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Paul Jubin
Paul et Béatrice. Ils ne pouvaient pas vivre
l’un sans l’autre. Pouvaient-ils mourir
l’un sans l’autre ? Oui, mais pas longtemps. Béatrice a quitté Paul le 29
novembre dernier. Et ce dimanche, Paul a appelé : Béa. Mamie. Elle était
là.
Paul
nous a aussi quittés. C’est à la fois notre tristesse – un grand vide parmi
nous- et notre consolation – ils étaient
inséparables, ils se sont retrouvés, ils sont réunis par Dieu et en Dieu-.
Quand j’ai annoncé la mort de Paul à quelqu’un
qui le connaissait bien, il m’a dit : Voilà
quelqu’un qui n’est pas rentré les mains vides. Plein les mains, plein
l’esprit, plein le cœur : la vie, sa longue vie.
Quelle vie ! Paul fut un grand vivant, et
jusqu’au bout, au milieu de nous. Trois jours avant sa mort, il jouait encore
aux cartes, dans sa soif de relations humaines, malgré son chagrin. Pas
seulement pour troubler sa nouvelle solitude, mais pour faire du bien aux
autres.
Il aimait la vie, il rendait les autres plus
vivants, notamment en leur disant merci. Je l’ai vérifié moi-même : il
était très reconnaissant, de vivre, de vivre avec et pour les autres, à
commencer par sa famille évidemment (Marie, Dimitris, Lea et Yannis, merci de
lui avoir bien rendu jusqu’à la fin ce qu’il vous avait donné si affectueusement
avec Béatrice.)
Et aussi
avec des amis très fidèles, qui mesurèrent la grâce d’avoir connu et rencontré
sur leur chemin un tel personnage, un tel humain, un tel chrétien.
Il s’appelait Paul, ce n’était pas un hasard.
Comme Paul de Tarse, jusqu’à Rome mais en passant par Jérusalem, Paul Jubin fut
le disciple du Christ en mettant ses pas dans ceux du grand apôtre. On peut
relire son pèlerinage en ce monde en donnant la main à son saint patron
missionnaire.
Tarse, pour Paul Jubin, à savoir ses racines,
c’était son Jura natal. Il a aimé cette terre, cette patrie qui gonfla son cœur
d’affections fidèles, d’engagements libérateurs, de poésies qui marient si bien
la beauté et la bonté. Certes il ne se sentait nulle part en exil, parce que
son humanité était capable d’accueils
larges et de fraternités sans frontières. Mais il est resté jurassien, avec sa
Béatrice Fleury dans le jardin des Franches Montagnes. Avec le Doubs qui
rencontrerait la Sarine pour un beau mariage de culture et de foi.
Comme celui de Tarse, Paul Jubin est aussi
monté à Jérusalem, le lieu de la communion avec le frère Jésus, le Seigneur. On
ne comprendrait pas le secret du Paul –comme on dit à Saignelégier- si l’on ne
s’attardait pas avec lui à Jérusalen et environs, la patrie de sa foi profonde,
le lieu d’une Eglise toute remuée par
les énergies de Pentecôte.
Le mystère pascal, cette passion de donner de
la vie, de donner sa vie par amour, les voilà qui ont tellement vibré dans le
sang humain de Paul, avec la présence, importante mais humble, de sa bien-aimés
au doux nom de béatitude.
L’évangile, comme le disait la première
lecture, pas en paroles ni par des discours, mais en actes et en vérité. Et en
prière aussi. Oui, cette bonne nouvelle qui apaise le cœur, mais surtout fait
passer, non pas de la vie à la mort, comme on le voit si souvent dans
l’actualité du monde, mais de la mort à la vie.
Je le
pressentais quand Paul fermait ses beaux yeux pour les ouvrir déjà ailleurs,
devant le grand vivant de la gloire. Car là où je suis, promet Jésus, là aussi
sera mon serviteur. Dans la Jérusalem céleste. Alors du ciel vint une voix
qui disait : Je le glorifierai encore. C’et fait.
Il faut encore parler, à l’instar de l’apôtre à
Rome, du Paul Jubin des grands espaces
et des larges horizons, celui qui non seulement a marché sur des longues
routes, mais qui a entrainé avec lui de nombreux voyageurs en quête d’une
nouvelle humanité à l’image de l’homme nouveau, le pascal de toujours.
Les
racines de Paul Jubin ne l’ont jamais empêché d’avoir des ailes magnifiquement
déployées sous le vent de l’Esprit missionnaire. L’ile de la Réunion, puis
l’animation de Frères sans frontières et finalement l’Action de Carême :
tout fut pour lui invitation aux voyages, pas pour le tourisme de la consommation,
mais dans l’élan de la révolution évangélique, donc profondément humaine parce
que divinement inspirée.
Tant de personnes parmi nous pourraient dire
actuellement ce qu’elles doivent à Paul Jubin, appuyé sur la complicité de
Béatrice, dans leur cheminement de solidarité concrète vers les frères et sœurs,
au loin ou ici, tous embrassés d’un même regard d’ample fraternité.
Il n’y a pas de plus grande reconnaissance pour
ce frère ainé, ni plus de fidélité à sa mémoire, que de continuer maintenant le
combat humain et chrétien, dans notre contexte actuel, celui que Paul suivit
jusqu’au bout avec beaucoup de curiosité et de sympathie, chez nous et jusqu’au
bout du monde. Oui, la lutte, non violente mais résolue, pour exiger la
justice, promouvoir la liberté, accueillir les migrants, aider les souffrants
et nécessiteux, sauvegarder la nature, transformer la société et aussi
construire une Eglise œcuménique et inclusive. C’était Paul. Ce doit être nous
tous maintenant.
Tels sont les grains de vie, les semences d’Evangile
que Paul a déposés dans nos mains et dans notre cœur avant de partir, pour que
nous les répandions partout où nous sommes, afin que, comme dit Jésus, le semeur se réjouisse en même temps que le
moissonneur.
Claude Ducarroz
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