Homélie
Troisième
dimanche de l’Avent
Revoilà Jean-Baptiste ! De nouveau
lui !
Dimanche dernier, il nous proposait un menu de
sauterelles et de miel sauvage. Bon appétit ! Et un costume plutôt
original : un vêtement de poils de chameaux et une ceinture autour des
reins. Avec un discours plutôt musclé : « Engeance de vipères !
Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? »
Aujourd’hui, nous retrouvons ce même
Jean-Baptiste, mais cette fois en prison. Et avec une question plutôt
déconcertante pour un prophète chargé d’annoncer la venue du Messie Jésus de
Nazareth : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un
autre ? » Comme s’il hésitait.
Cette question ne rejoint-elle pas les
questions de nos contemporains, et peut-être même nos propres questions, face à
la foi chrétienne, face à l’Eglise ? Je rencontre tant de personnes qui
cherchent un sens à leur vie et aussi à leur mort, mais qui portent davantage
de questions qu’ils ne trouvent de réponses. Avec dans leur conscience bien des
doutes et dans leur cœur bien des hésitations. Un peu à la manière du vaudois
qui disait : « Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on
entend, on a bien raison de penser ce qu’on pense. » Mais on ne saura pas
quoi.
Cette perplexité fondamentale se répand de plus
en plus à l’égard des religions -de toutes les religions- et même de la nôtre,
notamment en face de l’Eglise, autrement dit de nous les chrétiens. Il faut
bien le reconnaître : le passé ne plaide pas toujours en notre faveur et
le présent comporte bien des défis à relever pour présenter un témoignage qui
soit crédible aux yeux des hommes et femmes d’aujourd’hui.
Certes, ils cherchent, mais ils ne sont pas
prêts à croire aveuglément, tant ils craignent que les liens de la religion
deviennent des chaînes qui entravent leur
sacrosainte liberté personnelle. Alors, bien souvent, ils préfèrent se
fabriquer leur petite religion à eux, au risque de l’erreur ou de l’illusion. Mais
du moins c’est la leur, qu’ils ne doivent à personne d’autre qu’à eux-mêmes.
Dans ce contexte, comme elle est importante
pour nous la réponse de Jésus à la question lancinante de Jean-Baptiste :
« Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un
autre » ?
Jésus ne fait pas une longue théorie qui
voudrait prouver sa véracité par des raisonnements philosophiques ou
théologiques. Il n’inaugure pas un débat d’intellectuels qui échangeraient des
arguments comme on s’envoie des missiles enflammés par-dessus un rempart pour
vaincre à défaut de convaincre.
Il renvoie à des signes qui sont autant de
preuves offertes à notre réflexion sincère et à notre bonne volonté. Comme
l’insinue Jésus quand il dit : « Allez rapporter à Jean ce que vous
entendez et voyez. »
A relire le message en profondeur, on peut
repérer quatre sortes d’indices qui ne devraient tromper personne. Ils se
tiennent, mais ils vont aussi toujours plus profond, toujours plus loin.
Attachez vos ceintures !
1. « Les aveugles voient, les boiteux
marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent ».
Qu’est-ce à dire ? Nous ne pouvons pas
faire des miracles comme Jésus, tout en remarquant que ces gestes de bonté,
administrés en concentré et en raccourci, concernent les besoins humains les
plus primaires, la vie quotidienne des gens : voir, marcher, entendre,
être en meilleure santé.
A dose homéopathique, tout cela est à notre
portée si nous aimons vraiment les personnes que nous connaissons et
rencontrons. Nous pouvons tous offrir à des humains éprouvés par la vie un peu
de consolation et de courage par des gestes de solidarité, des services de
soutien, en un mot : des signes d’amour. Alors, c’est déjà imiter le
Christ de la compassion, et donc commencer à évangéliser de manière crédible,
surtout si nous le faisons « à cause de Jésus et de l’Evangile. »
2. Jésus ajoute « la Bonne Nouvelle
annoncée aux pauvres. » Autre signe très important. On peut le faire par
des bonnes paroles, par des actes concrets, en donnant la priorité aux plus
pauvres, autour de nous et jusqu’au bout du monde. Tant d’appels frappent à la
porte de notre cœur, surtout aux environs de Noël.
Mais peut-être faut-il aller plus en
profondeur. La Bonne Nouvelle en personne, c’était Jésus lui-même, et ça le
reste. Pour mieux l’annoncer, il faut creuser à la racine de nous-mêmes,
jusqu’à l’être. Suis-je une bonne nouvelle pour les autres ? Suis-je
moi-même, là où je suis, un petit évangile vivant qui pourrait susciter, dans
le meilleur des cas, un étonnement, un questionnement, un émerveillement, une
action de grâces ?
3. Il y a encore mieux dans les signes indiqués
par Jésus. Trois mots surprenants, qui nous dépassent infiniment :
« Les morts ressuscitent. » Il est vrai que Jésus a rendu la vie -une
vie encore mortelle- au fils de la veuve de Naïm, à la fille du centurion et à
son ami Lazare. Mais finalement, cette mention de la résurrection renvoie de
toute évidence à la résurrection du Christ, au Ressuscité lui-même. C’est par
le mystère de Pâque que le signe le plus fort, indéniable, indépassable sera
donné par Dieu, scellant ainsi la vérité du Christ et de son message.
Du moins pouvons-nous, nous qui sommes encore
de ce côté-ci de la mort, croire en la résurrection du Christ et par conséquent
en la nôtre à venir. Et en témoigner en misant sur la vie, la lutte pour la vie
et tout ce qui peut la respecter, en attendant avec confiance la vie éternelle
qui nous est promise et acquise.
4. Enfin, il y a un dernier signe: « Heureux
celui qui ne tombera pas à cause de moi. » On peut le dire autrement,
comme le répète le pape François : la joie de la foi, le bonheur de
croire. Oui, ne pas être des chrétiens rabat-joie, mais des croyants qui savent
puiser l’eau vive au fond d’eux-mêmes, là où ruisselle et murmure la source de
l’Esprit Saint, celui qui inspire les prières, remplit les silences, insuffle
les bonnes intentions, suscite les courages, provoque la vraie joie.
Nous connaissons celui qui doit venir puisqu’il
est déjà venu, même si, par ailleurs, nous attendons aussi son retour. Nous
n’avons plus besoin d’en attendre un autre ni d’en chercher un autre, même si
nous pouvons et nous devons toujours continuer de le chercher, lui, au fur et à
mesure que nous croyons l’avoir trouvé. Oui, lui et pas un autre.
En nous souvenant de cette promesse de
Jésus : si Jean-Baptiste est le plus grand parmi les hommes, le plus petit
dans le Royaume des cieux est plus grand que lui.
Claude
Ducarroz
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