dimanche 27 novembre 2011

Radio romande - Homélie du 1er dimanche de l'Avent

Homélie du premier dimanche de l’Avent
27 novembre 2011

Vous connaissez. La petite lampe bleutée dans la chambre d’hôpital. On l’appelle « la veilleuse ». Elle éclaire assez pour chasser les angoissantes ténèbres de la nuit. Elle est aussi assez humble pour ne pas empêcher de dormir en paix.
Mais la veilleuse -la vraie-, c’est une personne, l’infirmière de la nuit, celle qu’on peut appeler à tout moment en cas de malaise ou de problème. Elle arrive, elle est là : ça va déjà mieux, n’est-ce pas ?

Dans l’évangile de ce premier dimanche de l’Avent, Jésus nous invite quatre fois à veiller. L’évangéliste Marc se place dans la perspective du retour du Seigneur, dont personne ne connaît ni le jour ni l’heure. Et les communautés chrétiennes auxquelles il s’adressait estimaient probablement que ce moment était proche, peut-être même imminent.
Une leçon demeure, quelle que soit la montre de notre histoire : le chrétien est un veilleur. Pas dans la panique anxieuse, mais dans la confiance sereine. Oui, parce qu’il sait d’abord que quelqu’un veille sur lui, jour et nuit, par amour.

Le grand veilleur, le premier, c’est Dieu lui-même. Et il veille sur nous, sur chacun de nous, fidèlement, amoureusement.
Il a veillé sur Israël tout au long de sa marche à travers l’immense désert (Cf. Dt 2,7). « Tu as veillé sur mon souffle », dit Job au milieu de ses épreuves (10,12). Le psaume 66 étend la vigilance de Dieu à toute l’humanité : « Les yeux sur les nations, Dieu veille. » Ps 66,7.
Oui, parce que nous sommes veillés par le Dieu d’amour, nous pouvons veiller à notre tour dans l’attente de sa venue. Nous sommes au chaud dans le nid de sa tendresse, selon cette magnifique profession de foi de Moïse juste avant sa mort : « Dieu est comme l’aigle qui veille sur sa couvée. Il plane au dessus de ses petits. Il déploie ses ailes et les porte sur son pennage. » Dt 32,11.

Alors notre veille devient une espérance, tout le contraire de la peur. Veiller, ce n’est plus une mauvaise insomnie, quand l’inquiétude nous empêche de fermer les yeux. Veiller, c’est savoir que quelqu’un est toujours là, vigilant, attentionné. Il vient toujours au moindre appel parce qu’il nous connaît et nous aime. Il fera tout pour nous sauver. Il nous donne les signes de sa proche venue, comme ces bruits apaisants dans le couloir quand s’approche la veilleuse.

L’Avent, c’est le temps de sa venue. Il est en route vers nous, le Sauveur du monde. Ecoute ! N’entends-tu pas ses pas dans le silence ? On appelle cela la méditation de sa parole. Tu sonnes à la porte de son cœur : donc tu pries. Ne perçois-tu pas l’écho de son approche ? L’Esprit remue en toi, avec ses désirs de bonté, la force de pardonner, la bienheureuse démangeaison de rendre service, la joie de faire des heureux autour de toi.
Et puis regarde : il vient, d’une certaine manière il est déjà là, puisque la table est mise. Il y a un couvert exprès pour toi. Il y a le pain, il y a le vin. Il y a une famille pour partager le repas: l’Eglise. Prends, mange : c’est moi, dit Jésus, c’est déjà moi, celui qui est, qui était et qui vient.
Tu es veillé. Pas surveillé comme le ferait un policier qui guette l’automobiliste en possible infraction. Non ! Tu es veillé par l’Amour majuscule, comme l’enfant dans son berceau, comme le malade dans son lit, comme la fiancée par celui qui l’aime, tendrement.

