La joie du pardon

La joie du pardon

C’est humain !

« Je ne suis qu’un homme, moi aussi. » Cette petite phrase de Pierre au centurion Corneille qui se prosternait à ses pieds m’aide souvent à être plus indulgent à l’égard des autres …et de moi-même aussi ! Oui, nous ne sommes tous que des humains, et par conséquent il nous arrive de faire du mal, plus ou moins consciemment. Inévitablement se pose alors la question : que vais-je faire du mal que j’ai commis ? et du mal qu’on m’a fait ? Il est là, devant moi, marqué dans ma sensibilité, imprimé dans ma conscience, à vive chair, comme une blessure subie ou provoquée.
Cette lésion est sans doute d’autant plus saignante ou infectée qu’elle est le fait de quelqu’un qu’on aime et qui nous aime. Les amoureux s’aiment plus fort que les autres, et peuvent aussi se blesser plus profondément. Il y a les petites égratignures quotidiennes, inévitables dans toutes les cohabitations humaines. Il y a, plus douloureux, ces bleus au cœur, qui proviennent des manques de respect, des colères injustes, de ces oublis qu’on nomme parfois « impardonnables ». Et puis, il peut y avoir ces coups de poignard que sont les infidélités ou les mensonges, capables de remettre en question une relation qu’on avait rêvée stable parce que sincère et exclusive.
Et la même question revient toujours, que je sois le fauteur ou la victime : qu’est-ce que je fais de cela ? Est-ce que je puis en faire quelque chose de positif, alors que tout me semble négatif ? Est-ce que nous pouvons, ensemble, en tirer un supplément de vie et d’amour, alors que tout paraît menacer, voire contredire, notre projet de bonheur en commun ? En termes chrétiens, est-ce qu’il y a, cachée au creux de la souffrance légitime et de l’échec apparent, une source de résurrection qui puisse faire refleurir, ne serait-ce qu’un brin en forme d’espérance, le désert de notre relation ?
Oui, nous dit le Seigneur Jésus. On appelle cela le pardon. Demandé, donné, reçu et même célébré.

Le mot et la chose

Le par-don, ce très beau mot qui peut aussi devenir un bon moment. Un don « par-dessus », surajouté et donc gratuit. Un cadeau qui redonne vie, un présent tout pascal. Mais à certaines conditions quand même.
Le pardon suppose une vérité partagée, celle qui s’exprime et s’écoute jusqu’au bout d’elle-même. Pour le fauteur, c’est reconnaître le mal commis, avouer humblement mais sans se sentir humilié, avec ce premier bonheur qu’est une certaine libération. « J’ai reconnu, je me sens mieux, c’est moins pesant » Nous avons tous éprouvé ce sentiment qui nous aide à mieux respirer dans notre conscience. Mais l’aveu n’est jamais à sens unique. La brûlure du lésé doit aussi pouvoir se dire, avec toutes les nuances du ressenti forcément subjectif et peut-être exagéré dans ses interprétations. Qu’importe ! Il faut que cette bile délétère puisse sortir. Là aussi, c’est une libération. Et un premier baume de tendresse lorsque l’aveu comme la souffrance trouvent chez l’autre un cœur qui écoute, qui compatit et peut-être finit par comprendre à défaut d’excuser déjà. Le pardon est réalisé lorsque deux douleurs avouées finissent par s’embrasser pour devenir des douceurs partagées. Il y a dans cette nouvelle alliance une étonnante puissance de recommencement, de renouveau, de résurrection. Peut-être la mémoire va-t-elle demeurer comme une cicatrice vigilante qui mettra du temps à s’effacer. Nous ne maîtrisons pas complètement nos souvenirs, et nos sentiments peuvent parfois relever la tête en forme de ressentiments. C’est humain, c’est normal. Mais l’essentiel aura été accompli : le pardon a fleuri en miséricorde, un mot magnifique qui recouvre une réalité encore plus belle. Oui, un cœur qui absorbe une misère au point de la digérer sous le feu d’un amour plus fort que l’offense, une charité capable de redonner vie à ce qui semblait mort, une opération de type pascal.

Comme Jésus, avec Jésus

Pâques ! Nous y voilà. Le pardon n’est possible en profondeur et durable en réalité que s’il vient puiser sa sève au pied de la croix du Ressuscité.
Jésus était l’innocent parfait. Il avait tout à pardonner et rien à se faire pardonner, ce à quoi personne parmi nous ne peut prétendre. Même les plus saints sont aussi parfois des coupables. Ou l’ont été. Donc…
Jésus a voulu aussi faire la vérité quand il dit à ses bourreaux : « Si j’ai mal parlé, dis-moi où est le mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn18,23). Mais surtout, à ceux qui reconnaissaient leurs fautes comme à ceux qui ne savaient pas tout le mal qu’ils avaient fait –ça arrive aussi dans les couples-, Jésus a prié le Père de leur pardonner, au point de dire au larron repentant : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. » La grande icône du pardon qui redonne vie est présentée par l’apôtre Jean après la mort de Jésus, quand le sang et l’eau ont coulé de son côté transpercé par le coup de lance. Là, c’était vraiment la miséricorde, le cœur de Jésus ouvert sur nos misères, pour les brûler toutes dans le brasier de son amour vainqueur. Et deux jours après, il était ressuscité et pouvait dire à ces pauvres pécheurs d’apôtres contrits : « La paix soit avec vous ! Les péchés seront remis à qui vous les remettrez ». (Jn 20, 19 et 23).
Je ne puis m’empêcher d’évoquer l’une des plus belles joies du ministère du prêtre, à savoir le sacrement de la réconciliation célébré en couple. Après les épreuves des éraflures, voire des entailles faites à l’amour conjugal, il est si beau, fût-ce dans les larmes, de se retrouver ainsi à trois pour faire le point, pour accoucher de la vérité -ce mal causé ce mal subi- et finalement de tout déposer au pied de la croix pour repartir ensemble en fils et fille de la résurrection, dans la force du pardon reçu ensemble. Car ce sacrement n’est pas seulement celui qui efface un passé triste ou décevant. Il confère la grâce de la conversion et le fortifiant de la guérison.
Alors, en toute vérité et humilité, dans la conscience de leurs fragilités humaines, mais appuyés sur les énergies du sacrement de mariage ranimé, les époux peuvent à nouveau s’embrasser. Après l’amour et avant de s’endormir, ils peuvent re-prier ensemble cette prière que le Seigneur nous a enseignée : « Notre Père, pardonne-nous comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés, et délivre-nous du Mal. »
Le bonheur retrouvé !

Claude Ducarroz

Un sur vingt

Fleur de vie

Un sur vingt

Visite sur un chantier-école où se forment les ouvriers de la construction. Grutiers, machinistes, conducteurs de trax et autres engins impressionnants s’affairent sur le terrain. Il s’agit d’acquérir la compétence nécessaire tout en assurant l’indispensable sécurité. Je regarde avec une curiosité mêlée d’admiration ces hommes qui se préparent à construire nos maisons, nos routes, nos ponts etc… Un grand sérieux, presque grave, chez ces apprentis, et une conscience professionnelle rigoureuse chez leurs moniteurs.
Dans la maison qui sert de lieu d’enseignement et de rencontre, j’engage la conversation. Un chiffre m’étonne au point que j’ai demandé qu’on me le répète : chez nous, dans ce genre de travaux, il y a seulement un Suisse sur vingt. Autrement dit, 95% sont des étrangers.
Certains ajouteront aussitôt : la Suisse est bien généreuse, elle donne du boulot à beaucoup d’étrangers qui doivent être contents d’échapper au chômage chez eux en venant travailler chez nous. Mais on peut aussi regarder par l’autre bout de la lorgnette. Que ferions-nous dans le secteur de la construction sans ces étrangers qui accomplissent souvent les travaux les plus pénibles et les moins prisés par nos compatriotes ?
Et si l’on en finissait avec ces classements de type nationaliste ? Il y a des êtres humains, différents mais si semblables aussi, qui gagnent vaillamment leur vie en rendant de grands services à notre communauté humaine. Nous devons être solidaires, jusqu’à une convivance multicolore qui exclut toute discrimination.
C’est ça, le vrai chantier d’une humanité enfin fraternelle.
1616 signes Claude Ducarroz

lundi 8 novembre 2010

Les maienzettes

Fleur de vie

Les maïentzettes

Peut-être ne connaissez-vous pas cette charmante tradition fribourgeoise. Pour saluer le retour du printemps, les enfants passent de maison en maison afin de « chanter le 1er mai ». Ce qui met de la joie dans l’atmosphère de ce jour et garnit l’escarcelle des petits chanteurs de quelques sous bienvenus. C’est pour la bonne cause puisque -normalement- la récolte est destinée à faire un cadeau lors de la fête des mères et à enrichir la caisse de la prochaine course d’école.
Marinette est fière de ses deux filles. De bonnes chanteuses qu’elle observe en souriant depuis sa fenêtre. Que voit-elle ? Ces deux hirondelles du printemps vont d’abord chanter dans le cimetière, en s’arrêtant près de la tombe de la grand-maman récemment décédée. Ce qui étonne et en même temps édifie leur maman. « Alors, grand-maman vous a-t-elle donné quelque chose ? », interroge Marinette, mi curieuse mi ironique. Et la réponse fusa aussitôt : « Oui, grand-maman nous a donné beaucoup de bonheur quand elle était parmi nous. On est allé chanter pour lui dire merci. »
Certains chrétiens -pas tous- prient pour leurs morts dans l’esprit de la communion des saints. Mais, quelle que soit notre confession, nous pouvons tous dire merci à celles et ceux qui nous ont précédés dans le Royaume de Dieu après nous avoir fait tant de bien sur cette terre. Une fleur sur la tombe, une bougie allumée devant une photo, un moment de recueillement : il y a bien des manières de faire mémoire et de remercier.
Pourquoi pas ? On peut même chanter en souvenir de nos chers défunts.
Comme les maïentzettes de Fribourg.
1613 signes Claude Ducarroz

mercredi 27 octobre 2010

Les kilomètres?

Fleur de vie

Une question de kilomètres ?

