Homélie
+Béatrice
Jubin
Elle s’appelait Béatrice, ce qui veut dire
« la bienheureuse ». Et elle l’était, mais attention ! à sa
manière. Heureuse en faisant des heureux. Ca, c’était tout Béatrice. Sans
oublier son si joli nom…Fleury ! Tout un jardin fleuri !
Oui, heureuse en faisant des heureux ! Je
le savais, mais je l’ai encore mieux saisi, cher Paul et chère Marie, en vous
écoutant parler de votre épouse et de votre maman, avec aussi l’écho des petits
enfants.
Et ils sont nombreux parmi nous, venus d’ici et
d’ailleurs –et notamment du Jura, et aussi de très loin- celles et ceux qui pourraient en rajouter, en
toute sincérité.
C’est pourquoi cet Adieu prend d‘abord la forme
du merci, chère Béatrice, pour tout ce que tu fis, et surtout ce que tu fus, au
milieu de nous, avec nous, pour nous.
Béatrice, c’était un amour sans barrière et
sans frontière. Un amour à trois dimensions.
La première est plutôt intime. C’est sa
tendresse pour vous, sa famille. Vous allez garder dans vos souvenirs tant de
gestes et de paroles qui vous ont aidés à grandir, à devenir meilleurs, et cela
à l’ombre chaleureuse de sa douce présence, pleine de gentillesse, de
générosité et d’humour.
Nous vous laissons avec respect, dans le
silence ou dans le partage, le beau devoir de conserver cette mémoire, de la
ranimer dans vos rencontres, d’en faire une compagne de votre pèlerinage en
humanité. Je pense aussi à vous, les petits-enfants Ioannis et Léa.
« Heureusement que Béatrice était là »,
m’as-tu avoué, cher Paul, en évoquant ta longue vie. Elle m’a aimé, elle m’a
vivifié, elle m’a aussi corrigé. 57 ans de mariage, et Marie en cadeau. Merci
Béatrice.
Mais Béatrice était aussi programmée pour d’autres
horizons, plus larges. A partir de son Jura natal –où elle a perdu sa mère à l’âge
de 11 ans-, elle s’est laissé entraîner de bon coeur, main dans la main avec le
Paul, vers le vaste monde de la solidarité, chez nous et aussi ailleurs, dans
l’univers du développement intégral.
Elle n’a pas seulement suivi, elle a participé,
humblement, mais avec une si belle empathie.
Séjour à la Réunion durant trois ans, puis partenaire
de l’activité de Paul au service de Frères sans Frontières, puis de l’Action de
Carême suisse, et aussi par ses propres activités professionnelles dans l’EMS
des Chênes : on peut dire vraiment qu’elle a passé en faisant le bien,
beaucoup de bien, sans élever la voix, mais en laissant parler son cœur
toujours grand ouvert. Encore une raison de plus de lui redire merci.
Il y avait en Béatrice une troisième dimension,
toujours dans le registre de l’amour, mais celle-là, en débouchant sur le
mystère le plus profond de sa riche personnalité.
Béatrice était une croyante, une priante, une
pratiquante de l’Evangile. C’est à partir de cet Evangile, souvent creusé avec
d’autres, qu’elle « faisait Eglise », en conservant une liberté
critique, sans cesser d’être en communion, comme il convient aux adultes dans
la foi.
Car chez elle la spiritualité irriguait une vie
« les pieds sur terre ». Dans ses eucharisties, les fruits de la
terre et du travail des hommes et des femmes gardaient toute leur saveur
humaine, y compris quand l’Esprit venait les transformer en repas du Seigneur
de Pâque.
Et justement, c’est maintenant la grande
invitation pascale. Puisque Dieu nous aime toujours le premier, et ne peut
jamais cesser d’aimer, de nous aimer, même si nous sommes tristes évidemment,
nous laissons Béatrice rejoindre la maison de famille universelle, à la mesure
de l’Amour majuscule de notre Dieu, là où il y a de la place pour beaucoup de
monde.
Béatrice a trouvé sa place. Elle lui était
réservée, dans le cœur même de Dieu, tout en demeurant encore dans le nôtre,
puisque l’amour, même dans l’épreuve de l’absence visible, allume des
communions qui ne s’éteignent jamais. Sur terre comme au ciel.
Elle était Béatrice, bienheureuse en faisant
des heureux, nous par exemple. Elle est maintenant encore plus Béatrice. C’est
Dieu lui-même, en l’accueillant chez lui, qui la rend bienheureuse pleinement
et pour toujours.
A Dieu,
Béatrice !
Claude
Ducarroz
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