Et après, me direz-vous ? Il te reste une chose à faire : devenir toi-même veilleur, un veilleur pour d’autres. Car nul n’est autant veillé par Dieu son Père que celui qui devient un frère veilleur, une sœur veilleuse pour quelqu’un d’autre qui en a besoin, surtout en ce temps d’Avent.
L’apôtre Paul nous a dit que dans le Christ, « nous avons reçu toutes sortes de richesses, qu’aucun don spirituel ne nous manque, à nous qui attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus-Christ » (I Co 1,5 et 7).

Veillé, veilleurs, nous veillons sur les autres, avec la délicatesse de la charité, celle qui s’exprime, comme Marie, en services, en visites, en attention aux plus pauvres et malheureux. Celle qui s’engage aussi dans les combats pacifiques pour une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine en somme.
Veiller avec le Christ, c’est le contraire de sommeiller dans son confort égoïste, dans sa bonne conscience narcotique, dans sa richesse matérielle ou culturelle.
Veiller, c’est faire comme Jésus maintenant à cette eucharistie : dresser la table, faire de la place aux autres, inviter largement, partager l’avoir et surtout l’être, et finalement expérimenter ce bonheur : « Heureux les invités au repas du Seigneur. »

Claude Ducarroz

samedi 12 novembre 2011

Homélie In memoriam

Homélie
In memoriam 2011

Dieu serait-il un impitoyable capitaliste, comme on en trouve encore de nos jours, notamment dans le monde de la finance, si j’en crois ce qu’on dit ou ce qu’on voit ? Dans cet évangile, le propriétaire plein aux as, certes, distribue ses biens avant de partir en voyage, mais, en demandant des comptes à son retour, il attend de retrouver sa mise carrément doublée. C’est faire encore mieux que nos meilleurs gérants de fortune. Et sans pitié avec ça puisque celui qui a simplement mis à l’abri ce qu’il avait reçu, sous le coup de la peur, se voit traiter de « serviteur mauvais et paresseux », dépouillé de son bien confié désormais au trader le plus performant. Pire encore : ce bon à rien est « jeté dehors dans les ténèbres, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. » On se croirait à Zürich ou ailleurs certains jours de grounding.

Vous l’avez compris : il s’agit ici d’une parabole, à savoir un fait de vie cueilli par Jésus sur le vif, dans la société de son temps, mais pour nous dire autre chose de bien plus profond que les anecdotes utilisées. En un mot : il nous faut passer avec Jésus de l’avoir à l’être, de l’écume d’une histoire à l’essentiel d’un enseignement qui porte sur l’enjeu de nos vies.

La vie, le mouvement, l’être : nous les avons reçu de Dieu, généreusement, gratuitement. Pas pour les enfouir dans le confort de la paresse ou dans les abris bétonnés de l’égoïsme. Celui qui nous a confié les talents de notre existence veut collaborer sans cesse avec nous pour en faire quelque chose de beau, de bon, de rayonnant. Chacun tel qu’il est, avec ce qu’il a reçu, sans comparer les uns avec les autres, car dans la logique de l’amour de Dieu, ce ne sont pas les apparences ou les performances qui comptent, mais les valeurs intérieures, autrement dit la qualité de la personne, quel que soit sa place dans la société.
On sait bien que s’appliquent souvent, dans le royaume de Dieu commencé ici-bas, cet adage répété par Jésus : « Il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers. » Dont acte, pour chacun de nous.

Finalement, c’est ce que l’on donne de soi-même qui compte, ou plutôt se donner soi-même, en personne, comme Jésus, qui mesure la valeur, la beauté, la qualité d’une vie. Ce pour quoi nous sommes prêts à nous donner nous-mêmes, plus encore que ce que nous avons, possédons ou savons : c’est cela qui confère un sens à notre existence.

