mardi 31 octobre 2017

Toussaint 2017

Commentaire pour le 5 novembre 2017
Matthieu 23,1-12
Scribes, pharisiens… Et nous ?

Une fois de plus, l’évangile de ce dimanche présente un texte à triple détente.
D’une part, il rapporte des échos plutôt gratinés de la polémique entre Jésus et les scribes et pharisiens, ces notables d’Israël qui enseignent dans la chaire de Moïse, mais sont pleins d’hypocrisie puisqu’ils disent et ne font pas.
Par ailleurs, on devine les relations tendues entre les juifs et les premières communautés chrétiennes qui, peu à peu, occupaient le terrain dans les milieux religieux de ce temps-là. L’évangéliste ne manque pas de rappeler quelques faits et paroles de Jésus pour encourager ces chrétiens en butte à certaines contestations et même hostilités.
Mais n’oublions surtout pas que de tels messages nous concernent nous aussi, aujourd’hui, puisque l’Eglise les propose à notre méditation pour que nous en fassions bon usage dans notre vie chrétienne, qu’elle soit personnelle ou communautaire.

Car, dans la société et même dans l’Eglise, il ne manque pas de personnages qui aiment occuper les places d’honneur en se faisant appeler « Maître », « Père » ou « Docteur », des titres que Jésus remet en question. On peut évidemment considérer ces « dignités » comme des usages plus ou moins innocents portés  par de simples coutumes sociales ou ecclésiales. Mais les mots ont un sens. On sait qu’ils peuvent nous faire déraper en instillant dans la tête et le cœur de ceux qui les exigent ou les confèrent certains poisons loin d’être inoffensifs.
Jésus lui-même en est conscient. Le soi- disant maître peut abuser de son pouvoir, le père peut se prendre pour un petit dieu et le docteur écraser les autres par la superbe de sa science. Une fois de plus, nous dit l’évangile, « il ne doit pas en être ainsi parmi vous ». Les habitudes mondaines ne doivent pas contaminer les âmes et les relations chez les disciples du Christ. Car notre seul maître, c’est Dieu, notre Père. Et le docteur/enseignant, c’est le Christ. En toutes choses, la priorité est à notre maître intérieur, l’Esprit du Père et du Fils.

S’il en est ainsi, les conséquences se font immédiatement sentir. « Vous êtes tous frères ». L’Eglise est donc une vaste fraternité. Celles et ceux qui exercent les charismes de l’autorité, de l’accompagnement et de la connaissance sont d’abord au service de leurs frères et sœurs, selon ce que nous dit Jésus : « Le plus grand parmi vous  sera votre serviteur. » Dont acte.
Tout cela semble de la « petite morale » qui pourrait provoquer un haussement d’épaules. Il n’en est rien. Que de fois, dans l’histoire de l’Eglise et des Eglises, des scissions et même des divisions durables sont issues d’attitudes contraires au devoir d’humilité et à l’esprit de service qui doivent caractériser celles et ceux qui sont devenus les leaders de nos communautés. Certes, les ministères d’autorité, d’influence et de science sont utiles et même nécessaires, non seulement pour le bon ordre qui doit régner dans les communautés, mais aussi pour le plein rayonnement de l’évangile. Mais il reste la vérité de cette petite phrase de Jésus : « Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé ».

Une question d’esprit.
Un état d’Esprit.
                                                                       Claude Ducarroz


                        

samedi 21 octobre 2017

Homélie du 29ème dimanche ordinaire

Homélie
29ème dimanche ordinaire
Matthieu 22,15-21

Il fallait s’y attendre. Quand on exagère dans les compliments, c’est qu’on a une idée derrière la tête. Une demande à exprimer, quand ce n’est pas un piège habilement tendu, ce qui était le cas pour Jésus.

« Tu es toujours vrai… tu enseignes le chemin de Dieu en vérité… tu ne te laisses influencer par personne… tu ne considères pas les gens selon l’apparence, etc… » C’était beaucoup, et même trop, y compris pour le Messie Jésus de Nazareth.
Et voici le piège. Si Jésus dit qu’il ne faut pas payer l’impôt aux Romains, il se pose en opposant politique à l’autorité en place. A ses risques et périls. S’il dit le contraire, il apparaît comme un complice de ces vilains Romains oppresseurs. Quoi qu’il dise ou fasse, il se met dans de beaux draps, comme on dit vulgairement.

