Homélie
16ème
dimanche ordinaire 2016
Si je vous dis « Marthe et Marie », à
quoi pensez-vous spontanément ? Depuis l’évangile de ce dimanche, on
évoque aussitôt l’antagonisme entre les activités spirituelles –voire
simplement intellectuelles- et les préoccupations dites
« matérielles ». Ce sont les symboles communément retenus dans ces
figures contrastées, l’une, Marie, assise aux pieds du Seigneur, qui écoutait religieusement
la parole du Maître, et l’autre, Marthe, toute accaparée par les multiples occupations
du service. Et, comme il fallait s’y attendre, Jésus aurait loué Marie d’avoir
choisi la meilleure part, en fustigeant Marthe agitée pour des choses fort
secondaires. Et ainsi Jésus aurait manifesté clairement la supériorité de la
vie contemplative –merci pour les moines et moniales- sur la vie active -tant
pis pour vous… et pour moi !
En réalité, les choses
ne sont pas si simples.
Il serait étonnant que Jésus ait comme méprisé
cette femme dévouée à la cuisine et au ménage, lui qui a été si souvent pris en
flagrant délit de partager des repas avec des amis, et même avec des gens peu
recommandables comme des pécheurs et des prostituées. Au point, selon ce que le
rapporte l’évangile, que certains milieux bien pensants le taxaient de glouton
et d’ivrogne. Je suis sûr qu’il a apprécié le bon repas préparé par Marthe dans
la maison hospitalière de Béthanie, à l’instar de ce qu’Abraham offrit à ses
hôtes mystérieux aux chênes de Mambré.
A y regarder de plus près, il n’est pas
question de vie contemplative dans ce texte, mais plus précisément d’une
attitude qui consiste à prendre du temps aux pieds de Jésus pour écouter sa
parole. Autrement dit l’exacte description du disciple dans sa relation
prioritaire avec son maître. Une telle posture, faite d’écoute attentive et
affectueuse, c’est la définition du chrétien qui place la communion avec Jésus
au dessus de tout le reste dans sa vie, parce que, selon ce que dit l’apôtre
Paul, « le Christ est parmi nous, l’espérance de la gloire ».
Voilà ce
que Jésus, à travers l’exemple de Marie, veut rappeler à tous, en soulignant
une priorité sans exclusivité, en mettant en évidence le danger des
préoccupations purement matérielles –voire matérialistes- si elles
dévorent notre temps au point de nous
faire oublier le soin de notre relation avec la source de notre existence et
l’inspirateur de notre action.
Une telle exigence vitale vaut pour tous et
chacun, et donc pour toutes les vocations, y compris celles qui se targueraient
d’une certaine supériorité théorique, au mépris des humbles tâches plus terre à
terre. L’unique nécessaire, la meilleure part, c’est la communion savoureuse avec le Christ
vivant, et une telle convivialité peut être vécue –mais aussi négligée, voire
sacrifiée- dans toutes les circonstances de la vie. Il reste -c’est vrai- que
cette relation de type mystique exige certainement du temps –gagné et non pas
perdu-, de l’attention à l’Esprit Saint dans le silence, l’écoute de la parole
de Dieu et un certain détachement des autres occupations et préoccupations qui
risquent de troubler ou même de paralyser notre fréquentation du Christ vivant.
Qui que nous soyons –et les intellos et les
mystiques autant que les autres-, nous avons à retenir la leçon donnée par
Jésus ce jour-là dans la maison de ses bons amis de Béthanie.
J’ajoute une chose que j’ai apprise en
préparant cette petite homélie pour temps de vacances. Les spécialistes du
texte sont sensibles au fait que Jésus ait loué cette femme –Marie- dans
l’attitude du disciple d’un maître dont il fallait écouter l’enseignement. Ils
nous disent qu’il y a là une preuve
supplémentaire de la grande liberté de Jésus de Nazareth à l’égard des femmes
et de leurs missions possibles dans la société et dans la communauté
chrétienne. En effet, seuls les hommes, en ce temps-là, pouvaient s’adonner à
de tels loisirs plus spirituels.
On pourrait donc trouver dans cet épisode
plutôt extraordinaire un encouragement de l’évangéliste Luc –le seul qui en
parle- à confier aux femmes dans la communauté chrétienne toute la place
qu’elles méritent, à savoir autant que les hommes. Car il s’agit bien là de
définir le disciple, lequel se décline au féminin aussi bien qu’au masculin.
J’ajouterais même, si je regarde l’assemblée de ce jour ici, plus au féminin
qu’au masculin. De quoi faire réfléchir sur les missions des femmes, y compris actuellement
dans notre Eglise.
Mais en attendant, sans oublier d’être un peu
plus Marie, mais aussi sans négliger de remercier toutes les Marthe parmi nous,
je vous souhaite, comme le fait le pape François tous les dimanches :
« Bon appétit » !
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