samedi 14 décembre 2013

Homélie 3ème dimanche de l'Avent

Homélie
Troisième dimanche de l’Avent

Revoilà Jean-Baptiste ! De nouveau lui !

Dimanche dernier, il nous proposait un menu de sauterelles et de miel sauvage. Bon appétit ! Et un costume plutôt original : un vêtement de poils de chameaux et une ceinture autour des reins. Avec un discours plutôt musclé : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? »
Aujourd’hui, nous retrouvons ce même Jean-Baptiste, mais cette fois en prison. Et avec une question plutôt déconcertante pour un prophète chargé d’annoncer la venue du Messie Jésus de Nazareth : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » Comme s’il hésitait.

Cette question ne rejoint-elle pas les questions de nos contemporains, et peut-être même nos propres questions, face à la foi chrétienne, face à l’Eglise ? Je rencontre tant de personnes qui cherchent un sens à leur vie et aussi à leur mort, mais qui portent davantage de questions qu’ils ne trouvent de réponses. Avec dans leur conscience bien des doutes et dans leur cœur bien des hésitations. Un peu à la manière du vaudois qui disait : « Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on a bien raison de penser ce qu’on pense. » Mais on ne saura pas quoi.

Cette perplexité fondamentale se répand de plus en plus à l’égard des religions -de toutes les religions- et même de la nôtre, notamment en face de l’Eglise, autrement dit de nous les chrétiens. Il faut bien le reconnaître : le passé ne plaide pas toujours en notre faveur et le présent comporte bien des défis à relever pour présenter un témoignage qui soit crédible aux yeux des hommes et femmes d’aujourd’hui.
Certes, ils cherchent, mais ils ne sont pas prêts à croire aveuglément, tant ils craignent que les liens de la religion deviennent des chaînes qui entravent leur  sacrosainte liberté personnelle. Alors, bien souvent, ils préfèrent se fabriquer leur petite religion à eux, au risque de l’erreur ou de l’illusion. Mais du moins c’est la leur, qu’ils ne doivent à personne d’autre qu’à eux-mêmes.

Dans ce contexte, comme elle est importante pour nous la réponse de Jésus à la question lancinante de Jean-Baptiste : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre » ?
Jésus ne fait pas une longue théorie qui voudrait prouver sa véracité par des raisonnements philosophiques ou théologiques. Il n’inaugure pas un débat d’intellectuels qui échangeraient des arguments comme on s’envoie des missiles enflammés par-dessus un rempart pour vaincre à défaut de convaincre.
Il renvoie à des signes qui sont autant de preuves offertes à notre réflexion sincère et à notre bonne volonté. Comme l’insinue Jésus quand il dit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez. »
A relire le message en profondeur, on peut repérer quatre sortes d’indices qui ne devraient tromper personne. Ils se tiennent, mais ils vont aussi toujours plus profond, toujours plus loin. Attachez vos ceintures !

1. « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent ».
Qu’est-ce à dire ? Nous ne pouvons pas faire des miracles comme Jésus, tout en remarquant que ces gestes de bonté, administrés en concentré et en raccourci, concernent les besoins humains les plus primaires, la vie quotidienne des gens : voir, marcher, entendre, être en meilleure santé.
A dose homéopathique, tout cela est à notre portée si nous aimons vraiment les personnes que nous connaissons et rencontrons. Nous pouvons tous offrir à des humains éprouvés par la vie un peu de consolation et de courage par des gestes de solidarité, des services de soutien, en un mot : des signes d’amour. Alors, c’est déjà imiter le Christ de la compassion, et donc commencer à évangéliser de manière crédible, surtout si nous le faisons « à cause de Jésus et de l’Evangile. »

2. Jésus ajoute « la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres. » Autre signe très important. On peut le faire par des bonnes paroles, par des actes concrets, en donnant la priorité aux plus pauvres, autour de nous et jusqu’au bout du monde. Tant d’appels frappent à la porte de notre cœur, surtout aux environs de Noël.
Mais peut-être faut-il aller plus en profondeur. La Bonne Nouvelle en personne, c’était Jésus lui-même, et ça le reste. Pour mieux l’annoncer, il faut creuser à la racine de nous-mêmes, jusqu’à l’être. Suis-je une bonne nouvelle pour les autres ? Suis-je moi-même, là où je suis, un petit évangile vivant qui pourrait susciter, dans le meilleur des cas, un étonnement, un questionnement, un émerveillement, une action de grâces ?

3. Il y a encore mieux dans les signes indiqués par Jésus. Trois mots surprenants, qui nous dépassent infiniment : « Les morts ressuscitent. » Il est vrai que Jésus a rendu la vie -une vie encore mortelle- au fils de la veuve de Naïm, à la fille du centurion et à son ami Lazare. Mais finalement, cette mention de la résurrection renvoie de toute évidence à la résurrection du Christ, au Ressuscité lui-même. C’est par le mystère de Pâque que le signe le plus fort, indéniable, indépassable sera donné par Dieu, scellant ainsi la vérité du Christ et de son message.
Du moins pouvons-nous, nous qui sommes encore de ce côté-ci de la mort, croire en la résurrection du Christ et par conséquent en la nôtre à venir. Et en témoigner en misant sur la vie, la lutte pour la vie et tout ce qui peut la respecter, en attendant avec confiance la vie éternelle qui nous est promise et acquise.

4. Enfin, il y a un dernier signe: « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi. » On peut le dire autrement, comme le répète le pape François : la joie de la foi, le bonheur de croire. Oui, ne pas être des chrétiens rabat-joie, mais des croyants qui savent puiser l’eau vive au fond d’eux-mêmes, là où ruisselle et murmure la source de l’Esprit Saint, celui qui inspire les prières, remplit les silences, insuffle les bonnes intentions, suscite les courages, provoque la vraie joie.

Nous connaissons celui qui doit venir puisqu’il est déjà venu, même si, par ailleurs, nous attendons aussi son retour. Nous n’avons plus besoin d’en attendre un autre ni d’en chercher un autre, même si nous pouvons et nous devons toujours continuer de le chercher, lui, au fur et à mesure que nous croyons l’avoir trouvé. Oui, lui et pas un autre.
En nous souvenant de cette promesse de Jésus : si Jean-Baptiste est le plus grand parmi les hommes, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.

                                               Claude Ducarroz


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