C’est la pièce de monnaie  qui va le sauver, si l’on peut dire. « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ?... De César !...Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Rien que cette petite phrase, citée par les trois évangélistes synoptiques, a suscité à travers les siècles toutes sortes d’interprétations contradictoires, qui ont parfois justifié des violences et même des guerres, impérialistes ou religieuses.

Lorsqu’on retient surtout la première partie de la phrase –« rendez à César ce qui est à César », en oubliant la deuxième partie –« et à Dieu ce qui est à Dieu », les pouvoirs de ce monde, qu’ils soient politiques, économiques ou militaires, sont tentés d’exiger une obéissance absolue, voire aveugle, à leurs ordres impérieux.

Que de fois, au cours de l’histoire et jusqu’à aujourd’hui, n’a-t-on pas vu des hommes ou des partis justifier leur tyrannie par la toute-puissance de César jugée parfaitement légitime en vertu de ce principe : « Rendez à César ce qui est à César ». De sorte que les chrétiens eux-mêmes se sont mis à plat ventre devant des dictateurs sanguinaires simplement parce qu’ils avaient le pouvoir, et à fortiori quand ces mêmes despotes se revendiquaient eux-mêmes comme chrétiens.

A l’inverse, on a aussi vu des hommes d’Eglise, et notamment certains papes, forcer sur l’injonction de rendre à Dieu ce qui est à Dieu pour imposer à tous, et parfois par la violence, une société dite chrétienne qui piétinait la liberté de conscience et les droits humains universels. Ils voulaient imposer Dieu au mépris de l’homme.

Heureusement, pour le témoignage de l’évangile et pour l’honneur de l’Eglise, à toutes les époques, des hommes et des femmes se sont levés courageusement pour protester contre ces excès autoritaires, que ce soit pour dire, comme les premiers apôtres : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ».  Ac 5,29, ou comme Jésus lui-même qui déclara : « Les chefs des nations vous tiennent sous leur pouvoir et domination. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. » Mc 10,42-43.
Et beaucoup ont même payé de leur vie leur résistance aux abus de pouvoir, que ce soit dans les Etats, et parfois même dans les Eglises.

Et aujourd’hui, me direz-vous. Le contexte a beaucoup changé, du moins chez nous, mais nous savons que ce n’est pas partout dans le monde. Dans l’Etat, les principes démocratiques, imparfaits mais globalement positifs, se sont peu à peu imposés, souvent d’ailleurs contre une Eglise catholique fort réticente. Nous pouvons vivre en paix, si nous respectons les droits humains, qui sont un minimum nécessaire pour cohabiter dans le respect des uns et des autres, surtout si nos sociétés sont plurielles, y compris du point de vue religieux. Les chrétiens peuvent ainsi rendre à César ce qui est à César en toute conscience, sans exclure qu’à certains moments ils doivent faire objection de conscience si des lois manifestement injustes leur étaient imposées. En assumant les conséquences, évidemment.

Notre ligne de conduite est claire : participer loyalement à la vie de la cité comme des citoyens actifs et lucides, autrement dit critiques à l’égard de toutes les tentatives de dresser l’Etat en maître absolu. Et surtout se laisser guider par les priorités et les valeurs données par l’évangile dans nos engagements politiques, économiques, culturels et écologiques.
Agir de cette façon, c’est rendre à César ce qui lui revient, et déjà rendre à Dieu ce qui est à lui, parce que rien n’est plus cher à notre Dieu que l’amour fraternel et la justice, dans nos comportements interpersonnels, mais aussi dans nos structures communautaires. Autrement dit, ce qui n’est pas chrétien, c’est de se désintéresser de la vie sociale, de bouder les invitations et incitations à construire une société plus humaine, de s’enfermer dans un certain égoïsme, parfois sous prétexte de spiritualité, comme si le vivre ensemble nous était devenu indifférent.

Après quoi, bien sûr, ou plutôt avec cela, il nous faut manifester notre passion pour le Christ et son évangile par une vie religieuse qui signifie clairement que la figure de ce monde passe et que nous sommes appelés à attendre et même à préparer le ciel nouveau et la terre nouvelle promis par le Seigneur au-delà des heurs, bonheurs et malheurs de ce monde.

