Homélie
Baptême du Christ
Je m’en souviens encore. C’était à la fin d’un
baptême justement. L’un des grands-pères berçait tendrement dans ses bras le
nouveau petit baptisé. Et comme je le félicitais, il me glissa cette
précision : « Vous devinez si je suis content. Jusque là, je ne
l’avais jamais touché puisqu’il y avait le diable en lui. Maintenant, c’est le
Bon Dieu. »
Mais je dois ajouter que ce brave grand-papa
avait quelque excuse puisque dans le rite du baptême avant le concile Vatican
II, on commençait la cérémonie en disant sur l’enfant : « Sors
de cet enfant, Satan ! ».
On oubliait seulement qu’avant d’être des
baptisés, nous sommes des hommes, des êtres humains, créés à l’image et à la
ressemblance de Dieu, même si nous arrivons dans une humanité marquée par le
péché, ce qui signifie que nous avons tous besoin, dès le départ, d’être
sauvés.
Et justement, notre Sauveur a voulu, lui-aussi,
passer par le baptême, celui de Jean-Baptiste, qui était un baptême de
pénitence pour la rémission des péchés. Oui, Jésus, le sans-péché par
excellence, a poussé la solidarité avec nous jusqu’à se présenter parmi les
pécheurs dans ce rite tout orienté vers la conversion.
Mais il ne faut pas l’oublier : le sauveur
Jésus de Nazareth a commencé sa mission en devenant simplement un homme parmi
nous. « Verbe fait chair… né d’une femme », il a planté sa tente au
milieu de nous en partageant durant trente ans, de manière quasi anonyme, la
condition humaine la plus ordinaire. Par là, il a magnifié et sanctifié tout
l’homme et tous les hommes en devenant d’abord un humble pèlerin de cette terre,
un compagnon de route pour nous.
Et puis il y eut le baptême, la fête
d’aujourd’hui. Alors la fleur de son humanité s’est ouverte à une révélation
plus profonde, qui nous concerne tous. Cet homme est enfin dévoilé dans son
mystère le plus intime. Le ciel s’ouvre et la voix du Père nous livre son
merveilleux secret : Ce fils de l’homme est aussi le fils de Dieu, un
fils bien-aimé, qui peut dire « Abba-papa » à Dieu lui-même. Voilà ce
que révèle, en le donnant, le baptême chrétien : nous sommes non seulement
des créatures extraordinaires, mais des fils et des filles de Dieu à l’image de
Jésus. Et tout le reste suivra, avec les lumières et les forces du même
Esprit-Saint qui reposa sur Jésus ce jour-là et durant toute son aventure de
Messie et de Seigneur.
Chez nous aussi, après notre baptême, tout
devient fruit de cette grâce originelle, de cette re-création, plantées dans
l’humus de notre humanité, mais destinées à s’épanouir en Eglise, par toutes
sortes de charismes et de vocations.
- La mission des laïcs, au service de la société ou dans l’animation
des communautés chrétiennes.
- La vocation particulière des
religieux et religieuses dans les monastères ou dans le monde.
- Les services sacrés des
diacres, des prêtres et des évêques, y compris celui de Rome .
Tout repose sur le socle du baptême, tout
germe, grandit, donne des fleurs et des fruits d’évangile dans le jardin arrosé
par la grâce baptismale. Celle-ci n’écrase pas, n’étouffe pas notre humanité,
mais au contraire la libère et la fait éclater pour préparer dès ici-bas la
moisson du royaume de Dieu.
Par le baptême, Dieu nous dit, comme à
Jésus : « En toi, j’ai mis tout mon amour ». Dès lors, on le
sait, on le sent, on en vit.
Bien sûr, il nous faut lutter contre le mal, en
nous et autour de nous, car il existe. Mais surtout, nous devons montrer et
démontrer combien la communion avec le Christ est capable, en nous aussi, de
dilater les personnes dans le sens de leurs vraies dimensions et par conséquent
d’esquisser une humanité nouvelle dont l’Eglise doit être le prototype, la
première mini-réalisation concrète.
Le baptême du Christ est donc aussi notre fête
à nous. Une fois baptisé dans le Jourdain, Jésus est parti en mission, rempli
de l’Esprit-Saint, plein de courage et de persévérance. On sait où ça l’a mené,
certes à la croix, mais surtout à la pâque, la plus belle réalisation d’une
humanité réussie selon son créateur.
Nous aussi, comme baptisés, il nous faut
maintenant partir vaillamment vers notre destinée humaine et notre mission
chrétienne. Comme Jésus. Avec Jésus.
Nous avons la parole de Dieu pour lumière sur
notre route, de jour et de nuit.
Nous avons le pain de l’eucharistie, nourriture
pour les voyageurs de l’évangile.
Nous avons l’Esprit-Saint en nous, qui éclaire,
inspire, corrige, relance toujours la marche en avant.
Nous avons aussi la belle et grande fraternité
de l’Eglise universelle, avec ses solidarités et ses ministres, depuis nos
évêques jusqu’aux priants de toutes couleurs, en passant par les engagés
généreux dans les luttes pour une meilleure humanité et une Eglise encore plus
conforme au dessein de son Seigneur et pasteur Jésus-Christ.
Baptisés, réveillez-vous, réveillons-nous.
Ou plutôt, chaque matin, demandons au Saint-
Esprit, tout simplement, de passer en faisant le bien, selon le beau programme déjà
annoncé par le prophète Isaïe et si bien réalisé par Jésus.
Et nous serons des chrétiens -pas euphoriques,
car il y a beaucoup à faire et ça peut être difficile-, mais des chrétiens
heureux de l’être, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Claude Ducarroz
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