Homélie
NOEL
2017
« Alors, comment voulez-vous l’appeler, ce
petit … ou cette petite ? »
Avant le règne de l’écographie, la sage-femme
posait cette question à la naissance, au Noël de chaque enfant.
Et pour le petit de Marie et Joseph, l’enfant
de la crèche à Bethléem, c’est quel nom ? L’évangile de cette nuit fait
office de livret de famille. Mais attention ! Ce bébé n’étant pas tout à
fait comme les autres, il a plusieurs noms. Pour mieux le connaître, ou plutôt
pour mieux saisir sa mystérieuse identité, il faut explorer la liste de ses
prénoms. Que de découvertes importantes, y compris pour notre vie à nous, et
même pour notre mort.
Regardons-le d’abord très humainement, comme
Marie et Joseph l’ont vu les premiers, comme les bergers l’ont aperçu en arrivant
dans l’étable. « C’est votre premier enfant ? »
Et voici deux réponses. Une sur la terre :
« C’est mon fils premier-né », dit Marie approuvée par Joseph
évidemment.
Et une réponse dans le ciel, celle de Dieu
lui-même qui déclare ainsi sa divine paternité : « Celui-ci est mon
fils bien-aimé. Ecoutez-le ».
L’emmailloté est le fils éternel de Dieu et en
même temps le fils d’une petite servante de Nazareth, une sorte de requérante
d’asile, qui n’a même pas trouvé place dans une petite auberge sans étoile pour
mettre au monde son petit.
Et ça donne envie, n’est-ce pas ? de mieux
connaître ce petit enfant, après son premier soupir à la vie, après son premier
cri au monde. Il devait bien y avoir une grande curiosité dans l’air. C’est
qui, celui-là ? L’ambiance de cette nuit ne manquait pas d’interroger.
Dans le ciel, dit l’évangile, la gloire du
Seigneur avec une grande lumière. C’est déconcertant. Chez les bergers – on
peut les comprendre - une grande crainte. Ils ne s’attendaient pas à trouver
tout ça dans une étable. Et une promesse qui commence à se manifester au ciel et sur la terre : une
grande joie pour tout le peuple. Ca fait beaucoup à la fois. On ne sait pas
trop à quelle émotion se vouer : gloire, crainte, joie ?
Selon l’évangile, le secret a été dévoilé
aussitôt : « Il vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur
». Mais il faudra beaucoup de méditation en silence pour explorer une telle
révélation, y compris pour sa mère Marie « qui retenait tous ces
évènements et les méditait dans son cœur. » Il faudra au moins trois
années, et le secours du Saint-Esprit, pour que ses plus proches compagnons devinent
qui était cet étrange prophète itinérant
en Israël. Et surtout, il faudra qu’il sauve le monde par amour sur la croix, il faudra qu’il fasse la démonstration de sa
seigneurie – devenir le Seigneur dans son mystère pascal - pour que les annonces anticipées des anges
s’imposent à leur foi émerveillée.
A la nôtre aussi. Car il faudra des siècles, y
compris jusqu’à nous ce soir, pour que des croyants, tout au long de l’histoire
et à travers le monde entier, confessent la vérité et la beauté de cette
révélation : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils
unique pour que quiconque croit en lui ait la vie éternelle. » Oui, que
soit vraie et vérifiée l’annonce du prophète Isaïe : « Un enfant
nous est né, un fils nous a été donné ».
Et mieux encore : « Le Verbe s’est
fait chair, et il a habité parmi nous. Et nous avons vu sa gloire, celle qu’il
tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. »
Mais attention à bien tenir ensemble toute
cette grâce et toute cette vérité. A savoir : on ne parlerait plus de Noël
s’il n’y avait pas eu la mort et surtout la résurrection de Jésus, le Christ.
Peut-être que d’autres bébés sont nés, cette nuit-là, à Bethléem, comme Jésus.
Mais il faut ajouter aussitôt : il n’y aurait pas eu de mystère pascal si
ce Jésus n’était pas né comme il né, cette nuit-là, de la femme Marie, près de
Joseph, avec le chant des anges et la joie des bergers.
Nous sommes les enfants de la Pâque de Jésus,
et notre baptême nous confère cette hérédité et nous la rappelle. Nous sommes
aussi les enfants de Noël. Comment accueillir et manifester cette double
filiation ? En endossant en profondeur tous les noms de l’enfant de Noël,
tel que l’évangile nous en fait la mémoire.
* Aujourd’hui encore, aujourd’hui surtout, le
reconnaître dans tous les petits de la terre, et je dirais même les plus
petits, autrement dit les enfants. Jésus
n’a-t-il pas commencé tout simplement, tout humainement, comme l’un
d’eux ?
* Le servir dans tous ceux et toutes celles
qui, chez nous et jusqu’au bout du monde, sont réduits à la pauvreté de leur étable,
à la déshérence vagabonde, à l’exclusion sociale, à la souffrance innocente, à
l’injustice et à la violence.
* Mais aussi, avec tous les croyants qui se
disent chrétiens - même s’ils sont encore trop souvent divisés -, porter
courageusement ce nom « chrétien », avec humilité certes, mais aussi
avec courage et clarté. Car nous ne sommes pas les propriétaires exclusifs de
Jésus, mais ses bergers de ce jour, eux qui
n’ont pas craint, avec les anges, de « faire connaître ce qui leur
avait été dit de cet enfant ». Sans tout comprendre tout de suite, sans
tout connaître, par pur émerveillement.
Car il faut que sa venue puisse être perçue et
accueillie comme « une grande joie pour tout le peuple », autrement
dit toute l’humanité.
* Et finalement, maintenant, parce que, où que
nous soyons, nous sommes toujours un peu à Noël, il nous faut le reconnaître,
l’adorer et surtout le recevoir dans l’humble signe de l’eucharistie par
laquelle, emmailloté de pain, il veut se blottir dans notre crèche, malgré la
paille et les courants d’air, pour habiter non seulement au milieu de nous,
mais en nous.
Lui Jésus, le nouveau-né, le fils, le Sauveur,
le Christ, le Seigneur.
Claude Ducarroz
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