Une remarque écrite vers l’an 190 déjà par un chrétien l’Alexandrie sous un régime strictement païen peut nous éclairer encore. Il dit : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes… Leur genre de vie n’a rien de singulier…. Ils s’acquittent de leurs devoirs de citoyens… Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie leur est une terre étrangère… Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel… Ils obéissent aux lois établies, mais leur manière de vivre est plus parfaite que les lois.
En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. »

Magnifique ! Tout un programme !

Claude Ducarroz

jeudi 19 octobre 2017

Deux nouveaux livres


Claude Ducarroz a collaboré à la rédaction et la publication de deux nouveaux livres.

* Bernard DUCARROZ - Avec les mots du coeur  Editions Cabédita  2017
* Pour que plus rien ne nous sépare - trois voix pour l'unité par Claude Ducarroz, Noël Ruffieux et Shafique Keshavjeee  Editions Cabédita 2017
On peut obtenir ces deux livres directement auprès de Claude Ducarroz  cl.ducarroz@bluewin.ch ou 026 321 27 04  ou 076 317 56 25

samedi 7 octobre 2017

Homélie

Homélie

Dimanche 8 octobre 2017

Mt 21,33-43


Un opéra italien. L’évangile de ce dimanche contient tous les ingrédients pour faire un bon opéra italien. Jugez plutôt : la jalousie, le complot, le sang, la vengeance. Tout y est.  Mais Jésus lui-même nous met en garde : c’est une parabole, autrement dit un récit qu’il faut interpréter, non pas à la lettre, mais en y cherchant d’utiles leçons pour la vie. Et ici : la vie selon et avec le Christ.

Qui sont les auditeurs concernés et que faut-il retenir ?

Jésus s’adresse d’abord aux grands prêtres et aux anciens du peuple, autrement dit à ses auditeurs immédiats, sur le parvis du temple de Jérusalem. Discrètement –mais ils le comprennent très bien-, le Christ leur rappelle les aléas de l’histoire d’Israël, quand la patiente fidélité de Dieu s’est souvent heurtée aux infidélités du peuple, notamment quand les prophètes/serviteurs ont été en butte non seulement à l’incompréhension, mais aussi à la persécution, jusqu’à la mort. Et maintenant que le Fils lui-même est à l’œuvre, voici que le même sort l’attend, et pire encore.
La passion et la croix pointent à l’horizon. Jésus adresse aux responsables d’Israël une sorte de dernier avertissement, dramatique. Car la pierre qu’ils vont rejeter deviendra la pierre d’angle, une merveille aux yeux de tous. C’est une allusion au mystère pascal.


En fait, les évènements se sont déroulés comme le Seigneur l’avait prévu. Les chefs du peuple élu ont, dans leur grande majorité, refusé le Messie, Jésus de Nazareth. Et après la Pentecôte, ce sont les païens, plutôt que les juifs, qui ont suivi le Christ et embrassé l’évangile, en vertu de la promesse : Le Maître du domaine louera la vigne à d’autres vignerons.

Dans les communautés chrétiennes pour lesquelles l’évangéliste Matthieu écrit cet évangile, les tensions ne manquaient pas, justement entre croyants issus du monde juif et les convertis venus du  monde païen. Il fallait leur expliquer -aux uns et aux autres- que tous les chrétiens sont désormais à égalité devant la grâce du salut obtenu par le Christ mort et ressuscité.

Les privilèges d’Israël sont passés maintenant dans une Eglise –le nouvel Israël- qui ouvre largement les portes de la foi à toute personne de bonne volonté, qu’elle soit d’origine juive ou de culture païenne.
Il y a dans cet évangile l’image et le symbole d’une Eglise vraiment catholique, universelle, pourvu que tous ses membres, avec la grâce de Dieu, donnent des fruits de foi, d’espérance et surtout d’amour.

Et nous, me direz-vous, où sommes-nous dans cette parabole, nous qui l’entendons dans la liturgie par le service de l’Eglise d’aujourd’hui ? Car ne croyons pas que nous ne sommes pas impliqués –on dit aujourd’hui « impactés » - dans ce que Jésus a raconté au titre de cette parabole.
Nous faisons partie de ces « autres vignerons » auxquels le Seigneur à remis sa vigne en faisant de nous des héritiers des trésors qu’il a laissés après lui et pour tous les hommes de tous les temps.
Il s’agit du royaume de Dieu destiné à produire ici-bas déjà toutes sortes de beaux et bons fruits, en attendant la pleine vendange dans le ciel.  Toutes les variétés humaines doivent pouvoir éclore, fleurir et donner des fruits d’évangile en Eglise et dans notre monde. A condition, bien sûr, comme le dira Jésus plus tard, que les sarments restent en communion avec le cep.