Joie de retrouver de bons amis qui habitent le Sud-Ouest de la France. Comme ils sont très engagés dans l’Eglise, nous parlons de la situation respective de nos communautés chrétiennes à l’heure des restructurations pastorales.
Ressemblances et dissemblances !
Nous sommes tous confrontés au même manque de prêtres qui oblige à diminuer l’offre des célébrations eucharistiques. Dans les plus petites paroisses, la messe dominicale est célébrée de plus en plus rarement. Il faut donc que les fidèles s’habituent à bouger pour participer à la messe, à moins de se résigner au « jeûne eucharistique ».
Je découvre alors la dissemblance. Là-bas, les chrétiens parcourent volontiers 20 kilomètres et plus pour retrouver une véritable communauté et partager en Eglise la rencontre du Seigneur dans sa Parole et dans son Pain. La communion eucharistique et la communion ecclésiale ne méritent-elles pas cet effort ?
Et qu’est-ce que je constate chez nous ? Les distances sont beaucoup plus réduites –car nos clochers sont très proches-, mais une certaine paresse s’est installée, qui frise l’indifférence. Des chrétiens estiment qu’ils ont congé quand l’eucharistie ne leur est pas servie « à domicile », comme si c’était trop demandé de devoir parcourir 4 ou 5 kilomètres pour faire Eglise autour de la messe le dimanche ou le samedi soir.
Mais peut-être le problème est-il ailleurs. Avons-nous vraiment faim de l’eucharistie ? Avons-nous encore besoin de vivre en Eglise ?
A chacun sa réponse !
1525 signes Claude Ducarroz

vendredi 22 octobre 2010

L'autre face des rires

Fleur de vie

L’autre face des rires

C’est bien connu, au point de devenir un argument touristique : Lausanne est la capitale romande des noctambules. Jusqu’à plus d’heure le matin, la cité lémanique bruisse des ambiances criardes ou feutrées qui montent des boîtes de nuit, discothèques, troquets, salons de jeux (ou autres). Une ville où l’on s’amuse à gogo, surtout en fin de semaine. Voilà pour la face récréative.
Mais il y a aussi l’autre, qui exhale une odeur bien différente. J’en ai pris conscience en causant avec un policier qui sait de quoi il parle. Tous les week-ends, de nombreux agents de la sécurité publique sont sur le qui-vive, affrontés à toutes sortes de débordements. Ils sont sollicités des dizaines de fois pour calmer des gens alcoolisés ou drogués, réprimer des comportements dangereux, voire empêcher des drames. Et bonjour les dégâts aux propriétés, les coups et blessures, sans compter les séquelles délétères pour la santé physique et morale, notamment parmi les jeunes. « Je vois des choses que je n’aurais jamais cru voir », avoue le brave fonctionnaire.
Notre société permissive, qui fait de sa tolérance une attraction économique, se garde bien de nous présenter les comptes des déprédations matérielles et des dépravations morales suscitées par son indulgence ultralibérale. Et c’est aux braves gens, qui savent s’amuser raisonnablement, de payer les factures !
Mettre des limites claires sans tomber dans la dictature de la vertu, c’est le rôle de nos autorités. C’est aussi notre responsabilité à tous. Afin que notre société ne périsse pas de ses propres excès, comme d’autres empires avant nous.
1629 signes Claude Ducarroz

mardi 19 octobre 2010

Deux homélies

Deux homélies

Saillon VS 11 septembre 2010
Lectures du 24ème dimanche C

Ca suffit ! J’en ai assez de ces slogans bêtes et méchants :
- La religion, c’est la tristesse, la foi c’est la consternation.
- L’Eglise, c’est l’austérité et le reproche perpétuels
- Etre chrétien, c’est se condamner à l’amertume et à la désolation.
J’ai compté : dans les 10 premiers versets de l’évangile de ce jour, il y a 5 fois la joie ou « réjouissez-vous ». Il y a même 4 fois une fête autour d’un repas où l’on mange et boit…comme on sait le faire en Valais. C’est Saillon sur Cana !

Et pourtant c’était mal parti et ça aurait pu mal tourner, tomber dans la dépression.
- La compagnie ? Des pécheurs pas très recommandables, ainsi que le font remarquer les scribes et les pharisiens.
- Une brebis perdue qu’il faut aller chercher, peut-être pour l’arracher à la gueule d’un loup valaisan.
- Une pièce d’argent perdue, mais surtout le 10ème de la fortune. Imaginez cela chez M. Constantin dans la caisse du FC Sion.
- Pire encore : un fils perdu qu’on croyait mort parce qu’il était parti faire la noce jusqu’à la déchéance.

Et c’est dans ce contexte que l’Evangile inscrit la fête et la joie : « mangeons et festoyons ! »
Bien sûr, il ne s’agit pas d’une fête pour nier les problèmes, fermer les yeux sur les drames, oublier les épreuves. Le contraire de notre société, avec toutes ses propositions de divertissements de consommation qui sont si souvent des drogues modernes. Il y a tant de paradis artificiels pour fuir le réel et ses contraintes, se dérober à la vie et à ses misères comme on anesthésie un malade. Et on se retrouve au petit matin blême plus malheureux, plus seul, plus désespéré qu’avant.

Alors comment faire mieux ? Il faut une transformation, un passage, une transfiguration, une résurrection, un transit de la mort à la vie.
Vous me direz que c’est bien difficile quand on est dans le deuil et le malheur. Oui, mais ce n’est pas impossible, à deux conditions.
I. Qu’il y ait quelqu’un avec nous qui continue d’aimer, d’aimer malgré tout, et même malgré nous,
quelqu’un qui donne, redonne, pardonne, comme le Christ qui fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux.
Mais ne serait-ce pas cela, la messe ?

Et puis il y a la figure du père de toute miséricorde, qui brûle dans son cœur ouvert toutes nos misères. On le voit bien : il respecte la liberté de son fils qui décide de partir, il partage ses biens avec lui, il guette son retour, il est tout remué de pitié, il court embrasser le revenant, il refait alliance avec lui en lui remettant le vêtement, les sandales et l’anneau. Il fait la fête du retour. Mais n’y a-t-il pas un sacrement pour cela : le pardon ?




II. Et puis savoir partager avec d’autres, vivre en communauté comme Jésus qui faisait toujours « table ouverte », comme le berger et la ménagère qui réunissent les voisins et amis pour la fête des retrouvailles, comme le père qui met à l’œuvre ses serviteurs pour la fête et va même chercher le fis aîné réticent afin que personne ne manque au festin pascal.
C’est ça, l’Eglise, pour moi, cette communauté chrétienne où tous sont invités, personne ne doit se sentir exclu, où on insiste pour que tous viennent tout en respectant la liberté de chacun.

Saillon sait fêter et s’apprête à le faire encore plus et mieux. Que ce soit dans l’esprit de cet évangile, en invitant aussi le Christ, celui qui sait le mieux inviter, jusqu’au pardon, jusqu’à l’eucharistie, ce Christ qui nous révèle Dieu comme un père de famille nombreuse…nous !
Et puis vous saurez partager largement, à commencer par l’attention aux plus pauvres, aux « prodigues », aux étrangers, aux solitaires, aux différents.
Je retiens ce beau geste du pain et du vin partagés, qui ont goût d’eucharistie et de solidarité.

Vous allez retourner sur votre passé, mais que ce soit pour en retenir le meilleur, à savoir la foi, l’accueil chaleureux, le partage large. Et votre avenir sera de bonheur, chrétien parce que humain, humain parce que chrétien.
Qu’il en soit ainsi ! Amen
Claude Ducarroz




Dans l’ancienne église de Montbrelloz
le 16 octobre 2010
Pour maman Marguerite
1910 – 1987 – 2010

Dans ce lieu –l’église de mon baptême-, il y a des choses et des personnes.

Il y a des choses. Elles nous parlent, elles nous racontent, par les souvenirs auxquels elles furent associées. Nous avons vécu tant d’évènements dans ce lieu. Ces choses ont fait nos histoires et notre histoire. Et puis elles sont des symboles, des ouvertures de sens, des clairières de beauté, notamment par l’art sous toutes ses formes, et maintenant ces nouveaux vitraux.

Et surtout il y a les personnes, celles qui nous ont marqués à jamais, qui ont compté et comptent encore pour nous. Comment ne pas évoquer d’abord celles qui nous ont donné la vie par amour, et toutes les autres, sources d’innombrables cadeaux dont nous vivons encore ? Dans ces lieux et autour de ces lieux, il y eut tant d’amour, de travail, de sacrifices…pour nous ! Nous avons tant reçu, donné aussi et partagé ! Dans la besace de nos vies, il y a encore ces trésors secrets dans lesquels nous puisons, comme à une source intime à laquelle nous allons nous désaltérer.

Ici, nous retrouvons le sens de la tradition et aussi de la transmission, avec la joie du rayonnement durable et du partage fraternel. Mais ici nous mesurons aussi que tout passe, les choses, lentement, et nous aussi, parfois brusquement comme on a pu le déplorer pour notre cher Jacquy.

Nous voudrions retenir, surtout les personnes aimées évidemment, mais c’est tellement au dessus de nos pauvres capacités. Nous passons, nous passerons aussi.
Et puis il y a Jésus le Christ. Alors tout change, tout est bouleversé, transfiguré. Il a passé comme nous, y compris par la mort. Et il a tout dépassé, y compris la mort, avant nous, pour nous, avec nous ou plutôt nous avec lui. C’est la perspective de Pâques. N’avons-nous pas inscrit « alleluia » sur les tombes de nos parents ? Comment cela va-t-il se faire ? Je n’en sais rien et je ne suis pas curieux. Mais je crois que c’est ainsi. Nous en avons un indice : cette communion de mémoire en nos cœurs. Et puis cette bonne nouvelle : la communion des saints.

Nos bien-aimés sont en réserve dans le cœur de Dieu pour servir de cadeau d’amour dans un revoir promis…et donc espéré.

Car Dieu est Amour, et cet amour est plus fort que la mort.

