Homélie
Christ Roi
Nous, les Suisses, nous avons aussi nos
allergies. Ainsi, tout au long de notre histoire, nous n’avons jamais vécu sous
une monarchie, nous n’avons jamais eu ni voulu un roi. C’est contraire à notre
culture, ce n’est pas dans notre ADN patriotique.
Même
Alain Berset et Dominique de Buman, deux chers fribourgeois qui vont devenir
nos présidents au niveau Suisse, ne prétendent aucunement à une quelconque
royauté !
Il demeure que notre Eglise nous propose
aujourd’hui la figure du Christ comme roi. Le savez-vous ? Cette fête
liturgique n’a été instituée par le pape Pie XI qu’en 1925 seulement, au temps
où montaient à l’horizon de l’Europe les totalitarismes incarnés par Adolf,
Benito et Joseph et leurs acolytes, pour le plus grand malheur de nos peuples.
En ramenant la chrétienté –et si possible aussi
toute l’humanité- sous l’autorité d’amour du Christ, le pape a voulu donner un
signal fort. Il fallait contrecarrer les prétentions hégémoniques des
dictateurs -en place ou en herbe- et mobiliser les chrétiens pour établir entre
les peuples et les nations des relations inspirées par les idéaux de paix dans
la justice et la fraternité.
Ce qui, hélas ! n’a pas empêché la
deuxième guerre mondiale, avec son tragique cortège de millions de morts et d’incalculables
destructions, même si la Suisse fut miraculeusement épargnée par ces erreurs et
ces horreurs.
Alors cette fête du Christ Roi n’est-elle
qu’une trace résiduelle d’un temps désormais révolu puisque, du moins chez
nous, règne la démocratie participative, la meilleure garantie contre les
velléités de tyrannie qui pourrait encore tenter quelques esprits égarés ?
La réponse est dans l’évangile de ce jour. Et
même, sous forme d’images, sur le tympan du portail principal de notre
cathédrale. Je vous invite à le regarder en sortant.
Le Christ est bel et bien représenté comme roi.
Il est assis sur un trône surmonté d’un baldaquin. Il domine le ciel -l’arc-en-ciel- et la terre –les nuages. Sa tête rayonne des éclats de sa gloire. Mais
il ne faut pas se tromper. De quelle royauté s’agit-il ? Il a gardé la
couronne d’épines et il montre ses plaies. Tout est dit : c’est une
royauté par amour et non par violence, un pouvoir de miséricorde, même si
celle-ci respecte évidemment notre redoutable liberté de choisir autrement.
Les chrétiens sont donc les disciples de ce
roi-là. Plus encore : ils sont appelés par lui « ses amis ».
Dans ce monde, il nous faut donc offrir à ce roi -original et même déconcertant-
des espaces personnels et collectifs dans lesquels il puisse exercer, à sa
manière évidemment, sa royauté d’amour et de paix.
Oui, qu’il règne d’abord dans nos cœurs par
notre communion à sa présence intérieure, qui suscite notre confiance et notre
joie.
Qu’il règne aussi dans nos relations, depuis
l’humble voisinage jusqu’à la politique, l’économie, l’écologie, la culture,
chaque fois que nous donnons priorité aux valeurs de solidarité, de justice et
de paix. Dans le respect des libertés certes, mais jamais en se couchant devant
les soi-disant impératifs d’une société individualiste et égoïste.
Faut-il aller davantage dans les détails ?
Ce n’est pas moi qui le dis. C’est le Christ lui-même dans cet évangile.
Ceux que Christ Roi se fera une joie
d’accueillir dans son royaume pour en partager d’héritage, qui sont-ils ? Même
s’ils ne l’ont pas reconnu par la foi.
Celles et ceux qui auront donné à manger à ceux
qui ont faim, donné à boire à ceux qui ont soif. Celles et ceux qui auront
accueilli l’étranger, habillé ceux qui sont nus. Celles et ceux qui auront
visité les malades et les prisonniers.
Tels sont les serviteurs princiers de notre
roi.
Et pour s’exclure du royaume du Christ, c’est
évidemment le contraire. Je n’insiste pas.
La règle de vie est simple, elle est aussi une
feuille de route très concrète, au ras des pâquerettes, au jour le jour :
« Chaque fois que vous le faites – ou pas- à l’un de ces plus petits de mes
frères, c’est à moi que vous le faites - ou pas ».
Il faut choisir. Il y a le paradis des bénis du
Père par Jésus à notre arrivée. Ou d’autres faux paradis –éventuellement les
« paradis papers » - qui ne peuvent que deshumaniser notre société et
faire exploser notre univers.
Donc rendez-vous dans le Royaume de Dieu. C’est
merveilleux : nous connaissons aussi le chemin qui mène au bonheur qu’il
nous promet. « Je suis le chemin, la vérité, la vie », dit le
Seigneur Jésus, notre seul Roi.
Claude Ducarroz