Homélie
23ème
dimanche du temps ordinaire
Je n’y suis pour rien. Ce n’est pas moi qui ai
choisi. Je vous le dis pour le cas où certains imagineraient que j’ai
subrepticement glissé ces lectures bibliques dans la liturgie de ce dimanche
pour les faire coller à l’actualité. Non ! ce sont les textes prévus par
la liturgie la plus officielle de notre Eglise. Mais il est vrai qu’ils
résonnent avec une tonalité particulièrement forte dans le contexte de notre société.
On peut essayer d’échapper à la vigueur et à la
rigueur de ces messages en les spiritualisant, par l’évacuation de leurs
arrêtes un peu trop coupantes dans le monde plus inoffensif de la religion
désincarnée. Une façon de se mettre à l’abri de l’évangile en le transformant
en parasol ou parapluie, au lieu de nous exposer courageusement au feu de sa
lumière et à la fécondité de son esprit en nous et dans le monde.
Revenons donc à ces textes que l’on dit
« sacrés ».
« L’eau
jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. La terre brûlante se
changera en lac, la région de la soif, en eaux jaillissantes. »
* Voilà qui va à la rencontre du pape François
qui a consacré toute sa première encyclique à la sauvegarde de la création par
une écologie pleinement humaine. D’ailleurs ce même pape vient de célébrer,
mardi dernier 1er septembre, une première journée mondiale de prière
précisément consacrée à la sauvegarde de la création.
*Pour sa part, l’apôtre Jacques nous oriente
vers les pauvres, ceux qui débarquent avec des vêtements sales dans une assemblée
de riches qui portent des vêtements rutilants et des bagues en or à leurs doigts.
* Enfin, dans l’évangile, Jésus passe aux
travaux pratiques en rendant la communication à un sourd qu’il guérit.
Certains vont peut-être penser que le prévôt
Ducarroz fait sa propagande électorale en attirant dans son homélie les thèmes brûlants que sont
l’écologie et les réfugiés. Non, je ne suis candidat à rien, sinon, avec vous
et comme vous, candidat à la mise en pratique de l’évangile, y compris quand il
nous dérange.
Mais une remarque préliminaire s’impose :
ce qui est dit dans ces textes n’est pas d’abord de l’ordre social, certains
diront peut-être « socialiste ». Non, l’Evangile n’est pas un
super-programme politique. Non, l’Eglise n’est pas d’abord une ONG humanitaire
parmi d’autres, avec un peu d’eau bénite en plus. Ce qui est en jeu dans ces
textes et par conséquent dans leur mise en pratique…ou non, c’est l’image de
Dieu, c’est sa présence parmi nous.
* A propos des malades à guérir et de la nature à restaurer, le prophète
Isaïe commence par dire : « Voici
votre Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver ».
* Et quand l’apôtre Jacques recommande instamment
l’accueil des pauvres, il s’adresse à une assemblée de chrétiens en commençant
par : « Mes frères, dans votre
foi en Jésus Christ notre Seigneur de gloire… ». Sa motivation est
claire, qui doit être aussi la nôtre : c’est notre foi évangélique qui
peut et doit bouster notre action de solidarité à l’égard des plus pauvres.
* Enfin,
Jésus lui-même n’est-il pas la parfaite présence de Dieu parmi les hommes ?
Quand il guérit, il ne fait pas de la petite compassion humaine. Il démontre
jusqu’où va la charité de Dieu au milieu des hommes.
Tout cela prouve une chose. Si, heureusement,
il n’est pas nécessaire d’avoir l’étiquette chrétienne pour respecter la
création et manifester de la solidarité sociale, parce que l’Esprit de Dieu est
aussi à l’œuvre dans le cœur de ceux qui l’ignorent ou même le nient, les
chrétiens ont des raisons supplémentaires de s’engager résolument dans ces
domaines.
* La Création, c’est l’oeuvre de Dieu dans sa
puissance de vie et dans la générosité de son amour. L’univers, si riche de
beautés et d’utilités, c’est un cadeau de Dieu pour l’homme, tous les hommes
auxquels il est confié afin que nous en soyons les jardiniers respectueux et
responsables et non pas les prédateurs
sauvages et égoïstes. Louer le Seigneur pour le cosmos et jouir de la terre, de
la mer et du ciel pour nos épanouissements raisonnables : telle est la
sagesse de celles et ceux qui habitent cet univers en locataires consciencieux
et reconnaissants.
* Que dire alors des relations inter-humaines
dans ce monde offert à tous et non pas à quelques privilégiés sans scrupules ?
Comme nous sommes encore loin des nobles idéaux de liberté égalité et fraternité ! Et comme les chrétiens, avec d’autres bien
sûr, devraient être les pionniers dans cette lutte pacifique pour
l’humanisation de l’humanité ! Oui, que nous soyons en première ligne pour
favoriser la liberté, y compris de conscience et de religion, pour exprimer
concrètement notre solidarité envers celles et ceux qui sont victimes des
catastrophes naturelles, mais aussi, hélas ! de la haine, des injustices
ou des violences des autres. A fortiori si, comme nous ici, nous avons la
chance de pouvoir vivre, certes dans un pays qui n’est pas parfait, mais où
règnent globalement la prospérité, le respect des droits humains et une
certaine solidarité sociale.
Si les images que nous voyons ces jours à propos
des réfugiés qui s’approchent de nos frontières ne nous suffisent pas pour
toucher notre cœur, entendons au moins ces paroles de Jésus qui doivent
mobiliser notre foi : « Tout ce
que vous faites –ou ne faites pas- à l’un de ces petits qui sont mes frères,
c’est à moi que vous le faites…ou pas. » Et relisez le psaume :
Tout y est.
Je sais que ce n’est pas facile. Il nous semble,
bien souvent, que ces misères nous submergent et que les problèmes sont sans
solution tant ils nous dépassent dans leur gravité et leur complexité. Mais je
crois que chacun de nous, quel qu’il soit, peut faire quelque chose, ne serait-ce
qu’une petite chose, pour que la création soit mieux respectée, les pauvres
mieux secourus, et disons-le franchement aujourd’hui : les réfugiés mieux
accueillis.
Il y va de la crédibilité de notre foi, de la
valeur de notre témoignage, de l’authenticité de notre amour.
Pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Claude Ducarroz
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