Homélie
Rameaux 2018
Jésus, poussant un grand cri, expira.
Tout est accompli.
Tout est dit.
Seul le silence est encore digne de cet
évènement. Alors faut-il ajouter quelque chose, au risque de troubler cette
atmosphère de compassion et de recueillement ?
Pas des paroles, mais une main tendue à des
témoins de la croix, au crucifié et à quelques amis, de lui et de nous.
* D’abord Jésus évidemment. Selon cet évangile,
il n’a dit qu’une parole sur la croix. Elle est tirée du psaume 22 : Eloï, Eloï, lama sabactani. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m’as-tu abandonné ?
Mon Dieu : le signe d’une ultime confiance. Peut-être a-t-il dit
plutôt : Mon Père ! Abba !
Pourquoi m’as-tu
abandonné ? Un cri en forme de question.
Au-delà du sentiment d’abandon, il a encore cette dignité : questionner
Dieu.
Ce qui reste au pauvre quand il a tout perdu,
parce qu’il demeure un être humain.
On peut tout lui enlever, et jusqu’à ses
vêtements, mais pas sa conscience, pas sa plainte, pas ses interrogations, et
surtout pas celles qu’il adresse à Dieu, la dernière manière de lui dire qu’il
croit en lui, douloureusement, désespérément, avant le grand silence de la
mort.
En écho à ce cri, et en écho à ce silence, à
travers tous les siècles et jusqu’aux tragiques rivages de notre actualité :
Seigneur Jésus, écoute maintenant, en nous et autour de nous, et jusqu’aux
extrémités de la terre, les drames extrêmes de tous les crucifiés du monde, que
ce soit sous les effets des soubresauts de la nature en colère, que ce soit
dans les tragédies ordinaires de la misère et de la faim, que ce soit sous les
coups des violences meurtrières.
Seigneur, toi qui t’es senti abandonné, toi au
moins, ne nous abandonne pas.
* Il se nommait Simon, on l’appelait le
Cyrénéen. C’était un paysan. Il revenait des champs. Apparemment, il n’avait
rien à voir avec ce macabre cortège qui conduisait trois condamnés à mort
jusqu’à leur destin.
On l’a forcé. Mais peu
importe. Il a porté la croix du sauveur, il a aidé Jésus à aller jusqu’au bout de son
chemin. Il a collaboré à la rédemption du monde.
Que de Simon de Cyrène dans l’aventure de notre
pauvre humanité ! Aujourd’hui encore. Tant de fois, nous avons eu besoin
des autres, y compris pour nous relever, et pour recommencer. Et pour aller
plus loin, plus haut. Si possible jusqu’au bout. Avons-nous dit merci ?
Et
combien de fois, avons-nous été un Simon
de Cyrène pour d’autres ? Sans aller chercher trop loin, là, tout près de
nous, dans nos relations quotidiennes, sur les chemins de tous les
calvaires qui embauchent encore de si nombreux Simon.
Et puis je connais un Simon universel, toujours
disponible. Il est là même quand on ne le voit pas, et même quand on n’y croit
pas : Jésus de Nazareth. Lui qui a eu besoin de Simon, il est devenu le
Simon de tous, en nous aidant maintenant à porter nos croix, avec la force de
son Esprit.
Seigneur Jésus, sois notre Cyrénéen, viens au
secours de notre faiblesse.
* Et surtout n’oublions pas les femmes. Car, comme
le note cet évangile, il y avait aussi
des femmes qui observaient de loin, et qui avaient suivi et servi Jésus quand
il était en Galilée.
Comme d’habitude, y compris dans l’Eglise ou
quand il y a des croix au bord des routes humaines : beaucoup de femmes et
peu d’hommes. Quand il faut aller jusqu’au bout, quand il faut manifester de la
compassion et exercer d’humbles services,
elles sont là.
On sait comment Jésus les a reconnues,
remerciées et consolées sur le chemin du Calvaire. Après la croix -où elles ont accompagné Marie
la mère du condamné à mort-, nous les retrouverons au tombeau pour les rites
–pieux et affectueux- de l’ensevelissement. Et surtout Jésus leur donnera
rendez-vous de bonne heure au matin de Pâques pour leur apparaître en primeur
comme ressuscité, et les charger d’annoncer cette bonne nouvelle aux apôtres
eux-mêmes.
Il est temps que les femmes, dans la société et
aussi dans l’Eglise, comme Jésus l’a fait, soient davantage reconnues,
respectées, remerciées et encouragées. Encore une leçon et surtout une
invitation qui coulent de cet évangile.
Seigneur Jésus, né
d’une femme, fils de Marie, exauce-nous.
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