Claude Ducarroz

jeudi 14 octobre 2010

La faute à Jésus

Fleur de vie

La faute à Jésus

Des chrétiens « démissionnent » de leur Eglise. Certains s’en vont parce qu’ils ne veulent plus payer l’impôt ecclésiastique. D’autres entendent protester contre tel ou tel aspect de la vie de leur Eglise, qui ne leur plaît pas. D’autres enfin ont changé de religion ou sont devenus incroyants, voire athées. On peut regretter ces départs, mais on doit les respecter. Et nous devons tous nous interroger : pourquoi ?
C’est ce que fit un prêtre en rencontrant un monsieur qui venait de signer son retrait de l’Eglise. Surprise ! « Vous nous parlez trop de Jésus-Christ, c’est pour cela que je quitte l’Eglise » : telle fut la réponse de l’ex-paroissien.
Certes, il y a manière et manière de parler de Jésus-Christ. Mais vouloir une Eglise dans laquelle on parle moins de Jésus-Christ, voire plus du tout : voilà qui est étrange. C’est un peu comme si on interdisait de jouer de la musique…dans une salle de concert !
Nous demeurons tous des apprentis quand il s’agit d’annoncer l’Evangile. Et parler du Christ, c’est aussi évoquer bien d’autres choses qui intéressent Jésus de Nazareth, à commencer par l’amour du prochain. Nous savons que ça passe par le pardon, la justice, la solidarité : autant de remises en question qui peuvent nous déranger dans nos conforts ou nos habitudes. Y compris les prêtres.
« Annoncer l’Evangile n’est pas pour moi un titre de gloire. C’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ! », écrivait l’apôtre Paul (cf. I Co 9,16)
Ainsi pour l’Eglise. Ou elle n’est plus l’Eglise.
1570 signes Claude Ducarroz

vendredi 8 octobre 2010

L'homme qui pleurait

Fleur de vie

L’homme qui pleurait

Il pleurait comme un gosse sur son livre dans la salle de lecture, ce jeune homme de bonne famille, fils de médecin. L’employé de la bibliothèque s’approche de lui en lui posant délicatement la question du pourquoi. Une histoire d’étudiant plus attiré par des foires ruineuses que par des études sérieuses. Résultat des courses : il devait payer d’urgence 5000 francs de retard à l’université pour pouvoir continuer ses études. Et pas question de solliciter son père, intraitable dans ce domaine. Non sans hésitation, mais ému de pitié, le brave employé a fini par remettre à ce prodigue pleureur la somme indispensable à la poursuite de sa formation. C’était magnanime, mais très risqué.
Le temps a passé. Le bon apôtre, sans illusion sur la restitution possible de sa généreuse obole, avait oublié l’incident. Et voici qu’un jour, 15 ans plus tard, un monsieur se présente devant lui exactement au même endroit, sur le lieu des pleurs, en lui tendant une enveloppe plutôt épaisse. Et d’expliquer : « Vous m’avez sauvé la vie en me prêtant 5000 francs, je viens vous les rendre avec un petit supplément puisque je suis maintenant médecin, après avoir repris le cabinet de mon père ». Il y avait 12.000 francs dans l’enveloppe. Vous devinez la surprise et l’émotion de l’imprudent donateur. Encore une précision : l’employé ne s’est pas cru autorisé de garder cet argent pour lui. Il l’a utilisé pour faire du bien à d’autres. De ce côté-là, il faut être généreux des deux côtés !
Ainsi va la charité quand elle est gratuite. Mais sans garantie que ça marche toujours !
1600 signes Claude Ducarroz

dimanche 3 octobre 2010

Le déphasé

Fleur de vie

Le déphasé

Visite dans la famille de bons amis. Je trouve leur adolescent devant son ordinateur avec un copain. Et ça y va. J’assiste à une démonstration de savoir faire avec toutes sortes de programmes informatiques. Je suis étonné, émerveillé et quelque peu humilié, je l’avoue. Car je peine avec mon ordinateur, je me bats pour et parfois contre mon Iphone, je n’entends pas grand-chose au fonctionnement de tous ces appareils qui envahissent peu à peu ma table de travail. Quand je vois l’habileté de ces ados dans la jungle de ces nouveaux moyens de communication, je suis gagné par une envie qui vire à la jalousie. Une réflexion désabusée m’envahit : ai-je encore une vraie place dans cette société ? Une certaine honte s’installe en moi. Et la crainte de vieillir comme un rameau sec parce qu’inutile, selon les critères actuels de la modernité et de l’efficacité.
Heureusement, le partage avec un ami est venu remettre de l’ordre dans mon esprit. Que les jeunes soient plus habiles que moi avec les techniques modernes, c’est normal et c’est tant mieux. Et puis ne dois-je pas admettre, avec humilité sans humiliation, que j’ai mes limites, comme ces jeunes ont aussi les leurs. Ils n’ont pas besoin de moi pour devenir compétents en ces domaines où c’est moi qui ai tout à apprendre. Mais je puis leur révéler autre chose : le sens de la vie, quelques valeurs sûres en voie d’oubli, une certaine façon de voir et d’utiliser les choses pour faire grandir les personnes et les personnalités.
On parle beaucoup aujourd’hui de dialogue intergénérationnel. Tiens, c’est moi qui étais en train de l’oublier !
1621 signes Claude Ducarroz

jeudi 23 septembre 2010

A la santé des courges

Fleur de vie

A la santé des courges !

Balade dans la campagne profonde. J’observe la santé insolente des plants de courges quand ils sont cultivés sur des tas de fumier. De larges feuilles s’étalent avec orgueil, les citrouilles se gonflent de bonheur. Et ces lieux peu ragoûtants se laissent enrober d’une généreuse verdure qui parvient même à les rendre coquets. En attendant les prochains délices cucurbitacés.
Le substrat de nos vies n’est pas toujours d’excellente qualité. Il y a nos hérédités ambivalentes, le poids d’un passé pas toujours reluisant, des souvenirs encombrants, nos responsabilités dans tel ou tel échec. Bref : nous devons essayer de fleurir et de donner des fruits dans un contexte difficile, voire hostile.
Nous ne maîtrisons pas tout, mais nous avons au moins le pouvoir de semer quelques graines d’amour, quelles que soient les conditions de notre terrain personnel ou social. Nous ne ferons pas des miracles, mais dans le petit jardin dont nous sommes les humbles cultivateurs, nous pouvons tous faire pousser quelques plants de fleurs aux couleurs de l’évangile, celles qu’on nomme « béatitudes ». Et qui donnent de si bons fruits de bonheur quand on les partage avec d’autres, en toute simplicité.
Pour terminer, une petite recette. Quelques minutes avant de sortir du four le gâteau à la courge que vous aurez préparé avec délicatesse, saupoudrez-le de sucre brun, avec de la crème (de Gruyère) et de la cannelle. Faites gratiner. Secret de ma mère. C’est délicieux.
Comme la vie, quand on la concocte avec amour.
1539 signes Claude Ducarroz

lundi 20 septembre 2010

Prendre de la hauteur

Fleur de vie

Prendre de la hauteur

Un voyage en ballon peut être une expérience qui fait réfléchir. Bien sûr, il y a les paysages qui s’élargissent au fur et à mesure de l’ascension, avec l’émergence des cimes enneigées sur les vastes bords de l’horizon. Dans la légèreté du silence, on s’en met plein les yeux, jusqu’à la contemplation, jusqu’à la louange.
Et puis l’aérostier explique. En actionnant les brûleurs à gaz, il domine les mouvements de montée et de descente, mais la direction est essentiellement donnée par le vent. Les courants jouent un rôle prépondérant. Autrement dit, il ne suffit pas de prendre de la hauteur. Il faut aussi se soumettre à l’air ambiant qui demeure le seul maître de l’espace.
Prendre de la hauteur ! On entend souvent ce conseil péremptoire. On le donne aux autres quand on n’arrive plus à trouver la solution d’un problème humain. Et on a raison. Car les difficultés changent de proportion quand on les envisage avec un certain recul. Mais il est tout aussi important de retrouver en plus le souffle intérieur d’une certaine inspiration.
Il y a en chacun de nous une présence silencieuse, comme un vent de Pentecôte qui ne demande qu’à illuminer notre esprit et à réchauffer notre cœur. Ne serait-ce pas l’Esprit, celui qui travaille discrètement l’âme de toute personne de bonne volonté pour l’aider à voir plus juste et l’inciter à prendre finalement la meilleure direction ? Capter les frémissements de ce souffle, écouter son murmure intérieur, suivre ses inclinations : ce sont là les fruits de la prière, ce qu’on appelle parfois « la vie spirituelle ».
Bon voyage !
1606 signes Claude Ducarroz

dimanche 12 septembre 2010

L'année des divorces

Fleur de vie

L’année des divorces

« Chez nous, c’est l’année des divorces ! » Une dame me dit cela avec des larmes dans les yeux. Elle précise : « Mes deux filles se sont divorcées, et même ma sœur, après 30 ans de mariage, s’est séparée de son mari. » Des situations devenues banales à force de se multiplier. Un couple marié sur deux est « promis » au divorce, nous disent les statistiques.
Certains plaisantent sur ce fait de société, à l’instar d’Oscar Wilde qui affirmait que la cause principale des divorces était…le mariage ! D’autres prononcent des jugements en forme de condamnation des personnes. « C’est la faute…à l’autre ! »
Bien sûr, le divorce est toujours un grave échec, et la responsabilité des protagonistes est engagée. Comment se fait-il que des partenaires d’âge mûr se séparent si rapidement, alors que la plupart ont vécu longtemps ensemble avant de convoler ? Il est trop facile d’incriminer la fatalité ou la société, surtout quand des enfants font finalement les frais de telles désunions.
Mais il ne sert à rien d’accabler les personnes. N’y aurait-il pas quelque part un grave déficit spirituel dans la manière dont on envisage l’amour, la sexualité, la vie à deux, la responsabilité parentale ? Plus que jamais, la vie de famille est un défi difficile à relever. Mais justement, il y a un sacrement qui confère les grâces nécessaires pour gagner une telle bataille qu’on pourrait appeler « l’amour durable ».
Pas la cérémonie romantique d’un jour, avec un peu d’eau bénite pour faire religieux, mais une existence bien alimentée, notamment par l’eucharistie, l’autre sacrement de « l’alliance nouvelle et éternelle. »
1645 signes Claude Ducarroz

samedi 4 septembre 2010

Des nôtres?

Fleur de vie

Des nôtres ?

Pas facile d’obtenir la nationalité suisse, même lorsqu’on vit en Suisse depuis longtemps. Le passeport rouge à croix blanche se mérite et le chemin pour y parvenir tient souvent du parcours du combattant.
Annie a dû remplir de nombreux questionnaires, fournir une quantité de documents et affronter plusieurs examens. Les questions posées ne respirent pas toujours le bon sens ou la délicatesse. Comment répondre, par exemple, au reproche d’avoir gardé l’accent anglais quand on vient des Etats-Unis ? Comment être sûr que Villars-sur-Glâne se trouve dans le district de la Sarine et non pas de la Glâne ? Détail qui peut faire chavirer un rêve caressé en tout bien tout honneur.
Mais il y a aussi des fonctionnaires sympathiques. Annie, qui n’a plus aucune attache ailleurs, a été finalement accueillie par cette phrase qui lui fait encore chaud au cœur : « Puisque vous n’appartenez à personne, vous serez désormais des nôtres ».
Je le sais : la Suisse ne peut être la patrie de tout le monde. Et on peut se sentir « en famille » en Suisse même si l’on n’a pas la nationalité de notre pays. N’empêche que toute personne aspire à éprouver, d’une façon ou d’une autre, le sentiment d’être quelque part « à la maison ». Par l’accueil reçu et le partage vécu.
Nous ne pouvons pas conférer le passeport suisse à tous ceux qui le souhaiteraient. Mais nous avons tous la possibilité de démontrer à nos voisins –étrangers ou même étranges- que la table du coeur est heureusement plus large que celle de l’administration officielle. Il suffit de l’élargir à la dimension d’un peu plus de fraternité.
1614 signes Claude Ducarroz

samedi 28 août 2010

Pour la dédicace de la cathédrale

Dédicace de la cathédrale

C’était exactement le 6 août 1182, sous le règne de Rodolphe de Habsbourg. L’évêque de Lausanne s’appelait Roger de Vico Pisano. C’est lui qui est venu à Fribourg consacrer la première église de cette ville fondée par le duc Berthold IV en 1157. Elle était déjà dédiée à St-Nicolas de Myre, un saint très populaire en Europe depuis que les marins de Bari, en 1087, avaient transféré ses reliques en Occident pour les soustraire aux invasions musulmanes.