Et là, aujourd’hui, je trouve deux exemples magnifiques.
Dans la première lecture, c’est une femme, c’est la femme. « La femme vaillante, qui donc peut la trouver ? », dit l’auteur biblique, celle qui « est infiniment plus précieuse que les perles ? »
Je crois vraiment que dans notre monde, surtout dans les contextes de misère ou de souffrances, ce sont souvent les femmes qui présentent la plus grande capacité de générosité, de don de soi, finalement d’amour. Il est temps que, dans la société mais aussi dans l’Eglise, on sache le reconnaître, l’apprécier et jose le dire à l’intention des hommes : l’imiter.
Je le dis en particulier ici en ce jour qui fait mémoire des soldats –tous des hommes en ce temps-là- qui ne doivent pas oublier tout ce que la patrie doit aux femmes restées à la maison, filles, épouses, mères et grand-mères vaillantes, que nous risquons d’ignorer sous prétexte qu’elles ne furent pas au front, comme disent les militaires.

Mais je n’oublie pas non plus ces militaires, surtout en ce jour où nous nous souvenons de ceux qui ont donné leur vie dans le service actif, même si nous avons été heureusement épargnés par les pires horreurs de la guerre. Ces hommes étaient là, prêts au sacrifice suprême, pour les valeurs de dignité, de liberté, de fraternité. Or ce qui fait la valeur la plus précieuse d’une vie, c’est ce pour quoi nous sommes disposés de tout cœur à la donner, y compris jusqu’à la perdre pour ceux qu’on aime.
C’est ce qu’a fait le Christ pour toute l’humanité.
Nous pensons avec émotion à ceux qui avaient déjà fait ce choix pour le salut de notre pays, même s’ils ne sont pas morts sous la violence d’un ennemi. Ils ont droit à notre respect, ils peuvent compter sur notre mémoire, ils méritent notre reconnaissance, et nous le leur répétons aujourd’hui.

Nous venons de choisir nos magistrats fédéraux. Nous allons bientôt élire celles et ceux qui vont diriger notre canton, après avoir déjà élu nos édiles communaux. Rude année 2011 en pays de Fribourg !
Je suis persuadé, pour ma part, qu’un vrai serviteur du peuple, au masculin ou au féminin, c’est une personne qui a la volonté –plus encore que l’indispensable capacité- de donner sa vie pour ses frères et sœurs. Pas seulement pour les siens, celles et ceux de son camp ou de son clan politique, culturel ou idéologique, mais pour tous les habitants de ce pays, quels qu’ils soient, avec une attention particulière pour les plus faibles et les plus démunis, comme le rappelle notre constitution en son préambule : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ».
Là est l’enjeu d’une société plus humaine, et donc plus chrétienne, dans l’esprit de l’évangile de ce jour. Car il nous rappelle tout ce que nous avons reçu, il nous incite ensuite à le faire fructifier au service des autres, chacun selon ses capacités. Et il nous promet ce bonheur-là : « Très bien, serviteur bon et fidèle. Tu as été fidèle en peu de choses. Je t’en confierai beaucoup. Entre dans la joie de ton maître. »


Claude Ducarroz

mardi 8 novembre 2011

Une homélie de mariage

Une homélie de mariage


Une tente de nomade.
Une maison construite sur le roc.
Et un autel bâti à Jahvé.

Il faut tout cela pour symboliser la vie.
Il faut tout cela pour réussir l'amour.

I. Notre vie est un voyage. Pour cela, une tente suffit, celle qui permet d'aller de campement en campement, comme Abraham "vers le pays que je t'indiquerai", dit Dieu.

"Quitte ton pays… Et Abraham partit. Ils se mirent en route pour le pays de Canaan… et ils y arrivèrent."

Il y a du Canaan, la terre promise, dans l'aventure de vos vies et de votre amour.
Deux voyages qui aboutissent à une rencontre.

Partis de loin, très loin, vous avez fait une longue route à la rencontre l'un de l'autre, pour transformer vos différences en attraction, puis en dialogue, enfin en amour.

