Assomption 2015
Et de onze ! Oui, c’est la onzième fois de
suite que je préside la messe de l’Assomption de Marie dans cette cathédrale,
avec, évidemment, l’homélie qui fait partie du programme. Je me suis donc
demandé ce que j’allais pouvoir dire encore, sans trop me répéter, sur le
mystère marial qui nous rassemble aujourd’hui.
Je me suis souvenu de la remarque du révérend
doyen de mon enfance, lui qui nous affirmait en latin : « De Maria
numquam satis », ce qu’on peut traduire
« Au sujet de Marie, on n’en dira jamais assez », autrement
dit « jamais trop ».
Et puis le concile Vatican II a passé par là,
qui déclare avec sagesse : « L’Eglise catholique exhorte vivement les
théologiens et ceux qui portent la parole de Dieu, à s’abstenir avec le plus
grand soin, quand la dignité unique de la Mère de Dieu est en cause, à la fois
de tout excès contraire à la vérité et non moins d’une étroitesse injustifiée…. Que les fidèles se souviennent
qu’une véritable dévotion ne consiste nullement dans un mouvement stérile et
éphémère de la sensibilité pas plus que dans une vaine crédulité ; la
vraie dévotion procède de la vraie foi. »
La vraie foi ! Et nous voilà renvoyés à la
révélation biblique qui nous parle de Marie. Concrètement, à l’évangile de
cette fête, à savoir le récit de la visitation de Marie à sa cousine Elisabeth.
Qui est Marie pour Elisabeth ? Elle le dit
clairement : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes
entrailles est béni. »
Marie est d’abord saluée comme une femme,
certes bénie, mais au milieu des autres femmes, de toutes les femmes. Pourquoi
donc a-t-on placé si souvent Marie au dessus de tout, au dessus de toutes, au
point d’en faire une vierge-mère hors sol ?
N’est-elle pas d’abord la petite servante de
Nazareth, comme elle se définit elle-même, sans prétention, mais sans honte non
plus ? Parce que, dans son cantique d’action de grâces – le Magnificat-, elle exalte le Seigneur pour les merveilles
qu’il a accomplies en elle, mais c’est encore au titre de l’humble servante
qu’elle est demeurée tout au long de son existence, y compris dans le mystère
de son assomption.
On doit évidemment ajouter à cela sa maternité,
qu’Elisabeth reconnaît en la nommant « mère de mon Seigneur », tout
en soulignant, d’une manière très réaliste, que cet enfant est bel et bien
« le fruit de ses entrailles ».
Femme et mère : j’espère que les femmes
parmi nous, sans tomber dans un féminisme échevelé, savent encore se
reconnaître en Marie de Nazareth, sans oublier l’admiration, le respect et la
reconnaissance que les hommes doivent à l’une – Marie- … et à toutes les
autres.
Marie, femme et mère. Et puis la croyante, la
première chrétienne, « celle qui a cru en l’accomplissement des paroles qui
lui furent dites de la part du Seigneur ». Car c’est ça, être chrétien.
C’est entendre, normalement grâce à l’Eglise, une parole venue vers nous de la
part du Seigneur, une parole qui éclaire notre vie et transfigure notre mort.
Une bonne nouvelle pascale, capable de faire
des merveilles en celles et ceux qui, comme Marie, l’accueillent en leur cœur
par la foi. Un évangile destiné à être mis en pratique dans nos relations de
tous les jours, qui transforme toutes nos visites humaines en divines visitations,
parce que le Seigneur est présent chaque fois que l’amour est à la base de nos rencontres,
même les plus banales d’apparence.
Dans le mystère de l’assomption de Marie, ce
sont tous ces rendez-vous d’amour, de la crèche à la croix, qui sont assumés et
finalement récompensés dans la communion finale avec le Dieu-Amour. Or nous
aussi, nous sommes attendus dans le Royaume de Dieu, comme Marie et avec Marie,
pour une dernière et parfaite merveille : Dieu tout en tous, Dieu tout en
nous !
Très bien, me direz-vous. Mais en attendant, il
faut bien vivre, tant bien que mal, les pieds sur terre, en ce monde tel qu’il
est. Là encore l’évangile de cette fête nous donne une feuille de route. C’est
même Marie elle-même, dans son cantique, qui nous montre la voie, et très
concrètement.
Quelles sont ces merveilles qui soulèvent sa
louange, autrement dit ce que Dieu a réalisé en elle et qu’il souhaite voir
réaliser en nous et par nous, que ce soit personnellement ou en Eglise, le
nouvel Israël ?
Ce n’est pas déraper dans la basse politique,
mais c’est promouvoir un nouvel humanisme que de les rappeler. Il y a une façon
mariale d’être au monde sans être du monde, comme le désirait Jésus pour ses
amis en priant pour eux la veille de sa mort.
C’est se mettre au service de Celui qui « étend
sa miséricorde sur ceux qui le craignent, qui disperse les superbes en
déployant la force de son bras, qui renverse les puissants de leurs trônes et
élève les humbles, qui comble de biens les affamés en renvoyant les riches les
mains vides, qui se souvient toujours de son amour. »
Autant dire, dans le monde où nous vivons, que
le programme marial du Magnificat est encore loin d’être appliqué, même dans
l’Eglise. Marie, sur les nuages de l’assomption où certains la placent, ne doit
pas nous faire oublier notre vocation terrestre qu’elle résumait ainsi aux
noces de Cana : « Faites tout ce que Jésus vous dira. »
Finalement, il nous dit à nous les mêmes choses qu’à elle : « Heureux
celles et ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. »
Si l’on veut un jour rejoindre Marie dans sa gloire
pascale reçue de Jésus ressuscité, nous
savons maintenant par où commencer et comment continuer, en attendant la même assomption
espérée.
Claude Ducarroz
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