Que de chemin parcouru depuis lors !

Un siècle plus tard, à savoir en 1283, on commença la construction d’une nouvelle église, plus grande et de style gothique, pour l’essentiel, celle que nous admirons aujourd’hui. Mais il faut relever que chaque siècle a laissé les traces d’adjonctions et d’embellissements. La tour actuelle, devenue le symbole même de notre bonne ville, n’a été terminée qu’en 1490.
A la suite des guerres de Bourgogne, Fribourg est devenu canton suisse en 1481, et l’église de St-Nicolas le centre de ralliement des nouveaux confédérés, pour la première fois avec des citoyens de langue française.
On ne pouvait pas en rester là puisque l’église de notre voisine de Berne avait obtenu de devenir collégiale, avec un chapitre de chanoines en 1484. C’est pourquoi les autorités civiles ont demandé le même honneur pour Fribourg, ce qui fut accordé par le pape Jules II le 20 décembre 1512. Même si actuellement le prévôt a renoncé à la crosse et à la mitre, attendez-vous à quelques belles célébrations de commémoration en 2012 pour fêter les 500 ans de notre chapitre de chanoines.
Comme vous le savez sans doute, c’est en 1924 seulement, après plusieurs siècles de négociations, que la collégiale de St-Nicolas est devenue cathédrale pour offrir –enfin !- une église digne de ce nom à l’évêque de Lausanne et Genève, privé de cathédrale depuis la Réforme du début du 16ème siècle.

Tout ça, c’est pour le sanctuaire, le bâtiment, les murs, si beaux qu’ils soient, comme ne cessent de le découvrir les milliers de visiteurs qui viennent, chaque année, admirer notre cathédrale, avec ses multiples trésors d’art et témoignages de piété. Car il faut que notre chère cathédrale demeure le temple de Dieu, la maison de l’Eglise, un lieu ouvert à tous, certes, mais d’abord un espace de prière et de liturgie qui rassemble et nourrisse le peuple de Dieu.

Pour le rassemblement autour de la parole et de l’eucharistie –sauf aux grandes circonstances- il faut bien le constater, actuellement nous ne sommes plus tellement nombreux. C’est une souffrance, un souci, une tristesse.

C’est là que l’apôtre Paul a encore quelque chose à nous dire. Quand il écrivait aux quelques chrétiens qu’il avait guidés vers la foi dans la grande ville païenne de Corinthe, ceux-ci n’avaient même pas d’église, encore moins une cathédrale. Encore très peu nombreux, rejetés par les juifs et moqués par les païens –en attendant de véritables persécutions-, ils se réunissaient dans leurs maisons, comme il est dit dans les Actes des Apôtres. « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. Tous les croyants mettaient tout en commun. Ils rompaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec joie et simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Et chaque jour, le Seigneur adjoignait à la communauté ceux qui seraient sauvés » (Ac 2,42-47).

La leçon est claire, et toujours plus d’actualité. Nous aimons notre cathédrale, nous la soignons, nous l’admirons, nous lui disons « bon anniversaire » en ce jour de commémoration de sa consécration. Mais nous savons que l’église –avec petit e- est là pour abriter l’Eglise avec grand E-, la seconde étant de loin la plus importante puisque, en cas de nécessité, elle peut même subsister en se passant de la première.
Donc l’Eglise, c’est nous, la communauté faite de pierres vivantes. « Vous êtes la maison que Dieu construit », rappelait St Paul aux Corinthiens, qui ajoutait : « Vous êtes le temple de Dieu puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Oui, le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous. »

Une église - a fortiori une cathédrale- est un important signe d’Eglise dans une cité. La nôtre domine tous les autres bâtiments, comme un doigt levé très haut vers le ciel. Mais c’est à nous, l’Eglise des croyants, de faire signe dans la société qui nous entoure par notre manière de vivre en témoignant pour l’Evangile du Christ.
Nous ne faisons plus « nombre », nous sommes devenus un petit troupeau. Mais nous sommes bâtis sur une fondation solide qui s’appelle le Christ lui-même, avec le travail des architectes que sont les apôtres et tous ceux qui, après eux et comme eux, s’engagent pour rendre vivantes nos communautés, même si elles sont plus petites aujourd’hui.
Ils étaient douze au départ, avec Marie et quelques disciples rescapés de la grande épreuve de la passion et de la mort du Christ. Parmi eux, comme aujourd’hui d’ailleurs, surtout des femmes.
Ils ont misé sur le Christ vivant, ils se sont cramponnés à la foi pascale au milieu des contradictions et même des persécutions. Ils ont donné l’exemple de communautés unies et chaleureuses, au point que les autres disaient : « Voyez comme ils s’aiment ». L’amour, voilà le plus beau signe que nous puissions montrer, avec la ferveur d’une foi qui prie, dans ou hors des églises, pour donner ou redonner à notre monde le goût de chercher d’abord le Royaume de Dieu.

Vous le savez sans doute. Bientôt, à savoir le week-end du prochain Jeûne fédéral, tous les chrétiens de Fribourg, de manière œcuménique, veulent donner un signe fort au cœur de notre ville. C’est FestiBible, une fête autour de la parole de Dieu, qui voudrait la faire désirer et connaître au-delà de nos cercles habituels. Je suis sûr que vous serez de la fête en entraînant d’autres avec vous. Nous aimerions tellement que puisse se réaliser, aujourd’hui encore, ce que l’évangile de ce jour rapporte : « Quand il se releva d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent ce qu’il avait dit. Ils crurent aux prophéties de l’Ecriture et à la parole de Jésus. »

« Sois sans crainte, petit troupeau, disait Jésus, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume. » A nous et à beaucoup d’autres. Ensemble, on essayera de le leur dire et de le leur faire goûter.

Claude Ducarroz

Ecoutez le chauffeur

Fleur de vie

Ecoutez le chauffeur !

Il faut écouter les chauffeurs de bus. Ils sont les témoins privilégiés de notre humanité. Humaine et parfois inhumaine.
Celui que j’ai rencontré me raconte cent expériences positives, dans le registre de la solidarité et du bon cœur en actes. Mais il me dit aussi combien certaines personnes sont capables d’égoïsme crasse, de manque de respect à l’égard des êtres et des choses, de violence même. Et d’avouer : « J’en ai assez de remplacer les parents auprès d’adolescents en goguette qui semblent n’avoir jamais rencontré de vrais adultes sur leur chemin. » Vulgarités, insolences, déprédations semblent devenues le pain quotidien de certains jeunes, notamment dans les transports publics.
Il ne faut pas généraliser. Il y a encore, heureusement, beaucoup de jeunes qui savent intégrer les vraies valeurs dans la difficile construction de leur personnalité, ce qui n’empêche pas quelques défoulements joyeux, mais respectueux. Peut-être les adultes sont-ils les premiers interpellés dans certains débordements de notre jeunesse. Avons-nous su leur donner de bons exemples, leur expliquer certaines exigences indispensables à la convivance humaine, leur faire désirer une vie qui soit autre chose qu’une course effrénée à l’argent, aux plaisirs faciles, aux divertissements de pure consommation ?
Pas simple d’être parents d’ados par les temps qui courent ! Beaucoup éprouvent la tentation de baisser les bras, de tout laisser faire, de démissionner de leurs responsabilités. J’aimerais leur dire « Tenez bon », non sans reconnaître qu’il est plus commode de le dire que de le faire.
Courage !
1626 signes Claude Ducarroz

vendredi 20 août 2010

Signes des temps

Fleur de vie

Signe des temps

Oui, signe des temps dans l’Eglise de chez nous.
En une seule journée, j’ai reçu trois appels urgents qui sollicitent le ministère d’un prêtre. Pour une messe en paroisse ce prochain dimanche, pour un enterrement et pour une messe dans un monastère. Chaque fois, les responsables m’ont avoué avoir déjà essayé auprès d’autres prêtres. Sans succès. Des laïcs inquiets doivent se débrouiller pour trouver eux-mêmes le prêtre dont ils ont besoin. Telle est notre situation, notamment durant l’été.
Je ne me console pas de savoir que la pénurie de prêtres est encore plus grave ailleurs, là où un seul prêtre doit assumer le ministère sur un vaste territoire ou au service de plusieurs dizaines de clochers.
L’Eglise catholique a peu à peu choisi de conférer le ministère presbytéral aux seuls hommes (masculins) ayant en plus la vocation au célibat. C’est un choix qui a donné de beaux fruits de dévouement pastoral et même de sainteté. Il a aussi occasionné des souffrances et des ruptures. Aujourd’hui, on constate que cette restriction dans les « possibles » du ministère de prêtres conduit à une raréfaction drastique des candidats et par conséquent des consacrés. Et donc à un dramatique déficit pastoral.
Une révision profonde des chemins d’accès au ministère presbytéral s’impose. Pour la vitalité des communautés, et notamment pour leur vie eucharistique, toutes choses qui sont encore plus précieuses que la discipline actuelle dans l’Eglise catholique d’Occident. Car en Orient, y compris dans notre Eglise, il en est tout autrement. Donc…
1570 signes Claude Ducarroz

samedi 14 août 2010

Homélie pour l'Assomption de Marie

Assomption 2010


Connaissez-vous Murillo ? Impossible de l’ignorer si vous visitez un jour le musée du Prado à Madrid. Ce peintre andalou du 17ème siècle a peint de nombreux tableaux représentant la Vierge Marie dans un style tendre et suave. On y voit Marie dans l’azur, sur des nuages, entourée d’anges qui l’escortent dans son voyage vers les cieux. C’est émouvant, un peu sucré et certainement fort pieux, dans l’ambiance de la Contre-Réforme qui voulait combattre les dénis protestants autour du culte marial en flattant la sensibilité catholique.

Peut-être est-ce un peu ainsi –à la Murillo- que vous vous représentez le mystère de l’assomption de Marie que nous célébrons en ce jour. Il est vrai qu’une certaine piété contribue justement à éloigner Marie de nous en cette fête.