C’est le sens de notre rassemblement ce matin : écouter à nouveau la parole de Dieu, lumière sur notre route, communier à la nourriture spirituelle qu’est l’eucharistie, nous laisser  dynamiser par l’Esprit Saint, qui souffle où il veut.

Et ensuite porter des fruits dans les vastes champs du monde, fruits de justice, de solidarité, de paix, d’amour tous azimuts. Car l’Eglise ne doit pas devenir une forteresse assiégée pour chrétiens frileux qui se seraient mis à l’abri derrière ses murailles. Nous formons une communauté d’envoyés au large du monde et de l’histoire, dans le souffle de la Pentecôte. Vous vous en souvenez : cet Esprit avait fait sortir les apôtres apeurés d’un cénacle trop confortable pour les propulser sur la place publique afin de témoigner pour le Christ et l’évangile à la face de tous, dans la variété de leurs cultures.

Le pape François ne cesse de nous rappeler cela, en parlant des périphéries de notre société vers lesquelles il nous invite à aller, certes pas pour se dissoudre dans les modes ou céder aux pressions des propagandes, mais pour offrir vaillamment l’évangile toujours actuel, toujours neuf, à nos frères et sœurs en humanité, quels qu’ils soient.

Que voilà un beau programme de vie pour l’Eglise…que nous sommes tous, ne l’oublions pas.
                                                                           Claude Ducarroz



Drame vigneron

27ème dimanche du temps ordinaire
Matthieu 21, 33-43

Drame vigneron


Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus raconte une histoire qui contient tous les ingrédients susceptibles de constituer un drame palpitant, digne d’un opéra italien. De la jalousie, du sang, de la vengeance : tout y est. Mais attention ! Jésus lui-même nous avertit : il s’agit d’une parabole à interpréter avec discernement. Située entre la parabole des deux enfants (21,28-32) et la parabole du festin nuptial (22,1-14), cette allégorie pointe en deux directions.
Comme Jésus parle dans le temple en s’adressant aux grands prêtres et anciens du peuple qui remettent en question sa crédibilité (21,23), il fait une allusion assez claire à l’histoire mouvementée du peuple d’Israël dans ses relations avec son Dieu. La fidélité de Dieu et les infidélités d’un peuple qui tua ses prophètes. Et voici que ça recommence avec Jésus, le Fils, le Messie promis et advenu, que les responsables du peuple, dans leur majorité, refuseront, comme la pierre rejetée par les bâtisseurs, qui est pourtant la pierre d’angle. (v. 42)
L’avertissement vise aussi les premières communautés chrétiennes dans lesquelles il faut expliquer pourquoi les païens sont à égalité parfaite avec les juifs d’origine, du moment que les uns et les autres ont accroché leur vie au Christ Sauveur, « l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ». Les fruits du mystère pascal peuvent être produits dans toutes les nations. (v. 43) C’est l’universalité de l’Eglise.
Et nous, ici et maintenant ? Ne croyons pas trop tôt que cette parabole ne nous concerne pas puisque nous sommes l’Eglise et en Eglise. Car, au-delà des applications immédiates, Jésus met en point de mire l’entrée dans le Royaume de Dieu ( le temps de la vendange), qui nous implique tous, jusqu’à la fin des temps. Si le salut, du côté de Dieu, est acquis une fois pour toutes en Jésus le Christ, notre accueil de cette miséricorde a aussi quelque chose à faire avec notre liberté, celle qui est invitée à croire, à espérer, à aimer. Tels sont les fruits que chacun de nous peut et doit produire, avec la grâce de Dieu évidemment.
Ainsi donc, en ce temps de vendange sur nos coteaux plantureux, nous pouvons nous arrêter un instant, relire cet évangile de saison et prier le Seigneur de faire de nous de bons ouvriers à sa vigne.
Claude Ducarroz
A paru sur le site www.cath.ch