Homélie
Noël 2013
« Je suis un vrai dzodzet. Je ne fête pas
Noël. Mais ce soir-là, je mange une fondue ».
Voilà ce que vous avez pu lire comme moi il y a
deux semaines dans un quotidien romand édité à Fribourg. Et la signature ne
laissait planer aucun doute : ce monsieur est bien de chez nous. Nous lui
souhaitons bon appétit !
Et vous –que vous soyez Fribourgeois ou non,
peu importe-, vous êtes là pour participer à une messe, et encore à des heures
insolites, pas nécessairement les plus commodes.
Alors que se passe-t-il ? ou plutôt que
s’est-il passé pour justifier ce déplacement en pleine nuit, tant d’efforts fournis,
tant de piété assumée ? Et pourquoi ne pas faire comme tant d’autres -de
plus en plus nombreux- qui se contentent de réveillonner à Noël, avec ou sans
fondue au menu ?
C’est que vous avez appris, puis compris,
qu’une certaine nuit –on ne sait pas laquelle exactement-, un évènement unique
s’est produit dans l’histoire de notre humanité, et par conséquent dans
l’histoire de chacun de nous, et aussi dans la destinée de celles et ceux qui
ne le savent pas ou qui l’ont déjà oublié : « Le Verbe de Dieu s’est
fait chair, et il a habité parmi nous. » Plus concrètement : il a
planté définitivement sa tente au milieu de nous.
Et ce n’est pas une belle histoire, comme celle
qu’on raconte aux petits enfants sous la forme dégénérée du Père Noël :
c’est une histoire vraie !
Et ce n’est pas un mythe, comme ceux que l’on
invente peu à peu dans les diverses cultures pour expliquer
l’inexplicable : c’est une réalité garantie.
Car Noël, c’est du
concret, c’est du solide, c’est du vérifié.
Nous y croyons, et nous avons raison d’y
croire. Nous ne serions pas là, ni vous ni moi, sans l’épopée merveilleuse de
cette sainte nuit à Bethléem de Judée, près de Jérusalem.
Bien sûr, il y a le folklore, avec le déluge
des lumières, l’abondance des cadeaux, autrement dit ce besoin humain de mettre
de la clarté dans les longues nuits et de manifester une bonté plus généreuse à
l’occasion de ce qu’on appelle pudiquement « les fêtes ».
Bien sûr, il y a l’imagerie romantique qui
rappelle de manière si touchante les circonstances pauvres de la nativité de
Jésus, avec la crèche pour le nouveau-né, les gentils bergers venus l’adorer et
les anges dans nos campagnes, avec un beau concert gratuit.
Mais il y a surtout le mystère, le vrai, celui
sans lequel tout le reste serait oublié depuis longtemps, celui qui seul
explique pourquoi on en parle encore, même chez les non-croyants ou les
non-chrétiens, le fait qui finalement a transfiguré la face de l’histoire
universelle, celui qui nous fait vivre, espérer, aimer aujourd’hui encore.
Dieu est Amour, et ça a tout changé, et ça
change encore chaque jour le destin du monde parce que c’est cet amour-là qui l’a
créé et qui est venu le sauver.
Oui, « Dieu a tant aimé le monde qu’il a
donné et envoyé son fils… non pas pour condamner ce monde, mais pour que le
monde soit sauvé par lui », selon la parole de l’apôtre Jean.
Ce que l’apôtre Paul dit
autrement : « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de
tous les hommes. »
Noël, c’est le début de cette manifestation,
oui, seulement un début. Car si émouvante que soit la nativité de Jésus dans
l’extrême dépouillement de Bethléem, il nous faut maintenant aller plus loin,
afin de recueillir le fin mot de cette belle histoire. Il nous faut accompagner
ce Jésus de Nazareth sur les chemins de Galilée, le voir guérir les malades,
bénir les enfants, pardonner aux pécheurs, accueillir les exclus et les
marginaux.
Au risque de vous choquer : nous ne sommes
pas d’abord des chrétiens de sapin de Noël. Nous sommes des chrétiens
pascals. Ou alors nous ne retiendrions
de Noël qu’une crèche sentimentale qui serait vite dissoute, comme du sucre
dans une tisane religieuse, face aux défis de la société, face aux drames du
monde, face aux questions sans réponse que posent inévitablement notre vie et
notre mort humaines, et parfois inhumaines.
Le bébé de Noël, une fois trouvé, comme les
bergers l’ont vu, « emmailloté et couché dans une mangeoire, avec Marie et
Joseph », il nous faut le rejoindre à la croix et surtout au matin de
Pâques. Il n’y aurait pas eu de Pâques sans le réalisme de l’incarnation –Jésus
vrai homme et vrai Dieu-, mais surtout on ne parlerait plus de Noël s’il n’y
avait pas eu la victoire de Pâques sur le mal, le péché et finalement sur la
mort, toutes les morts.
D’ailleurs le récit même de la nativité nous indique
déjà ce chemin. Quand l’ange annonce « la bonne nouvelle, une grande joie
pour tout le peuple », il proclame la venue aujourd’hui d’un Sauveur qui
est le Messie, le Seigneur : toutes expressions qui ont un sens seulement
après la traversée pascale de Jésus.
Nous en faisons l’expérience cette nuit même
dans la douce ambiance de ce Noël. Tout à l’heure, nous allons venir communier.
Et qui allons-nous recevoir en cadeau de Dieu ? Pas le petit Jésus de la
crèche, même s’il viendra à nous emmailloté de pain comme il fut emmailloté de
langes, mais le ressuscité, tel qu’il est maintenant et pour l’éternité.
Il nous offre son Esprit pour que nous
prolongions l’ambiance de Noël, pas
seulement un jour ou quelques jours à l’occasion des fêtes de fin d’année. Il
nous incite à maintenir la flamme de l’amour et de la paix en étant attentifs
aux plus pauvres, on nous engageant pour la réconciliation, en luttant sans
violence pour la justice et la liberté parmi les peuples. En un mot : en annonçant
l’évangile aux pauvres, un rayonnement aux couleurs de Noël et de Pâques
réunis.
N’empêche que notre vrai Noël à chacun de nous,
après la laborieuse aventure nos grandes ou petites renaissances au long de
notre pèlerinage terrestre, ce sera la rencontre avec le ressuscité au moment
de notre entrée dans le royaume, oui, notre naissance… au ciel !
Dans la culture espagnole, on le rappelle très
simplement en ne disant pas « joyeux Noël », mais « felices
pascuas de navidad », oui, joyeuses pâques de la nativité.
Que j’augmente ce soir
d’un alleluia de circonstance.
Claude
Ducarroz
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