Tant de privilèges sont mis en évidence. Après l’immaculée conception, la virginité perpétuelle malgré la maternité, voici cette résurrection anticipée qui la place ailleurs, au dessus du commun des mortels…que nous sommes. Marie reine des anges, Marie reine des saints, Marie glorieuse reine de l’univers : autant de titres qui semblent en rajouter à l’exaltation de la petite servante du Seigneur.

Vous connaissez sans doute ce cantique marial : « La première en chemin », qui veut ramener Marie dans le pèlerinage de l’Eglise avec nous. Mais peut-être même faudrait-il dire « la deuxième en chemin ».

Le premier ressuscité, « premier-né d’entre les morts, celui qui obtient en tout la primauté », comme le rappelle l’apôtre Paul aux Galates (1,18), c’est évidemment le Christ Jésus. Mais heureusement pour nous, il n’est pas un ressuscité solitaire, une sorte d’égoïste de la vie éternelle. Comme le dit encore le même apôtre, « le Christ est l’aîné d’une multitude de frères et sœurs ». Il entraîne donc à sa suite, jusque dans sa gloire, toute l’humanité sauvée. « Tous revivront dans le Christ, ajoute encore saint Paul, mais chacun à son rang ».

C’est là que nous retrouvons Marie, la première, si l’on veut, mais après le Christ, derrière lui. Car c’est de lui qu’elle tient sa gloire. Elle lui avait donné son humanité d’humilité, semblable à la nôtre. Maintenant c’est lui, à partir de son humanité ressuscitée, qui confère à sa mère une humanité transfigurée. Pour Marie, l’assomption, c‘est du pur cadeau, reçu de Jésus, qui veut associer ainsi de plus près sa mère à son triomphe de bonheur et de beauté.

De Marie aussi, surtout dans sa gloire, on peut dire : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » Sans doute sa toute-sainteté l’a-t-elle préparée à cette transparence de lumière céleste. Mais la sainteté et la clarté demeurent des fruits du mystère pascal de Jésus, celui qui a en tout la primauté, mais aussi celui qui sait partager avec tous ses frères et sœurs les retombées de grâces issues de sa mort offerte par amour et de sa résurrection glorieuse.

Partage de vie bienheureuse d’abord avec Marie, comme il se doit. Mais aussi avec nous. Car il ne faut pas isoler Marie, ni de son Fils dont elle reçoit tout, ni de nous, ses enfants, parce que nous sommes de la même famille. Marie nous précède, mais elle ne nous lâche pas pour autant.
Comme le premier de cordée qui parvient au sommet avant les autres. Ce n’est pas pour pavoiser en vainqueur solitaire, tandis que les autres la regarderaient d’en bas, en restant misérablement dans la plaine. Non. Nous sommes de la même expédition en forme de pèlerinage d’éternité, nous vivons une solidarité de salut.

L’assomption de Marie doit justement nous convaincre de deux choses :
Que nous sommes promis au même destin qu’elle, à savoir l’entrée de notre humanité complète, avec toutes ses dimensions, dans la gloire de la Trinité,
et d’autre part que c’est possible, que c’est même en route, que c’est peut-être pour bientôt.

Contempler Marie dans sa gloire exceptionnelle ne doit pas nous décourager sur le chemin de notre vie, quelles que soient nos difficultés ou nos échecs. Au contraire, son assomption nous donne une assurance de plus que se réalisera aussi pour nous –quand ou comment, peu importe, ne soyons pas trop curieux- cette phrase de l’évangile : « Je vais vous préparer une place… Je reviendrai vous prendre avec moi…Là où je suis, vous serez vous aussi. » Avec moi. On peut donc ajouter « avec Marie », puisqu’il ne faut jamais séparer Marie ni de son fils ni de nous ses enfants.

L’assomption de Marie est donc une fête de confiance et d’optimisme, si l’on songe à l’aboutissement final de notre existence. Encore faut-il, si possible, emprunter le même chemin qu’elle pour arriver avec elle au même sommet. Il n’y a pas d’autre route que celle du Christ qui nous a dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne va au Père que par moi. »
Jésus notre chemin : c’est celui qu’a parcouru Marie depuis sa première déclaration « Qu’il me soit fait selon ta parole », jusqu’à sa dernière invitation, destinée à nous : « Faites tout ce qu’il vous dira ».

Chaque fois que nous mettons en pratique l’Evangile, avec la grâce du Saint-Esprit, nous avançons d’un pas vers notre destinée pascale qui est aussi mariale. Nul doute que Marie, comme une bonne mère, nous donne la main au cours de ce laborieux pèlerinage, qu’elle nous relève quand nous tombons, qu’elle nous console quand nous pleurons, qu’elle nous encourage sans cesse à recommencer, elle dont la foi fut sans faille mais pas sans épreuves.

Sainte Marie, prie pour nous pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort, pour le rendez-vous de notre assomption à nous.

Claude Ducarroz

mercredi 11 août 2010

Assez, mais pas trop!

Fleur de vie

Assez, mais pas trop !

Dans une église d’une petite ville espagnole. Elle est consacrée à l’apôtre Jean, mais le culte marial domine les représentations. Curieux, je me suis mis à compter. Il y a 11 statues de Marie dans ce sanctuaire.
Il est vrai que le curé-doyen de mon enfance, fort dévot de la Sainte Vierge, nous disait aussi, avec des formules latines à l’appui : « De Marie, on ne dira jamais assez. Ni trop d’ailleurs ».
Il y a sans doute beaucoup de foi sincère dans le culte à Marie signifié par la multiplication des images, statues et autres icônes. On trouve aussi dans certaines familles des photos de la maman défunte dans les multiples circonstances de son existence.
N’empêche qu’une telle inflation mariale me gêne un peu. Certes Marie a prophétisé elle-même que toutes les générations la proclameront bienheureuse (Lc 1,48). Mais faut-il pour cela donner libre cours à toutes les imaginations pieuses autour de la vie de Marie, d’ailleurs parfois avec un goût fort discutable ? Qu’en pense la « petite servante du Seigneur » louée pour son humilité et sa discrétion ?
A l’heure de l’œcuménisme, le concile Vatican II nous a rappelé que « la véritable dévotion mariale ne consiste pas en un mouvement stérile et éphémère de la sensibilité ni en une vaine crédulité, mais qu’elle procède de la vraie foi…qui nous pousse à aimer cette Mère d’un amour filial et à poursuivre l’imitation de ses vertus. »
L’un des premiers mots de Marie : « Qu’il me soit fait selon ta parole ». Et le dernier : « Faites tout ce que Jésus vous dira. »
Et tout le reste est tellement secondaire !
1602 signes Claude Ducarroz

mercredi 4 août 2010

Foi et amour

Fleur de vie

Foi et amour

Dans l’avion. Je me retrouve à côté d’un couple inconnu, d’apparence plutôt timide. C’est le moment du décollage, toujours un peu stressant. Monsieur et Madame font un beau signe de croix. Visiblement, ils prient. Et puis ils se tiennent par la main, tendrement. Ils ont gardé ce contact d’affection tout au long du voyage. En croyants et en amoureux.
J’ai été touché et surtout édifié par cette attitude, faite de simplicité et de sincérité. Les sceptiques diront qu’il s’agissait de conjurer la peur dans un véhicule instable qui peut provoquer quelque angoisse. J’interprète plutôt ces gestes comme les signes d’une grande foi et d’un bel amour. Finalement dans les évènements de la vie, même la plus quotidienne, n’est-ce pas la foi qui illumine la route, l’amour qui donne la force de toujours aller de l’avant ? On le vérifie dans les moments plus difficiles, quand l’existence tangue, quand il y a des turbulences, quand la météo intérieure est à l’orage. Mais la foi et l’amour, surtout quand ils se donnent la main, ne sont-ils pas le pain de chaque jour, celui qui ouvre à la joie partagée, celui qui transfigure la banalité des heures en clairière de fête intime et intense ?
Dans la grisaille des mauvaises nouvelles, dont les médias nous arrosent trop souvent, il fait bon trouver au bord de sa route quelques fleurs de vie en forme de marguerite, avec le soleil de la foi au cœur de la perle et des pétales d’amour tournés vers les autres, qui nous rendent le goût de vivre.
Que ce soit sur terre ou dans les airs ! En attendant le Royaume des Cieux !
1586 signes Claude Ducarroz

mercredi 28 juillet 2010

Dans la foule foot

Fleur de vie

Dans la foule foot

Par le hasard d’une visite chez des amis, je me suis retrouvé à Madrid au milieu de la foule qui suivait sur grand écran la finale du Mundial de foot entre l’Espagne et les Pays-Bas. Je voulais une fois m’immerger dans une telle ambiance pour y faire une expérience « ethnologique ».
Vous devinez les gestes pathétiques, les cris assourdissants, les commentaires péremptoires. Et la grande libération quand Iniesta a fini par marquer le but de la victoire. Et les fans de sauter de joie, de s’embrasser à tout va, comme si l’évènement, à la mesure d’une interminable espérance, culminait à un niveau cosmique, en tutoyant l’éternité ibérique.
Je l’avoue, il est intéressant de voir tout un peuple jubiler pour une cause plutôt positive, même si elle n’échappe pas toujours aux dérives du nationalisme et aux tentations de la violence pour s’exprimer sans retenue. Il vaut mieux se lâcher pour le foot que pour la guerre !
J’ai senti dans cette foule anonyme une incroyable capacité de devenir unanime, sous la poussée d’un enthousiasme pas toujours très rationnel. C’est comme si chacun vivait personnellement l’évènement, estimait pouvoir peser directement sur lui, se trouvait sur le terrain avec la balle au pied, capable de changer le cours de l’histoire à coups de hurlements, de conseils infaillibles, de grandioses gesticulations.
Une magistrale démonstration qu’une foule peut s’identifier entièrement à une cause et l’incarner jusque dans ses rayonnements les plus retentissants.
Qui sait ? Quelque chose d’une Eglise très séculière et peut-être une communion des saints au ras des pâquerettes !
1631 signes Claude Ducarroz

mardi 20 juillet 2010

L'enfant et l'archevêque

Fleur de vie

L’enfant et l’archevêque

Sur la fameuse Theresienwiese à Munich, la célébration d’ouverture du 2ème Kirchentag œcuménique. Pas facile de trouver des gestes symboliques pour manifester l’unité des Eglises dans la diversité des confessions chrétiennes. A un certain moment, les deux évêques-présidents proposent à la foule un signe venu de la liturgie du baptême. Nous étions invités à nous donner réciproquement un signe de croix, par exemple sur le front ou dans les mains, afin de nous reconnaître comme frères et sœurs dans le même mystère pascal. Les deux épiscopes ont montré l’exemple en se signant mutuellement sous les applaudissements de la vaste assemblée.
Soudain un enfant est monté sur le podium. Il a marché vers l’archevêque qui a tracé sur son front le signe de la croix. Et l’enfant de lui rendre la pareille. On l’a vu marquer de la croix le front de l’archevêque, comme pour rappeler à ce prélat cette leçon de Jésus quand il mit un enfant au milieu de ses apôtres préoccupés de savoir qui était le plus grand parmi eux, en leur disant : « Qui accueille ce petit enfant à cause de mon nom, c’est moi qu’il accueille…Celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est celui-là qui est grand » (Lc 9,48).
Le signe de la croix n’est le monopole de personne. Il serait beau que ce geste se multiplie parmi nous, comme expression de salut, de bénédiction et de pur amour. Y compris entre parents et enfants, réciproquement. Et entre chrétiens d’Eglises encore plus ou moins séparées.
La croix ! La source de notre profonde unité et l’invitation pressante à la manifester toujours davantage. Fraternellement.
1629 signes Claude Ducarroz

