dimanche 5 décembre 2010

Coup de gueule

Humeurs romaines

L’Osservatore romano –journal semi-officiel du Saint-Siège- annonce dans son numéro du 26 novembre en langue allemande que le pape Benoît XVI a nommé (ernannt) l’abbé Felix Gmür évêque de Bâle. Il n’est fait aucune allusion au rôle prépondérant qu’a joué le Chapitre cathédral de Soleure dans le choix de ce jeune et sympathique prélat pour le siège épiscopal du plus grand diocèse de Suisse. Car, conformément au Concordat du 26 mars 1828 toujours en vigueur, ce sont bel et bien les chanoines du Chapitre qui élisent l’évêque tandis que le pape confirme ce choix. Ce processus, quoique rare, est prévu par le code de droit canon actuel puisqu’il est écrit au numéro 377/1 que « le Pontife suprême nomme librement les évêques ou confirme ceux qui ont été légitimement élus ». C’est exactement le cas du diocèse de Bâle. Il est spécifié en effet à l’article 12 du Concordat : « Les chanoines formant le Sénat ont le droit de nommer l’évêque parmi le clergé du diocèse. L’évêque élu recevra l’institution du Saint-Père. » Depuis 1967, les chanoines de Soleure ont fait une fleur au Vatican. Jusqu’à cette date, ils annonçaient le nom de l’heureux élu aussitôt après sa nomination. Actuellement, ils attendent sagement la confirmation du pape pour révéler le nom du nouvel évêque. Mgr Gmür, très prudent comme il se doit, a envoyé une lettre à ses futurs diocésains dans laquelle il rappelle qu’il a été « élu » par le Chapitre le 8 septembre 2010 et qu’il sera « nommé » par le pape le 23 novembre. Nuance !
J’entends l’objection. Une telle élection, démocratique à dose homéopathique, ne garantit pas contre les erreurs de casting. On se souvient que le Chapitre de Soleure avait nommé en 1994 Hansjörg Vogel qui dut démissionner l’année suivante. Mais il faut aussi reconnaître que le processus strictement canonique utilisé à Coire lorsque le Saint-Siège a cru bien faire en ignorant les droits du Chapitre lors de la nomination de Mgr Wolfgang Haas n’a pas mieux réussi puisqu’il a engendré 10 ans de grave crise dans un diocèse traumatisé.
Le silence de Rome sur le processus spécial ayant abouti à la nomination de Mgr Gmür me semble ressortir d’un manque de délicatesse à l’égard du Chapitre et du diocèse qui, à ma connaissance, tiennent tous deux à ce petit privilège modestement démocratique, sans qu’il ôte au pape un droit de regard sur ladite nomination.
Cet « oubli » est aussi un préjudice pour l’œcuménisme. Car l’excessif centralisme romain est incontestablement l’un des obstacles au progrès du rapprochement entre les Eglises. Jean-Paul II avait écrit dans son encyclique « Ut unum sint » sur l’œcuménisme (1995) qu’il souhaitait que son ministère puisse « réaliser un service d’amour reconnu par les uns et les autres ». Pour cela, il faisait humblement appel aux autres Eglises afin de chercher ensemble quelles formes il devrait prendre afin d’atteindre cet objectif. (Cf. no 95). On en est encore loin.
Quoi qu’il en soit, nous souhaitons encore à Mgr Félix Gmür toutes les grâces nécessaires pour l’accomplissement de sa rude mission dans l’esprit de l’Evangile, en communion avec son peuple, ses confrères évêques et le Saint-Père évidemment. Sans oublier la dimension œcuménique.
Notre diocèse est en attente d’un nouvel évêque. Il sera nommé sans surprise selon la procédure canonique classique après les consultations d’usage, ultrasecrètes évidemment. Nous attendons ce nouveau pasteur dans la prière et la confiance, avec l’espoir d’une grande joie. Mais ce n’est pas manquer d’esprit ecclésial que de rappeler maintenant une recommandation publiée par l’assemblée synodale suisse qui dit : « Nous demandons pour tous les diocèses que dans la nomination des évêques soit introduite et fixée juridiquement une participation des organismes des Eglises locales. Cette participation doit être au moins équivalente aux formes de codécision déjà existantes » (No 444).
C’était il y a 35 ans. Depuis lors, rien n’a bougé. Ouf ! Nous sommes (encore) catholiques !
4008 signes Claude Ducarroz

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