Courrier du cœur
« Dans notre
Eglise, il me semble que rien de sérieux dans le changement ne se pointe à
l’horizon. Comment ne pas désespérer et garder la foi ? »
Cette réflexion (par écrit) ne vient pas d’une
personne hypercritique qui cèderait, comme de coutume, au prurit d’un
réquisitoire malveillant. Il s’agit d’une dame d’un certain âge qui s’est très
souvent engagée au service de l’Eglise dans un bel esprit de foi et d’amour
désintéressé. C’est ainsi qu’elle exprime son « cri du cœur ». Il
s’ajoute aux remarques désabusées et aux doléances consternées que j’entends
autour de moi. Sans compter les commentaires vinaigrés ou ironiques provenant
de milieux toujours prompts à casser du sucre sur le dos de notre Eglise.
Ce serait une grave erreur de répondre en
haussant les épaules sous prétexte que l’Eglise a déjà connu bien d’autres
crises ou agressions dont elle est, finalement, sortie toujours vivante, voire
plus vigoureuse qu’auparavant. Dieu merci ! Laisser passer l’orage en
attendant des jours meilleurs n’a jamais amélioré la météo ecclésiale.
Quand le concile Vatican II nous a rappelé que « l’Eglise a le devoir, à tout moment,
de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de
l’Evangile » (Gaudium et spes no 4), ce n’était pas seulement une
invitation à nous intéresser de plus près à ce qui se passe dans la société.
C’était aussi un appel à écouter et surtout à entendre ce que les chrétiens de
toutes sortes vivent et expriment, dans la foi et l’amour, au sein de leurs
communautés. D’où cette précision à l’intention de nos
pasteurs : « Qu’avec un amour paternel les évêques accordent attention et
considération dans le Christ aux essais, vœux et désirs proposés par les
laïcs », ceux-ci ayant « la
faculté et même le devoir de manifester leur sentiment en ce qui concerne le
bien de l’Eglise ». (Gaudium et spes no 37).
A la suite du concile Vatican II, le peuple de
Dieu a pris la parole pour s’exprimer dans un esprit de communion et de liberté
sur les changements attendus dans notre Eglise pour qu’elle soit davantage missionnaire
et prophétique au cœur de notre monde. Si l’on relit ces textes –par exemple
ceux du Synode 72 en Suisse et ceux d’AD 2000 dans le diocèse de Lausanne,
Genève et Fribourg-, il faut bien constater que beaucoup de réformes ardemment
souhaitées attendent toujours leurs mises en œuvre. Et voilà que les problèmes
non résolus, les appels perdus dans le désert de l’indifférence hiérarchique
remontent à la surface avec un coefficient supplémentaire d’impatience, voire
de colère. Il suffit de penser, par exemple, aux ministères laïcs, à
l’œcuménisme, à la pastorale des familles, à la place des femmes dans notre
Eglise, à la vie et au ministère des prêtres, à l’évangélisation parmi les
jeunes, etc…
J’entends autour de moi le gémissement de
beaucoup de cœurs chrétiens…et douloureux. Comment ne pas les encourager, plus
que jamais, à prier et à lutter en Eglise, pour continuer de croire, d’espérer
et d’aimer. Avec patience certes, mais aussi avec impatience. En manifestant
l’une et l’autre, dans un esprit de communion active et aussi critique.
Sans jamais oublier que le cœur de l’Eglise,
finalement, bat dans le cœur du Christ crucifié et ressuscité, là où Jésus ne
cesse d’envoyer l’Esprit Saint sur l’humanité et sur son Eglise, afin de « renouveler la face de la terre ».
(Ps 104, 30).
Claude Ducarroz
A paru sur le
site cath.ch le 5 juin 2019
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