En 6 lettres

Fleur de vie

En 6 lettres

Lu sur une grande affiche dans une ville française : Qu’est-ce qui fait vivre l’Eglise ? C’est une devinette. Il faut trouver une réponse en 6 lettres.
D’abord, faites l’exercice. Que répondez-vous…vous ?
On peut imaginer Jésus. Trop court, c’est en 5 lettres. L’évangile ? Trop long, c’est en 8 lettres. J’ai trouvé : Christ, ou alors Esprit : c’est en 6 lettres ! Vous aussi ? Bravo !
Eh ! bien non. Il fallait répondre : denier. Oui, le denier du culte qui fait vivre –financièrement- l’Eglise catholique en France.
Bien sûr, on peut s’étonner du résultat attendu de cette devinette. Il est un peu facile, pour nous les Suisses, de hocher la tête, quand on sait que notre système de relations avec l’Etat nous met pratiquement à l’abri de telles préoccupations lancinantes. N’oublions pas cependant que nos Eglises, à Genève et à Neuchâtel par exemple, sont pratiquement dans la même situation qu’en France. Elles comptent sur le résultat des contributions volontaires pour vivre…ou survivre. Et puis, quoi qu’il en soit, n’est-il pas normal que tous les fidèles contribuent à faire vivre leur Eglise, aussi du point de vue économique, chacun selon ses moyens ?
Car l’Eglise, c’est nous tous, comme on aime à le répéter depuis le dernier concile. Alors, qu’est-ce qui nous fait vivre ? En 5, 6 ou 8 lettres, peu importe : c’est bel et bien Jésus-Christ, son Esprit, son Evangile.
Je suis sûr que vous êtes d’accord…en principe.
Mais n’oubliez pas de payer votre denier quand même. En 6 lettres. Ou en 6 chiffres, sur un CCP par exemple.
1557 signes Claude Ducarroz

Comme au foot

Fleur de vie

Comme au foot

Pardonnez-moi ! Je ne suis pas un fan de foot, mais j’ai regardé le match Suisse-Espagne. Les commentaires m’ont aussi intéressé. Ils se résument en ce constat lapidaire : notre Suisse fut dominée mais victorieuse ! Nous fumes le plus souvent exposés aux assauts de nos copains ibériques, mais finalement c’est nous qui avons gagné. Hourra !
J’ai accompagné durant ces dernières semaines plusieurs personnes atteintes d’une grave maladie. Elles ont été dominées par leur mal, pour la grande tristesse de leur famille et de leurs amis. Mais si j’en crois l’Evangile, elles furent finalement victorieuses. Au-delà des apparences, quelqu’un a remporté la victoire désormais offerte à tous. Nous sommes des « dominés mais victorieux » : telle est l’espérance que nous promet le Christ ressuscité.
Facile à dire quand on est en bonne santé. Plus difficile à croire quand la mort s’approche. Mais j’ai aussi pu observer que le saut dans la confiance est possible quand vient le moment de lâcher prise pour s’abandonner à l’Amour vainqueur, à l’ombre de la croix pascale.
Il n’y a pas que des gagnants dans la vie. Les épreuves, les échecs, nos erreurs et finalement la mort peuvent nous donner l’impression que tout conduit au score négatif. Il y a tant de batailles que nous avons perdues. Et pourtant nous sommes sur le chemin de la victoire certaine si nous misons sur l’entraîneur Jésus dans le jeu complexe de notre existence.
« Qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »
Qui dit mieux ?
1549 signes Claude Ducarroz

mercredi 23 juin 2010

La situation des relations entre les Eglises et l'Etat en Suisse

La situation des relations entre les Eglises et l’Etat en Suisse
(Conférence donnée à l’Université catholique de Lyon)


Introduction
J’arrive auprès de vous en voisin et en ami reconnaissant, mais il me semble aussi que je débarque dans la volière française comme un oiseau exotique, s’agissant du thème qui nous occupe, à savoir les relations des Eglises avec l’Etat.
La Suisse, sur ce point comme sur d’autres, est un « Sonderfall », donc un cas inexportable. D’ailleurs la Suisse existe-t-elle vraiment puisqu’il y a plutôt « la Confédération helvétique » avec ses 23 cantons ou plutôt 20 cantons et 6 demi-cantons, des « états » jouissant d’une grande autonomie, justement sur les points qui concernent la culture, l’éducation, la formation et la religion ?

Le bain démocratique

Les Eglises et leurs adhérents baignent dans une société dont il faut connaître les us et coutumes pour mieux comprendre les relations qu’ils entretiennent avec l’Etat ou plutôt les Etats.
La Suisse, c’est actuellement 7,6 millions d’habitants dont 21% ne sont pas Suisses. 64% sont germanophones, 20% francophones, 6,5% italophones. Nous n’avons pas une langue à nous. Il n’y a pas une culture suisse uniforme. Par contre les mélanges linguistiques s’imposent. Par exemple, un canton est trilingue, 3 sont bilingues, 1 de langue italienne, 4 de langue française et 17 de langue allemande.
Notre culture politique est très particulière. La Suisse ne descend pas d’en haut, mais elle monte d’en bas, à savoir des communes et surtout des cantons, lesquels ont chacun leur parlement et leur gouvernement.

Nous sommes attachés au principe de subsidiarité « à la base », nous pratiquons le respect des minorités comme le prouve le fait qu’il y ait un Conseil des Etats (2 députés par canton, quelle que soit sa population) à côté du Conseil national en proportion de la population. Il faut l’accord des deux chambres pour voter une loi. Prime aux plus petits !
Nous avons le culte du compromis, comme le démontre le fait que dans les gouvernements cantonaux et fédéral les principaux partis sont représentés, de la gauche à la droite. A ces Messieurs et Dames de faire en sorte que la gouvernance soit collégiale. C’est lent, c’est parfois paralysant, mais c’est consensuel !
Quand on parle de « souverain » en Suisse, c’est le peuple. Nous pratiquons une démocratie de proximité, jusqu’à l’exagération, jusqu’à l’exacerbation. Il faut toujours convaincre une majorité du peuple puisque, très souvent, c’est lui qui a le dernier mot, même après les décisions des autorités.
Pour preuve, ces quatre droits populaires :
- le referendum obligatoire pour chaque changement dans la constitution
- le referendum facultatif si 50.000 citoyens demandent qu’une loi, pourtant adoptée par le parlement, soit soumise au peuple
- l’initiative constitutionnelle si 100.000 citoyens proposent de changer un article de la constitution
- la pétition si 100.000 personnes veulent imposer au parlement de traiter de tel ou tel sujet.
On a donc toujours quelques débats en cours en vue de la prochaine votation (au moins 4 fois par an, avec chaque fois plusieurs sujets).

La peur de perdre ces droits populaires explique en grande partie pourquoi la majorité de notre peuple, surtout en Suisse alémanique, est opposée pour le moment à l’entrée de la Suisse dans l’Union européenne, ainsi que le retard mis à entrer à l’ONU (seulement en 2002).
Nous préférons demeurer petits, seuls, mais libres, dans un pays politiquement et militairement neutre, selon les leçons retenues de notre histoire.


Les Eglises dans ce contexte socio-politique.


Notre histoire religieuse a été marquée par de nombreux drames, et d’abord par les oppositions -parfois guerrières et sanglantes- advenues lors des Réformes du 16ème siècle. La Suisse a été travaillée par les Réformateurs protestants et aussi remodelée par les conséquences du concile de Trente, notamment par les monastères, les Jésuites et les Capucins.
Les antagonismes à fondement religieux ont encore marqué le 19ème siècle, notamment lors du Sonderbund (1848) et du Kulturkampf (1870) qui ont introduit dans la législation et la pratique des discriminations à l’égard de l’Eglise catholique (articles confessionnels). La dernière a été levée en 2002 seulement (il fallait l’accord de la Confédération pour ériger de nouveaux évêchés).

Aujourd’hui, au niveau fédéral, les relations Eglises-Etat sont réglées par le préambule de la Constitution (« Au nom de Dieu tout-puissant ») et par les articles 15 et 72 qui garantissent la liberté de conscience et de croyance et précisent les rapports entre Eglise et Etat.
En résumé, ces relations sont renvoyées aux cantons. C’est à ceux-ci de régler concrètement cette « coexistence pacifique », autrement dit il y a 26 statuts différents, mais tous sont basés sur le respect des libertés religieuses, des diversités et donc des minorités. En fait trois Eglises sont reconnues officiellement : l’Eglise catholique, l’Eglise protestante et l’Eglise vieille-catholique.

Actuellement, de profondes évolutions sont en cours dans le domaine religieux.
Du point de vue démographique d’abord, et surtout à cause des phénomènes migratoires, tant internes que externes.
En 1970, 98% des habitants de la Suisse se déclaraient chrétiens. Ils étaient seulement 80% en 2000.
A cette date, les protestants constituaient le 33% de la population (contre 47% en 1970), les catholiques 41%, soit actuellement 3,1 millions. En 1970, 10 cantons étaient en majorité protestants ; aujourd’hui un seul : Berne. On a calculé que les protestants seraient peut-être seulement 20% en 2040. Actuellement le canton de Genève (« la cité de Calvin ») compte seulement 16% de protestants. Rappelons aussi que si seulement 3,1% des protestants sont des étrangers, 21,8% sont des étrangers dans l’Eglise catholique en Suisse.



Plus significatifs encore ces phénomènes relativement nouveaux :
- les musulmans ont passé de 0,26 % de la population en 1970 à 4,5% aujourd’hui. Ce groupe de populations est nettement plus jeune que la moyenne de la population (39% ont moins de 20 ans) et le taux de fécondité est supérieur à la moyenne suisse (2,44 contre 1,43 en moyenne suisse).