Quel beau voyage que celui de la découverte réciproque, celui de l'apprivoisement respectueux, celui de la mise en alliance progressive, jusqu'à cette terre promise que vous êtes devenus l'un pour l'autre,
-promise, aujourd'hui donnée pour toujours-.
Vous voilà arrivés l'un chez l'autre, tendrement attachés l'un à l'autre par l'amours des cœurs, par la joie des corps, par le bonheur d'être des cadeaux réciproques, de toutes vos personnalités riches et partagées.

II. Et maintenant, sans quitter tout à fait les grisantes surprises des aventures amoureuses - sur les îles enchanteresses et sur les monts alpins – vous avez décidé de bâtir une maison commune, votre foyer. Construire du solide, du résistant aux tempêtes et aux torrents. Noble ambition, car vous êtes favorables à votre "développement durable". Difficile à réussir, vous le savez bien, dans le contexte de notre société.

C'est pourquoi vous avez raison de construire sur le roc et non pas sur le sable… même si les plages ont quelque chose de fascinant et de magique.

Vous avez choisi – et je vous en félicite – le rocher plus alpin d'un amour fidèle, exigeant, profond. Je pense à votre mariage encore tout jeune et beau.
Je pense aussi à celui de vos parents qui vous ont montré le chemin avec leur amour, sans vous forcer, mais en vous donnant le désir de miser sur des valeurs robustes parce que enracinées très profond. Merci à vos parents !

Les temps peuvent changer, comme la météo. Ce sont les profondeurs indestructibles des valeurs sûres qui permettront au bateau de votre couple de parcourir toute la traversée de vos vies, sans dévier du cap de l'amour vraiment humain, sans cesser de vous conduire ensemble vers le port divin.

III. La tente nomade, plus la maison sur le roc: c'est romantique et c'est solide à la fois. Mais ce n'est pas suffisant. Ne ratez surtout pas le geste d'Abraham qui bâtit un autel à Jahvé en plein voyage d'aventures vers le pays de Canaan.
Car il est bien dit dans le livre de la Genèse: " Là où Abraham dressa sa tente, là il bâtit un autel et invoqua le nom du Seigneur".

C'est tout le sens de ce sacrement, ce que nous sommes en train de vivre, dans cette chapelle qui invite encore au voyage.

Avec vous, dans une belle communauté de foi, avec la variété multicolore de nos Églises, nous bâtissons une chapelle, nous dressons un autel, nous accueillons un hôte qui est votre meilleur ami, l'ami de votre amour, le feu au cœur de votre foyer.

Il est là au milieu de nous, il veut surtout demeurer avec vous, par sa Parole à écouter, par vos prières à lui adresser, par vos silences remplis de sa présence, sans oublier la table d'une possible eucharistie. En somme, tout pour la communion !

Il sera là aussi, le moment venu, dans le cœur battant de vos enfants, créés à votre image, et à l'image de Dieu, images réunies dans un seul et même visage, merveilleux et tellement mystérieux.

Je vous souhaite d'inviter chaque jour le Seigneur dans la barque de votre aventure amoureuse comme dans le foyer lumineux et chaleureux de votre maison.

Avec lui, les plaisirs deviennent des joies, les espoirs des espérances, les amours minuscules de l'Amour majuscule, et vos succès… du bonheur.
• Ce bonheur que nous vous souhaitons de tout notre cœur,
• Ce bonheur que vous vous donnez et donnerez l'un à l'autre, et plus largement autour de vous,
• Ce bonheur que Dieu lui-même accorde aux passionnés du bel amour, parce qu'il est lui-même Amour

