samedi 26 septembre 2015

Homélie 26ème dimanche ordinaire

Homélie
27 septembre 2015

Des bâtons dans les roues.
On n’aime pas beaucoup ça, mais c’est bien de cela qu’il s’agit dans les trois lectures de la liturgie de ce dimanche.

*Moïse avait tout bien planifié. Il venait d’adouber 72 prophètes en leur transmettant une part de son esprit. Et voici que deux autres, des marginaux non estampillés, se mettent à prophétiser à leur tour. On comprend la colère de Josué : « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Et la réaction de Moïse est plutôt cinglante : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ». Et vlan !

* Dans l’évangile, c’est un peu la même situation. L’un des apôtres signale à Jésus qu’un inconnu -encore un marginal- se met à expulser les démons en son nom sans appartenir au groupe des disciples reconnus. Et la réaction de Jésus est tout aussi déconcertante : « Ne l’en empêchez pas ! ... Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

Conclusion : Dieu est plus magnanime que nos petites étiquettes. L’amour du Christ déborde infiniment nos rigides barrières. L’Esprit du Seigneur, comme le disait déjà Jésus, souffle où il veut, autrement dit au large de nos étroites catégories mentales et même théologiques. Et l’évangile est une puissance de Dieu que personne ne peut confisquer au titre d’un monopole strictement réservé à quelques uns, les privilégiés de la foi ou de l’Eglise.

Mais celui qui met le plus ses bâtons dans nos roues, compte tenu du contexte qui est le nôtre ici et maintenant, c’est sûrement l’apôtre Jacques. Quel prédicateur aurait eu l’audace de parler comme lui chez nous, surtout à la veille des élections, s’il n’avait pas été obligé de lire ce que cet apôtre a écrit pour les paroissiens de son temps ?
On ose à peine le répéter : « Vous les riches, eh ! bien vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers crie aux oreilles du Seigneur. Malheur à vous qui avez mené sur terre une vie de luxe et de délices. » Et vlan !

Je vous signale que, même s’il y a aussi des pauvres parmi nous, la Suisse est dans le peloton de tête des pays les plus riches du monde.

Reconnaissons-le : ces textes nous gênent, sauf si nous avons pris la précaution de fermer nos oreilles et d’endurcir notre cœur.  Devant les exigences de l’évangile, on peut mettre sa tête –ou sa conscience- dans le sable, comme l’autruche. Et voici que la photo d’un enfant mort, sa petite tête dans le sable sur une plage de Turquie, vient nous réveiller. Comme l’actualité, comme l’évangile.

« Puisse tout le peuple devenir prophète ! », disait Moïse.
Dans ce monde tel qu’il est - qu’il ne faut ni rejeter ni haïr, mais transformer-, comment pouvons-nous être des prophètes d’autres valeurs, quant à l’avoir, quant au pouvoir, quant au savoir, quant au jouir ?
 Et si nous nous mettions ensemble, dans la prière et dans la méditation, pour chercher de nouvelles voies, y compris avec celles et ceux qui ne sont peut-être pas de notre culture, de notre parti, de notre religion ou de notre Eglise ? Il peut y avoir des prophètes partout.

Il ne s’agit pas de cracher sur nos richesses, dans la mesure où elles ont été gagnées par un travail honnête, sans exploitation injuste de quiconque et sans tricheries, y compris fiscales.
Ne sommes-nous pas tous plutôt heureux de notre relatif confort ?
Mais on doit bien reconnaître que notre société -ne serait-ce pas à cause de ces richesses justement ?-  est devenue matérialiste et hédoniste en asséchant les spiritualités et en éloignant des religions ? N’y a-t-il pas dans de telles accumulations matérielles des risques d’égoïsmes qui peuvent tourner en injustice à l’égard des pauvres de chez nous et d’ailleurs ? Sans compter les dégâts à la création, si opportunément rappelés par notre pape François dans sa dernière encyclique.

Je ne souhaite pas culpabiliser à bon marché. Mais dans le contexte de crise où nous sommes, n’y aurait-il pas une opportunité ? Ne serait-il pas venu, en urgence, le temps de la réflexion, de la remise en question et d’une certaine conversion, personnelle et collective, même si ça nous fait mal ?

Finalement dans l’évangile, le Seigneur nous dit aussi qu’il vaut mieux avoir une main, un pied ou un œil en moins pour entrer dans le royaume de Dieu que de s’en aller tout entier et bien dodu dans la géhenne de feu.
On peut aussi le dire plus positivement, comme Jésus : « Celui qui donnera à son prochain, au nom de son appartenance au Christ, ne serait-ce qu’un seul verre d’eau, il ne restera pas sans récompense. » Et je suis persuadé que, dans notre contexte, nous pouvons partager bien plus qu’un seul verre d’eau.

Seigneur, mets en nous ton Esprit. Que nous ayons assez de courage pour être des prophètes de ton évangile dans notre monde, de sorte que, comme l’a dit l’oraison de tout à l’heure, « sous ta conduite, en faisant un bon usage des biens qui passent, nous puissions déjà nous attacher à ceux qui demeurent. »


Claude Ducarroz


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