- Les « sans appartenance religieuse » étaient 1,14% en 1970. Ils étaient en 2000 11,2% de la population. Dans la ville de Bâle, ils constituent le groupe « religieux » le plus important (31%), alors que tous les chrétiens ensemble forment à peine le 50% de la population.

Il faut ajouter une note sur le taux d’appartenance qui indique la relation plus qualitative avec l’Eglise. Ce sentiment avoué d’appartenance à une Eglise est actuellement seulement de 46% chez les catholiques et de 44% chez les protestants.
Ce relâchement (« croire mais sans appartenir ») est patent dans cette enquête :
64% des Suisses estiment qu’on peut être chrétien sans Eglise ;
52% des Suisses n’attendent rien des Eglises ;
66% des catholiques estiment que l’Eglise n’a aucune influence sur le choix de leurs valeurs.
D’ailleurs le taux moyen de la « pratique religieuse » extrêmement bas (environ 10%) corrobore la constatation que la sécularisation de notre population est très générale et profonde.


Les trois systèmes principaux de relations Eglises-Etat
(tous les trois représentés dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg)


1. Le système d’union (presque du concubinage !)
L’Etat, à travers le canton et les communes, prend en charge les Eglises dans le cadre du budget ordinaire des collectivités publiques. La religion est presque un service étatique et les ministres sont quasi assimilés à des fonctionnaires. Ce fut le cas dans le canton de Vaud pour l’Eglise nationale protestante. L’Eglise catholique a été associée à ce privilège dès 1970, mais la pleine égalité de traitement, reconnue en 2009 seulement, entrera en vigueur intégrale en…2025. Les catholiques vaudois représentent 37% des catholiques du diocèse. A titre d’exemple, notre Eglise dans ce canton a reçu de l’Etat 23,7 millions de francs (+ ou – 18 millions d’euros) en 2009. Ce qui permet à notre Eglise dans ce canton de payer en équivalant plein temps 81 prêtres et 89 laïcs en ministère d’Eglise.

2. Le système de séparation « à la française » dans les cantons de Genève (dès 1907) et Neuchâtel (dès 1941). Il y a pleine liberté pour les Eglises, mais sans soutien de l’Etat, ce qui signifie aussi une pénible pauvreté de moyens dans ces cantons. Avec une nuance : le canton assume les frais de la faculté de théologie protestante, recueille les contributions libres des citoyens pour leur Eglise (contre émoluments) et verse parfois des subsides pour les œuvres sociales des Eglises.

3. Le système de relative autonomie avec le statut reconnu de droit public, autrement dit les citoyens qui se déclarent membres d’une Eglise reconnue lors du recensement doivent s’acquitter de l’impôt obligatoire à l’Eglise, dont le taux est fixé par chaque paroisse, par exemple dans le canton de Fribourg (ce qui provoque d’ailleurs de grandes différences suivant la « richesse » des paroisses). L’impôt est perçu auprès des personnes physiques, mais aussi auprès des personnes morales (sociétés, commerces, industries, etc…)
Dans ce contexte, les Eglises ont libre accès à l’école pour la catéchèse, aux diverses aumôneries, etc…, ce qui suppose un dialogue permanent avec les autorités civiles, généralement dans un esprit de bonne collaboration.


Notons enfin que la gestion des biens des Eglises se fait de manière entièrement démocratique, avec des conseils (de laïcs) élus et contrôlés par les assemblées de paroissiens.
L’habitus démocratique va si loin que, dans certains cantons, ce sont les paroissiens qui nomment formellement leurs curés ! Rappelons aussi que dans les trois diocèses alémaniques, c’est le Chapitre cathédral qui nomme l’évêque après un va-et-vient de consultation avec le Vatican.

Actuellement, il existe un certain débat sur les points suivants :
- les sorties d’Eglise : soit pour des raisons profondes (on quitte vraiment la communion ecclésiale), soit pour des raisons fiscales (on veut rester membre de l’Eglise mais on refuse de payer l’impôt ecclésiastique obligatoire). Pour cette dernière catégorie, les évêchés réfléchissent à une tarification des services demandés par ces personnes en « sortie partielle », non pour « vendre les sacrements », mais pour couvrir les frais occasionnés par ces demandes souvent liturgiques.
- On doit adapter la présence des Eglises dans l’école publique. Dès 16 ans, les enfants et leurs parents peuvent choisir entre des cours de culture religieuse (sous la responsabilité de l’Etat) et une catéchèse confessionnelle (sous la responsabilité des Eglises).
- On constate aussi une remise en cause de l’impôt sur les personnes morales de la part de certains milieux économiques.
- Se pose aussi la question de la reconnaissance éventuelle de nouvelles religions ou communautés religieuses. Les critères suivants sont généralement retenus : une implantation historique relativement ancienne, une représentativité unique, une gestion économique transparente et contrôlée, une adhésion sans faille à notre ordre constitutionnel, à ses valeurs et pratiques.
- Va-t-on vers la séparation des Eglises d’avec l’Etat ? C’est possible, mais jusqu’à ce jour toutes les tentatives démocratiques en ce sens ont échoué devant le peuple souverain (79% de non au plan fédéral en 1980 et de même à Zürich en 1998).


La situation concrète dans notre diocèse (VD GE FR NE).


Nous comptons 686.000 catholiques dont 37 % sont « étrangers ».
Au service de cette Eglise, nous avons 337 prêtres, dont 58 religieux et 46 provenant d’autres diocèses (surtout étrangers). Ajoutons 23 diacres permanents, la plupart en situation professionnelle séculière.
Chez les prêtres, la moyenne d’âge est de 69 ans, soit 6 qui ont moins de 30 ans, 36 moins de 40 ans, 203 plus de 60 ans et 123 plus de 70 ans.
Heureusement, il y a les laïcs en mission (salariée) d’Eglise. Ils sont actuellement 254, dont 119 ont moins de 50 ans.

L’avenir de notre « personnel » ne repose pas sur les communautés religieuses (jadis nombreuses, mais aujourd’hui en forte diminution par manque de recrutement), mais sur les laïcs, surtout femmes. Il y a une cinquantaine de personnes en formation à l’Institut de formation aux ministères laïcs, seulement 4 séminaristes et des filières de formation pour les bénévoles dans chaque canton.
Nous vivons aussi une forte restructuration dans notre Eglise, à savoir au niveau des paroisses mais aussi dans la pastorale dite « catégorielle », sous l’impulsion intitulée « proposition de la foi et pastorale d’engendrement ». Il nous reste 20 décanats, il y a 52 unités pastorales (mais encore 255 paroisses maintenues) et 20 missions linguistiques. La présence d’une pastorale de proximité, notamment dans les campagnes, demeure un vrai problème, et en particulier la fréquence et la présidence de l’eucharistie dans ces lieux.


Défis à relever

1. Comment évangéliser dans un fort contexte de sécularisation, avec l’apparition de nouvelles religions et courants religieux ?
2. Comment en particulier évangéliser le monde de la jeunesse et certains milieux, par exemple ceux de l’économie ?
3. Comment mieux collaborer dans un contexte œcuménique qui s’impose partout ? (Cf. les familles mixtes).
4. Comment équilibrer, dans la gestion des services ecclésiaux, les ministres salariés et l’apport des bénévoles, tous à former ?
5. Comment prendre en compte de nouvelles pauvretés, par exemple la fragilité des familles (13% de divorces en 1967, 50% actuellement), les migrations, les nouveaux pauvres ?
6. Comment garder, mais en les adaptant, les bonnes relations entre l’Etat et les Eglises ?


Chez nous comme ailleurs, il nous faudra toujours, avec la grâce de Dieu et dans la communion de l’Eglise, veiller à insuffler de la profondeur, à élargir les espaces et à dynamiser la vitalité communautaire.


Fribourg, le 23 juin 2010 Claude Ducarroz


Pour en savoir davantage :

Le paysage religieux en Suisse Claude Bovey et Raphaël Broquet Office fédéral de la statistique 2004
La religion visible - Pratiques et croyances en Suisse Roland Campiche - Le savoir suisse 2010
La nouvelle Suisse religieuse - risques et chances de la diversité Martin Baumann et Jörg Stolz Labor et fides 2009
La nouvelle Suisse religieuse in Revue Choisir janvier 2010 pp. 35-37
Sorties d’Eglise Eglise catholique dans le canton de Fribourg 25 mai 2010.

mardi 8 juin 2010

Homélie du pèlerinage aux Marches

Pèlerinage à Notre-Dame des Marches
9 juin 2010

Santé !
Que l’évangéliste Jean me pardonne. Il me semble que seul le mot « Santé » manque dans son récit des noces de Cana. Vous vous figurez : le vin qui fait défaut, une demande discrète de Marie, un ordre de Jésus, des serviteurs complices : et voilà de l’eau changée en vin, et pas peu puisque les spécialistes nous disent qu’il y en avait 600 litres. Et pas de la piquette puisque c’était le meilleur vin du repas. En plus : gratuit et à volonté. Je m’arrête parce que ça pourrait peut-être faire saliver quelques-uns parmi nous.
Santé ! J’ai dit santé ?

Pardonnez-moi, chers malades. Il y avait peut-être une provocation de mauvais goût dans cette expression festive, alors que vous êtes là justement avec votre manque de santé, vous dont la santé s’est envolée avec la maladie, l’infirmité, le grand âge et peut-être encore d’autres épreuves plus intimes, au niveau du cœur ou de l’esprit. Pour vous, n’est-ce pas ? la santé, c’est peut-être seulement un souvenir lointain, une nostalgie, un désir devenu irréalisable. Et qui sait ? comme je peux le comprendre : un cri, une révolte.

Au milieu d’un beau repas de mariage –repensez peut-être à votre mariage, vous les mariés parmi nous-, manque de vin : c’est un gros pépin, un peu comme une maladie sociale, qui paralyse, qui fait honte, surtout quand on ne sait pas comment sortir de ce mauvais pas.


C’est Marie qui voit la première, parce qu’elle est femme, parce qu’elle est maman, parce qu’elle a du coeur. « Ils n’ont plus de vin. » Plus encore, elle se dit qu’il faut faire quelque chose pour tirer ces gens de l’embarras, même si elle sait bien qu’elle ne peut rien faire elle toute seule.

A la suite des milliers de pèlerins qui sont venus en ces lieux depuis le 17ème siècle, vous savez que la mère de Jésus et notre mère voit nos misères, nos douleurs et nos pleurs, elle qui a aussi souffert et pleuré au pied de la croix de son fils mourant pour le salut du monde. Oui, Marie est proche, fraternelle, maternelle, avec chacun et chacune de nous, et surtout avec ceux qui sont dans le besoin. Aux Marches comme à Cana.