Bon voyage vers ce "cap heureux!"
Claude Ducarroz

lundi 17 octobre 2011

50 ans du Colloque européen des paroisses

Homélie 50 ans CEP
Lausanne 16 octobre 2011

Europe, comment vas-tu ?
Pour avoir une réponse crédible, il faudrait interroger les divers représentants des 12 pays d’Europe ici présents. J’hésite à poser la question à mes compatriotes suisses puisqu’ils souhaitent plutôt se tenir à l’écart de la dynamique européenne, comme on le remarque une fois de plus à l’occasion de la campagne électorale qui bat son plein chez nous actuellement.
Mais je devine que la réponse à la question, ici et ailleurs, doit être à peu près la même : l’Europe va mal pour les plus pessimistes, elle ne va pas très bien pour les plus réalistes et elle pourrait aller mieux pour les plus optimistes.
En 1957, par le traité de Rome, des hommes politiques européens –des visionnaires, des prophètes- ont lancé les bases de ce qui est devenu aujourd’hui l’Union européenne. On peut lui trouver beaucoup de défauts, on peut regretter ses lenteurs ou ses hésitations. N’empêche qu’elle a changé complètement le cours de l’histoire de notre continent. Après en avoir fait un espace de paix solide là où des guerres opposaient régulièrement et tragiquement nos peuples, elle a pu offrir aux nations qui avaient subi une longue oppression communiste un accueil fraternel qui renforçât à la fois la concorde, la prospérité et la solidarité entre nos populations, désormais unies par un même destin communautaire.

Et l’Europe des Eglises, me direz-vous ? L’Europe de notre Eglise ?
En 1961 déjà, soit 4 ans seulement après le traité de Rome et un an avant l’ouverture du Concile Vatican II, des visionnaires et des prophètes ont aussi surgi dans la constellation des paroisses pour lancer une initiative de rencontres, de créativité pastorale et d’encouragements fraternels au niveau de notre continent.
50 ans plus tard, dans la cité de Lausanne qui hébergea sa première réunion grâce à l’hospitalité de l’abbé François Butty, le Colloque européen des paroisses tient à faire mémoire de cette heureuse fondation.
Quelques curés de grandes paroisses s’étaient demandé, en effet, comment les paroisses pourraient mieux se soutenir mutuellement dans les différents pays européens. Ils adressèrent une lettre à de nombreux évêques pour manifester leur préoccupation. Un seul leur répondit : le cardinal Franz König, de Vienne, lequel encouragea vivement l’abbé Francis Conan, un curé de Paris, à provoquer une rencontre de curés ayant pour but « de partager des expériences et des idées de manière à collaborer à la construction d’une communauté de peuples européens ». Des curés seulement au départ –ils furent 60 provenant de 7 pays lors de la première rencontre en 1961-, puis d’autres prêtres en paroisse et enfin, dès 1973, l’accueil de laïcs toujours plus nombreux dans le cercle fraternel du Colloque européen des paroisses.
C’est ainsi que les paroisses catholiques de notre Europe battirent au sprint leurs évêques puisque ceux-ci se structurèrent seulement en 1965, avec une première rencontre du Conseil des conférences épiscopales en 1967.

Il faut d’abord rendre hommage à nos vaillants fondateurs. Ils ont eu l’audace et la foi de semer ainsi -dans le terreau de notre Europe en pleine reconstruction après une guerre fratricide et dans un contexte de tragique division jusqu’en 1989- des semences de partages féconds au service de l’Eglise, dans l’esprit de l’Evangile, à la suite du concile Vatican II, en étant attentifs aux signes des temps.
Je tiens simplement à citer les diverses villes qui ont accueilli les Colloques au cours de ces 50 ans, afin de repasser devant nos yeux reconnaissants les animateurs et les communautés qui ont contribué à faire vivre le CEP sur la durée :
Lausanne, Wien, Köln, Barcelona, Torino, Strasbourg, Heerlen, Lisboa, Namur, Marseille, Assisi, Ludwigshafen, Tarragona, Seggau, Fatima, Leuwen, Besançon, Prague, Udine, London, Girona, Fribourg, Erfurt, Porto, Mons, Nyiregyhaza.

