Homélie
Présentation du Seigneur
Où sommes-nous avec l’évangile de ce
jour ? Le texte et le récit débordent d’allusions à l’Ancien Testament.
Comme tout se passe dans le temple de Jérusalem, il n’est pas étonnant que l’on
se sente en plein milieu juif, avec les rites prévus par la Loi, jusque dans
certains détails, comme la mention touchante des deux petites colombes,
l’offrande des pauvres.
Au-delà de l’épisode devenu pour nous un peu
exotique, que faut-il retenir de cet évènement ?
D’abord que Jésus, par sa famille humaine,
était un juif, un bon juif. Si le
christianisme s’est peu à peu détaché du judaïsme, il nous faut reconnaître
tout ce que nous lui devons. C’est pourquoi nous gardons, parmi nos textes
fondateurs et dans notre liturgie, les paroles de l’Ancien Testament –que
certains préfèrent nommer actuellement « la première alliance »-, car
nous ne pouvons pas renier nos racines spirituelles.
Jésus lui-même, dans le dialogue avec la
Samaritaine, lui rappelle que « le salut vient des Juifs », mais en
ajoutant que « l’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais
adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». Autrement dit
n’importe où, et non plus seulement à Jérusalem. Ce qui ne justifie en rien un
antisémitisme ou un antijudaïsme qui servit, hélas ! de couverture à
d’horribles massacres et discriminations dans la tragique histoire de notre
Europe.
Retrouvons Marie et Joseph, les parents de
Jésus, dans l’enceinte du temple de Jérusalem. Il nous faut recueillir le
témoignage de deux prophètes qui nous permettent à la fois de garder le lien
avec la source juive et de faire le pas vers le salut universel, le tout sous
l’action de l’Esprit Saint, comme c’est clairement indiqué dans ce même
évangile.
* Syméon reconnaît en Jésus de Nazareth le Messie
du Seigneur. Mais il ajoute que cet enfant est appelé à offrir le salut à la
face de tous les peuples, « lumière pour éclairer les nations païennes et
gloire d’Israël ton peuple. » Le lien est donc fait.
* Et puis il y a cette femme mystérieuse, Anne,
fille de Phanuel, une veuve âgée de 84 ans, qui prophétise, elle aussi. Ce qui
prouve que les femmes, hier dans le temple de Jérusalem comme aujourd’hui dans
l’Eglise, peuvent prophétiser, autrement dit : « proclamer les
louanges de Dieu et parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient » le
salut. Entre parenthèses, que ferions-nous, dans notre Eglise, sans
l’engagement des femmes, jadis souvent religieuses, aujourd’hui plutôt laïques,
qui donnent tant d’elles-mêmes pour faire vivre nos communautés et témoigner de
l’évangile au cœur du monde ?
Mais revenons au texte même de cet évangile.
Trois personnes sont au centre de tout : les parents de Jésus, et Jésus
lui-même évidemment. Pour tous les trois, les prophéties ne sont pas d’emblée
les plus agréables. Tout pointe déjà vers la passion du Christ, ce fils qui
provoquera la chute et le relèvement d’un grand nombre en devenant un signe de
division. Et puis Marie sera associée de près à son destin puisque son cœur
sera transpercé par une épée. On sait maintenant que Marie était là au pied de
la croix de Jésus quand son cœur à lui fut transpercé par la lance du soldat,
lorsqu’il en sortit du sang et de l’eau.
Mais il faut aussi retenir ce que disait
Syméon, une prophétie aux accents plus orientés vers Pâques puisque Jésus est
appelé lumière des nations et gloire d’Israël. Dès le départ de sa route
humaine, Jésus est déjà présenté dans l’entier du mystère pascal parce qu’il ne
faut jamais séparer la croix et la résurrection.
Et en attendant, me direz-vous ? Le Verbe
fait chair, la Parole incarnée se tait, longuement. L’enfant, en effet, « grandissait
et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. »
Rien que cela pour résumer la trentaine d’années passées à Nazareth, dans ce
bled perdu de Galilée, sous le couvert de l’anonymat, comme on dirait
aujourd’hui. Rien ou presque pour le superficiel, le paraître, la gloriole,
mais une lente croissance intérieure, dans une progressive conscience de son
être profond, à savoir qu’il est le fils du Père, même si on le prenait pour le
fils de Joseph, le charpentier. Et ça ne le dérangeait pas !
Savoir qui l’on est vraiment, prendre
conscience de sa vocation, découvrir sa place dans la société et dans
l’Eglise : c’est le lent travail de l’Esprit en nous, loin des effets
spectaculaires, dans l’ambiance de la prière, de l’écoute de Dieu à l’intérieur
de nous-mêmes, du silence qui est le terreau idéal pour les authentiques
croissances personnelles. Même si nous sommes engagés dans toutes sortes d’activités
sociales ou apostoliques, il nous faut retrouver de temps en temps l’atmosphère
de Nazareth, en compagnie de Jésus, Marie et Joseph, en toute simplicité de
vie.
Car pour nous comme pour eux, quelles que
soient les circonstances de nos existences souvent bousculées, c’est ce mystère
qui doit dominer notre vie d’être humain et de chrétien : « Les
parents de Jésus le portèrent au temple de Jérusalem pour le consacrer au
Seigneur. »
Or consacrés, nous le sommes, comme créatures
humaines à l’image de Dieu et comme baptisés dans le nom du Dieu Père, Fils et
Saint Esprit. Et la grâce de Dieu est aussi sur nous.
Nous y pensons spécialement aujourd’hui, jour qui
commémore la vie religieuse, mais aussi dimanche de l’apostolat des laïcs.
Si l’on peut le dire fraternellement
aux uns et aux autres : bonne fête et grand merci !
Amen
Claude Ducarroz
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