vendredi 14 août 2015

Eucharistiquement vôtre

Eucharistiquement vôtre
Jean 6,51-58

L’eucharistie est aussi une feuille de route.
Quand Jésus « multiplie » les pains et les poissons pour nourrir (gratuitement) une foule en détresse, tout le monde l’applaudit, on le suit de l’autre côté du lac, on veut le faire roi.
Quand il se présente lui-même comme « le pain de vie » en personne, ça murmure sérieusement dans les rangs. C’est qui, celui-là ? C’est quoi ça ?
Quand il invite à « manger sa chair et boire son sang » pour obtenir la vie éternelle, presque tous le quittent. Les apôtres eux-mêmes, déconcertés, semblent hésiter. Il faut une bonne question de Jésus – «Voulez-vous partir vous aussi ? » - et un sursaut de foi chez Pierre – « Tu as les paroles de la vie éternelle » -pour que le petit troupeau des Douze continue de l’accompagner.
On peut comprendre toutes ces réactions. Passer du pain matériel au pain eucharistique en accueillant en soi par la foi le mystère de la personne de Jésus : voilà qui n’est pas évident.
Et l’Eglise d’aujourd’hui continue d’en faire l’expérience.
Quand les chrétiens s’engagent pour soulager les foules sous le joug de toutes sortes de misères, par toutes les initiatives de la compassion et de la solidarité, tous (ou presque) applaudissent. On le voit actuellement dans les commentaires autour du bon pape François.
Quand cette même Eglise annonce plus explicitement l’Evangile en pointant vers la personne du Christ, le fils de Dieu, notre frère universel et le Sauveur du monde, beaucoup décrochent déjà. Encore une religion qui prétend à la seule vérité et cherche à imposer ses dogmes et sa morale au reste du monde. Non, merci !
Et quand les Eglises offrent le mystère de l’Eucharistie comme nourriture capable de fortifier la foi et la charité ici-bas tout en conduisant vers la vie éternelle, les rangs s’éclaircissent rapidement, même parmi les croyants. « Oh ! vous savez,  moi, je suis croyant, mais pas pratiquant » Comprenez : « Je me passe de l’eucharistie, je peux vivre sans elle. »
La foi est un voyage. Si le don est toujours offert à tous comme une grâce, l’accueil de ce cadeau prend les formes d’une aventure qui peut comporter des étapes, des soubresauts, des zigzags spirituels. La foi se tricote avec la vie réelle qui implique bien des questionnements, notamment au fil des épreuves personnelles ou communautaires.
Jésus ne reproche à personne d’être « en route ». Il éclaire seulement le pas suivant avec sa parole de lumière. La table eucharistique est toujours mise au bord des chemins d’humanité pour celles et ceux qui ont aussi faim de ce pain-là.
A eux finalement d’être des croyants vraiment pratiquants – de l’eucharistie et de l’Evangile mis en pratique-  pour donner envie de prendre place à cette table, d’expérimenter une Eglise accueillante et surtout de rencontrer là le Pain vivant qui nourrit les voyageurs et fait vivre éternellement.

                                                           Claude Ducarroz


A paru sur le site  cath.ch

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