Voilà pour le passé. Nous n’allons pas céder à la nostalgie. C’est l’avenir qui nous donne rendez-vous, ou plutôt le Seigneur Jésus, lui qui est, qui était et qui vient, dans son Eglise et au cœur de l’humanité.
Les textes liturgiques de ce dimanche nous invitent à renouveler notre engagement dans la mission confiée à nous tous par le Seigneur, d’autant plus que nous célébrerons l’année prochaine les 50 ans du Concile Vatican II dont nous voulons continuer d’être les fidèles serviteurs et servantes en nos temps très troublés.
Pour faire bref, que nous rappelle l’apôtre Paul, un grand européen, qui inaugura le Nouveau Testament en écrivant sa première lettre aux chrétiens de Thessalonique depuis sa résidence missionnaire de Corinthe en automne de l’an 50.

+ Qu’il nous faut œuvrer en communauté, en équipe dans l’Eglise de Dieu : « Nous, Paul, Sylvain et Timothée… ». Donc évêques, prêtres, diacres, religieux et laïcs tous ensemble !
+ Qu’il nous faut sans cesse rendre grâces dans nos prières à cause des merveilles que le Seigneur continue d’accomplir, avec nous et parfois malgré nous, dans son Eglise, dans toutes les Eglises et dans ce monde.
+ Que « la foi active, la charité qui se donne de la peine et l’espérance qui tient bon » doivent nous inspirer et nous stimuler sans cesse, surtout en ces temps d’interrogation, d’épreuves ou de crise. Là est le terrain solide dans lequel Dieu veut toujours enraciner nos vies, nos activités et notre être ecclésial.
+ Que l’annonce de l’évangile, en Europe aujourd’hui, ne doit pas être une collection de belles paroles, mais « puissance, action de l’Esprit Saint et certitude absolue ». Voilà qui a de quoi dynamiser nos liturgies, nos services et nos charismes, tout en transfigurant nos structures en pleine recomposition. Elles ne peuvent être qu’au service de l’évangélisation !
+ Que notre condition de « petit troupeau » ne doit ni nous effrayer ni nous décourager puisque le Seigneur, selon ce qui est dit dans le livre d’Isaïe, a même consacré le roi Cyrus « en l’appelant par son nom et en le prenant par la main ». Or il était un païen qui ne connaissait pas le vrai Dieu.
+ Parce que nous croyons que l’effigie du Dieu d’amour est imprimée sur le visage de tout être humain créé à son image, encore davantage que celle de César sur la pièce d’argent présentée à Jésus.
A nous de respecter cette dignité et de révéler autour de nous à la fois la beauté et les exigences de cette grâce d’origine, à travers nos engagements d’Eglise œcuménique et dans nos combats pacifiques pour la justice, la solidarité et la paix chez nous et jusqu’au bout du monde.

Bon anniversaire, cher Colloque européen des paroisses et longue vie à nos communautés chrétiennes au service de l’Evangile en Eglise et pour toute l’humanité !
Claude Ducarroz

mardi 11 octobre 2011

Une homélie de mariage

Une homélie de mariage

On s’aime… et on sème !
Si j’ai bien compris le message que vous nous donnez par le choix des lectures de votre mariage.
On s’aime… et on sème ! Tout est dans l’orthographe.

On s’aime… vous vous aimez… c’est la moindre des choses quand on se marie.
Aujourd’hui, on se marie par amour, par choix d’amour réciproque !

Vous vous aimez tellement fort que vous vous mariez…
Nous en sommes tous très heureux - vos parents, vos familles, vos amis… et même le prêtre célibataire que je suis. Merci pour votre bel amour.
Vous le partagez avec nous dans une église, ce qui est de plus en plus rare… et plutôt original, voire de plus en plus exotique.

Qu’est-ce à dire ?

Vous aimez, vous vous aimez parce vous avez d’abord été aimés.
Il y a une source à votre amour, c’est une façon de le reconnaître aujourd’hui.
Il y a évidemment l’amour de vos parents à qui vous redites merci.

