samedi 13 octobre 2012

Homélie 14 octobre 2012

Homélie


14 octobre 2012



Cinq mots ! Il suffit de 5 mots, et tout est dit.



C’était un bon type, comme on dirait aujourd’hui. Et même pieux avec ça. Il accourt vers Jésus, se met à genoux et lui pose une question religieuse : « Bon maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » Voilà qui aurait dû faire plaisir à Jésus. Pas tant que ça, semble-t-il, puisque Jésus ne lui répond pas directement et comme un bon jésuite, il lui assène une autre question : « Pourquoi m’appelles-tu bon puisque Dieu seul est bon ? » On ignore quelle fut la réponse à cette question. Mais Jésus le renvoie à sa foi actuelle, à la loi juive que cet homme croyant et même pratiquant déclare observer entièrement depuis sa jeunesse. Il faut le faire ! Il n’y a aucune raison de mettre en doute une telle sincérité.



Et c’est là qu’intervient un évènement tout intérieur qui dut laisser entrevoir quelques signaux à l’extérieur : « Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer. » Et tout bascule alors à un autre niveau, dans un autre univers. Par ce regard à la fois brûlant et doux, Jésus invite cet homme parfait –trop parfait peut-être- à passer de la loi à l’amour, de la morale en règle à la communion avec lui. Et tout peut alors changer. C’est bel et bien ce que Jésus lui propose, dans un appel pathétique qui respecte cependant pleinement sa précieuse liberté.



Cinq mots : une invitation, un chemin, une aventure, une pâque.



Va : ne reste pas là où tu es, « propre en ordre », satisfait de toi, croyant et pratiquant exemplaire. Remets-toi en route, bouge-toi, avance encore. Il y a d’autres horizons à découvrir dans ta vie, d’autres espaces à explorer, d’autres expériences à déguster.



Vends : car pour courir sur les routes à surprises des disciples de Jésus, il faut s’alléger, devenir pèlerin, ne garder que l’essentiel qui, finalement, tient à peu de chose sur le dos quand on a la foi et l’amour pleins le cœur. Deviens nomade de l’Evangile.



Donne : tu ne vas garder tout ça pour toi en le mettant de côté quelque part, car on ne sait jamais, n’est-ce pas ? Ce que tu avais en trop, offre-le à d’autres qui ont moins, qui n’ont rien. Le vrai disciple n’est riche que de ce qu’il a donné, de bon cœur, librement.



Viens : ou plutôt reviens, mais par un autre chemin. Tu étais parti sur la route de la suffisance, reviens par le sentier de l’humilité, là où Jésus te donne rendez-vous pour la suite du voyage.



Suis : car il ne s’agit plus d’être parfait, il faut entrer en communion avec quelqu’un, qui à la fois t’appelle, te précède, t’accompagne et t’attend, le meilleur compagnon de ton humaine destinée.



Va, vends, donne, viens, suis : cette invitation aurait dû bouleverser l’existence de ce jeune homme. Il a préféré la tristesse de son confort immobile « parce qu’il avait de grands biens ».



Par le baptême, nous avons tous entendu –tôt ou tard- cet appel intérieur. Nous avons tous hésité, parfois reculé, en devenant sourds à la voix qui nous proposait la plus belle des aventures, celle de la sainteté. Heureusement, Jésus ne nous a pas lâchés, tout en nous respectant, parce qu’il ne peut cesser de nous aimer puisqu’il est Amour. Il nous a interpelés plusieurs fois, et il le fera encore, au gré des évènements multicolores qui constituent la trame de notre existence, car il n’est jamais trop tard pour le suivre…enfin ! La conversion, c’est de tous les âges, de toutes les conditions humaines, de toutes les vocations chrétiennes.



Et ce qui vaut pour les personnes prises individuellement vaut aussi pour l’Eglise comme communauté universelle. Je suis persuadé que c’est ce que le pape Jean XXIII avait pressenti en convoquant le concile Vatican II. Il l’a dit sous la forme habile d’une expression intraduisible : aggiornamento, autrement dit réforme pour que l’Eglise se regarde dans le miroir de l’Evangile et suive son Seigneur de plus près afin de mieux servir l’humanité à cause de lui et avec lui.



Va, Eglise : reprends ta marche sur les routes de l’histoire, quitte ta forteresse, cours à l’aventure avec ton Seigneur, comme il le faisait avec ses disciples sur les chemins de Galilée en proclamant un Evangile qui soit vraiment une bonne nouvelle.



Vends, Eglise : ne sommes-nous pas encore trop alourdis par les soucis d’organisation, de réunions, de statistiques, de moyens ultramodernes certes utiles, mais qui risquent de nous noyer dans l’avoir et le paraître au lieu de nous ancrer dans l’être affectueux « avec Jésus » ?



Donne, Eglise : quand on n’a rien ou presque, on n’a plus qu’une chose à donner : soi-même, comme Jésus sur la croix. Et encore l’Eglise ne doit même pas se donner elle-même, mais faire goûter aux hommes affamés combien le Seigneur est bon, dans sa Parole de miel, dans son Eucharistie savoureuse, dans la joie de vivre ensemble comme des frères et sœurs qui se donnent la main pour traverser les inévitables ravins de l’existence.



Viens, Eglise : reviens à ton Seigneur dans toutes les formes possibles de la communion avec lui. Mais ne quitte jamais les autres communions qui sont le pain et le vin des premières avant la consécration : la solidarité avec les petits et les souffrants, le lien fraternel avec les exclus et les laissés pour compte, car il n’y a finalement qu’un seul amour avec ses deux faces inséparables : aime ton Dieu de tout ton cœur, aime ton prochain comme toi-même.



Suis, Eglise : et pour cela ne te recroqueville pas sur toi-même comme si tu étais le centre du monde, Recentre-toi sur le Christ qui a donné sa vie pour tous. Il aime aussi les autres, ceux et celles qui ne pensent pas comme toi, qui ne croient pas comme toi, qui ne vivent pas comme toi, mais qui sont aussi les chéris de sa croix et les promis de sa pâque. Suis Jésus jusque sur les sentiers escarpés de l’œcuménisme, du dialogue interreligieux, de la solidarité sans barrière et sans frontière.



Va, vends, donne, viens, suis : c’est beau la vie, cette vie-là, la vie avec le Christ dans son Eglise renouvelée par l’Esprit.

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