…et
il reste la beauté !
L’hiver,
c’est froid, c’est humide, c’est gris, c’est long. Surtout quand il manque la
neige qui devrait ajouter un brin de poésie sur ces paysages mornes et dénudés.
Vivement le printemps ! Mais il ne s’agit pas de déprimer en attendant. Merci
pour le conseil, car j’allais l’oublier : il reste toujours la beauté,
celle qui est « hors saison », autrement dit : de toutes les
saisons.
Dans
la nature d’abord. Sous le soleil -même quand il est un peu pâlot- campagnes,
lacs et montagnes chantent encore le charme discret de la vie. Des écharpes de
nuages peuvent essayer de camoufler nos glaciers, des trouées de lumière ne les
rendent que plus sublimes. Et dans le jardin de la voisine, des légumes d’hiver
montent la garde comme des soldats de l’espérance invincible. Il y a encore des
réserves de féérie dans notre univers glacé.
Et
puis vient la culture, quand les sons de la musique, les couleurs des peintures
et les subtilités des nourritures terrestres collaborent à l’enrichissement de
l’esprit et à l’enchantement de l’âme. Un concert, et tout est réparé. Une
exposition, et tout est transfiguré. Une lecture, et tout est compensé. Il y a
de la pâque dans les yeux, dans les oreilles, dans le cœur. On survit ou on
revit à un autre niveau. Merci, les artistes !
Il
y a surtout les relations humaines. Dans la bonté, il y a toujours aussi de la
beauté. Ce papa dans le train qui berce son enfant, cette caissière de magasin
qui répète à chacun avec le sourire un bonjour non commercial, ce couple
d’aînés qui se donnent la main comme au premier jour, ces jeunes qui défilent
pour le climat en criant des slogans chauds : qu’y a-t-il de plus beau que
des humains liés et reliés par l’amour ou l’amitié de petite monnaie ?
Et
dans l’Eglise, me direz-vous ? C’est un peu l’hiver de la nuit et du
brouillard si l’on en croit certains médias friands de gros titres noirs. Il
faut le reconnaître : notre Eglise ne respire pas la beauté dans les
images qu’elle donne actuellement d’elle-même, ou celles qu’on se plaît à lui
renvoyer. Mais là aussi, il faut creuser plus profond, peut-être en fermant les
yeux.
Qui
dira la beauté du chrétien qui prie dans le silence d’une église habitée par le
Christ-Eucharistie ? Qui comprendra le geste de celui ou celle qui va visiter
des personnes âgées au nom de sa foi humaine et chrétienne ? Qui saura jamais
ce qui veille et vibre au cœur de nos liturgies, que ce soit dans la splendeur
des rituels solennels ou dans la simplicité des recueillements discrets ?
Qui verra le scintillement des yeux penchés sur la page biblique quand la
Parole se révèle dans la divine surprise d’un verset qui redit l’Amour
incarné ? Qui mesurera l’émotion du croyant soudain bouleversé lorsque
retentit le Requiem de Mozart ou resplendit l’Annonciation de Giotto ?
Ainsi
s’avance l’Eglise en boitant, celle des hommes et des femmes de foi,
d’espérance et d’amour, qui re-boivent sans cesse aux sources de l’Esprit et
ruminent à nouveau l’Evangile de l’humble beauté christique.
Puisque tout est Grâce, tout peut
aussi devenir Beauté.
Claude
Ducarroz
A paru sur le
site cath.ch
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