Mais ici aussi, Marie ne se contente pas de regarder avec compassion. Si elle ne peut rien faire toute seule, elle nous donne toujours la meilleure adresse pour qu’il se passe quelque chose, pour qu’il y ait un mieux, pour que la vie l’emporte sur les puissances de mort, qu’elle soit physique, morale, sociale ou spirituelle. Comme aux serviteurs, elle nous répète : « Faites tout ce que Jésus vous dira ». Et quand Jésus dit, lui, il fait. En direct parfois, par son Esprit le plus souvent, en nous intérieurement, et aussi par les serviteurs et les servantes qui obéissent à sa parole. « Remplissez d’eau les cuves », leur dit-il. Et il les remplirent jusqu’au bord. Et pourquoi ne serait-ce pas nous, aujourd’hui, ces serviteurs et ces servantes qui accomplissent la volonté d’amour de Dieu ?

Vous l’aurez remarqué. Pas d’abord pour eux-mêmes égoïstement –même si j’espère qu’il leur est resté quelques pichets pour trinquer après la fête-, mais pour les autres, car Jésus leur avait dit : « Maintenant puisez et portez au maître du repas ». Et ils lui en portèrent, note l’évangéliste.

C’est une des merveilles de la véritable charité, et c’est d’ailleurs là souvent la source du bonheur, au point de faire oublier parfois nos propres malheurs : trouver sa joie en faisant la joie des autres.
C’est Mère Teresa qui priait ainsi :
Seigneur, quand j’ai faim, donne-moi quelqu’un qui ait besoin de nourriture
Quand j’ai soif, envoie-moi quelqu’un qui ait besoin d’eau
Quand j’ai froid, envoie-moi quelqu’un à réchauffer
Quand je suis blessé, donne-moi quelqu’un à consoler
Quand je n’ai pas le temps, donne-moi quelqu’un que je puisse aider
Quand je suis découragé, envoie-moi quelqu’un à encourager
Quand j’ai besoin qu’on prenne soin de moi, envoie-moi quelqu’un dont j’aurai à prendre soin
Quand je ne pense qu’à moi, tourne mes pensées et mes prières vers autrui.
Résultat des courses à Cana : il y avait à nouveau du vin pour tout le monde, et de l’excellent. « Ce fut le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. »

Chers malades, chers pèlerins,
Vous portez certainement en vous cette question : comment contribuer, comme Marie, avec Marie, à ce que Jésus puisse encore « faire signe » dans le monde d’aujourd’hui, notamment auprès des jeunes et de ceux qui s’éloignent de la foi, quittent l’Eglise ou restent sur le seuil parce qu’ils estiment avoir de bonnes raisons de sortir ou de ne pas entrer ?
En une phrase : comment faire Eglise aujourd’hui, une Eglise de Cana, à la fois centrée sur le Christ –« faites tout ce que lui vous dira » - et accompagnée par Marie : « la mère de Jésus était là avec ses disciples. »

D’abord une bonne nouvelle : cette Eglise toute illuminée par l’Esprit de l’Evangile, elle est déjà là, elle est là : c’est vous, c’est nous tous.
Ce sont vous les malades et les personnes âgées, qui méditez la parole de Dieu, qui priez pour le monde et pour l’Eglise, qui offrez au Seigneur par amour les peines et les joies de vos existences cabossées par les épreuves.
C’est aussi vous, les hommes et les femmes, qui entourez de vos soins, de vos visites, de vos réconforts, toutes les personnes qui peinent et qui souffrent, que ce soit chez nous ou au loin, dans tous les réseaux de solidarité et d’entraide qui changent la météo de notre humanité par vos initiatives d’amour gratuit.

Voilà l’Eglise d’aujourd’hui. Elle sera essentiellement la même demain, à savoir celle qui annonce une foi toute ruisselante d’amour, celle qui proclame un évangile de tendresse et de compassion, celle qui, avec la force de l’Esprit puisé dans l’Eucharistie, l’Evangile, la prière et la fréquentation de Marie, transformera l’eau des larmes et des douleurs en vin de consolation et de courage pour les éclopés de la vie.

Malades ou bien portants, jeunes ou vieux, prêtres, diacres ou laïcs engagés : nous pouvons boire tous ensemble à la santé de cette Eglise-là, celle que nous formons, celle que nous continuerons à former, avec Jésus et Marie, aujourd’hui à Cana sur Broc, aux Marches en Galilée.
Claude Ducarroz

mercredi 2 juin 2010

Homélie Naïm

Homélie du 10ème dimanche du temps ordinaire

Un éclair, puis un chemin et finalement une maison : c’est le voyage auquel nous invite l’évangile de ce dimanche. Il est dit en effet que « Jésus était en route avec ses disciples, ainsi qu’une grand foule », avant de s’arrêter aux portes de la ville de Naïm.

L’éclair survient comme un coup de tonnerre dans la nuit. La nuit de la mort, la nuit du désespoir, la nuit de la désolation. On peut le comprendre, et peut-être certaines ou certains ont-ils vécu cela parmi vous : une veuve qui accompagne au cimetière son jeune fils unique. Il est difficile de trouver une tristesse plus inconsolable.
Et voici l’éclair au cœur de ces ténèbres. Seulement une petite phrase : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ! ». Alors le mort se redressa, s’assit et se mit à parler.
Bien sûr, il faut nuancer. A proprement parler, il ne s’agit pas d’une résurrection puisque ce jeune est sans doute re-mort par la suite. La résurrection vraie, c’est évidemment revivre une fois pour toutes, entrer dans la gloire de Dieu et ne plus jamais mourir.
N’empêche que cet évènement extraordinaire retentit comme un coup de foudre au milieu de ces gens puisqu’il est dit : « La crainte s’empara de tous. Ils rendaient gloire à Dieu en disant : « Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple. »

Quel prophète ? Quelle visite ? Pour dire quoi ?
La réponse est déjà là, mais elle sera exprimée définitivement plus tard : le Christ est le maître de la vie et de la mort. Ou plutôt son amour l’emporte sur les puissances de mort. Il l’a prouvé au matin de Pâques, lui qui avait dit à deux autres femmes éplorées, les soeurs de Lazare : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra…Crois-tu cela ? »
C’est ça, l’éclair qui a changé la météorologie de l’histoire humaine, qui donne un tout autre sens à notre vie et à notre mort. En re-suscitant le jeune homme de Naïm, Jésus préfigure et inaugure rien moins que le mystère pascal.

Et puis il y a le chemin. Comment annoncer cela, aujourd’hui encore, de manière crédible, comme c’est le devoir de l’Eglise, donc le nôtre. Il n’y a qu’une seule route sur laquelle nous devons marcher, c’est l’amour en actes, au jour le jour de notre existence. C’est ce que met en évidence la première lecture en racontant l’histoire du prophète Elie qui rend aussi la vie au fils d’une veuve. C’est ce que répètera l’apôtre Jean quand il écrit : « N’aimons pas avec des paroles et des discours, mais en actes et en vérité. »

Une fois de plus, c’est en suivant Jésus que nous trouverons les attitudes justes. Chez lui, quelle compassion, quelle action aussi ! En voyant le cortège funèbre, il est saisi de pitié, il dit à cette mère ! « Ne pleure pas », il touche la civière et, après avoir rendu la vie à ce jeune homme, délicatement, il le remet à sa mère. Des paroles, certes, mais surtout des gestes qui, le plus souvent, disent tellement plus que les paroles.

Notre Eglise passe par des moments bien difficiles, et ce n’est pas uniquement par la faute de certains prêtres. Dans notre société surtout, elle est remise en question, elle est parfois critiquée, voire rejetée puisque certains la quittent, y compris chez nous. Nous sommes placés devant tant de défis…à relever ! Que faut-il faire pour bien faire, pour mieux faire ?

Il nous faut rejoindre Jésus sur le chemin de Naïm. Il est là avec ses disciples, donc en Eglise. Mais il est aussi là avec une grande foule, donc au milieu des gens, quels qu’ils soient. Et surtout il s’arrête quand il voit des personnes qui pleurent, qui souffrent, qui désespèrent. Et Dieu sait s’il y en a beaucoup aujourd’hui, chez nous, tout près de nous peut-être, et jusqu’au bout du monde. Personne ne peut dire qu’il l’ignore, maintenant que le vaste monde entre chez nous chaque jour par les informations et toutes sortes de médias.

Que faire ? Certes ne jamais cesser d’annoncer la destinée éternelle de chaque personne humaine. Un précieux service que seule l’Eglise –ou presque- peut rendre à notre humanité. La maison où le Seigneur nous attend quand nous serons remis entre ses mains au moment de notre mort, c’est la demeure du Royaume de Dieu, c’est le cœur vivant de Jésus ressuscité, c’est le monde de « l’Esprit qui est Seigneur et qui donne la vie. » Au bout du chemin, au terme du voyage, quelqu’un nous attend, qui nous a dit : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père… Je vais vous préparer une place et là où je suis, vous serez aussi avec moi. »

Mais, plus que jamais, pour oser dire cela à notre monde, pour l’annoncer avec un peu de crédit -après tant de déceptions et de scepticisme chez les gens-, il nous faut d’abord leur montrer qu’on les aime, qu’on les accueille, qu’on partage leurs joies et leurs peines, qu’on est capable de s’engager avec eux et pour eux. Sinon, ils ne nous croiront pas.
Pour faire désirer la maison promise –celle de la vie éternelle-, il nous faut marcher sur le même chemin que tout le monde, dans une vraie solidarité. Alors, et alors seulement, la parole des chrétiens, répercutant celle du Christ pour le salut du monde, aura quelque chance d’être entendue, comprise et même accueillie.

Seul l’amour est digne de foi. C’est bien ce que l’épisode de Naïm raconte quand il est dit : « Cette parole se répandit dans toute la Judée et dans les pays voisins. »
On n’attend pas de l’Eglise qu’elle soit complaisante, mais qu’elle soit aimable parce que aimante, surtout à l’égard des moins aimés. Tel est le signe pascal qu’elle doit donner, en pointant vers le Royaume de Dieu, mais avec ses mains ouvertes, compatissantes, fraternelles. Comme l’abbé Pierre, Mère Teresa, Sœur Emmanuelle et bien d’autres encore.

A l’image du prophète Elie qui pouvait dire à la veuve de Sarepta : « Regarde, ton fils est vivant. » Et celle-ci de répondre : « Maintenant je sais que tu es un homme de Dieu et que, dans ta bouche, la parole du Seigneur est véridique. »

Ainsi soit-il. Oui, qu’il en soit ainsi.
Amen.