Mais il y a aussi l’Amour majuscule, celui qui s’appelle Amour, celui qui est l’Amour.

Par la vie, il vous a faits à son image après vous avoir rêvés éternellement. Par votre amour, il vous a destinés l’un à l’autre depuis toujours.

Aujourd’hui, devant vous, il vous donne en cadeau l’un pour l’autre, il vous consacre l’un à l’autre avec la puissance de son amour. Ce don, sachez-le, il ne le reprendra jamais. Il ne peut vous aimer désormais qu’ensemble, unis, donnés et redonnés,
par vos corps,
par vos cœurs,
par vos esprits,
par toutes vos personnalités.

Bien sûr, vous restez différents, mais vous aimez la joie – vous l’avez déjà, n’est-ce pas ? – de vivre ces différences comme des richesses qu’on additionne et qu’on multiplie, comme en Dieu lui-même, par le mystère trinitaire.

Et c’est là qu’intervient l’autre verbe, celui de l’Evangile : le semeur est sorti pour semer.

Votre projet, votre avenir, votre bonheur, ici-bas et jusque dans l’éternité.
Celui qui a semé en vous son amour et sa joie, veut demeurer en vous et auprès de vous pour que vous prolongiez les divines semailles.
- Semences du bonheur que vous vous donnerez l’un à l’autre, et toujours d’avantage.
- Semailles des enfants qui seront votre plus belle moisson puisqu’ils seront en même temps, dans le même visage, dans le même regard, à votre image et à celle de Dieu.
- Semailles de vos engagements dans la société, par le travail, mais aussi par vos relations d’amitié, vos engagements sociaux et culturels.

Beau programme pour une vie que nous vous souhaitons heureuse parce que vous ferez des heureux.

Que du bonheur, me direz-vous, oui, mais encore faut-il qu’il soit durable, comme on aime à le dire aujourd’hui.

Durer en amour, avec du bonheur à la clef : c’est un grand défi, surtout de nos jours.
Je crois que c’est possible si vous acceptez la proposition du Christ, le premier ami de votre amour, et donc de votre bonheur.

C’est lui le semeur, vous êtes son terrain, imparfait certes, mais rempli de promesses fécondes.
- Il veut semer en vous des paroles qui éclairent et réconfortent : l’Evangile.
- Il veut vous nourrir de l’Eucharistie, le pain vivant qui fait vivre, en particulier les couples et les familles.
- Il veut inspirer vos prières, vos pardons, vos étreintes et vos sacrifices : ne l’oubliez jamais, celui qui jamais ne vous oubliera. C’est encore lui qui vous répète avec l’apôtre Paul : Soyez toujours dans la joie du Seigneur, gage de la nôtre.

Claude Ducarroz

dimanche 9 octobre 2011

Homélie des Céciliennes

Homélie Céciliennes
Dompierre 9 octobre 2011

Bon appétit !
Vous l’avez entendu : « Le Seigneur préparera pour tous les peuples un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés ».
Qu’en pensez-vous ? Ca ne vous met pas l’eau à la bouche ?
Bon appétit ! On devrait même ajouter « santé ! » puisqu’il y a d’excellents vins au menu du Seigneur de l’univers.
Et qu’est-ce qu’on fête avec tant de saveurs et de générosité dans le manger et le boire ? Un voile de deuil enlevé, un linceul ôté, des larmes essuyées sur tous les visages. En un mot : le salut de Dieu offert à tous les peuples. D’où cette pressante invitation : « Exultons et réjouissons-nous » qui incite à la fête et au festin, ce qui ne va jamais sans de la musique et des chants, comme l’affirment de nombreux psaumes de la Bible.
Nous avons, aujourd’hui encore, bien des raisons de nous réjouir ainsi. Car le salut de Dieu s’est manifesté pleinement et définitivement en Jésus-Christ. Et nous nous souvenons, ou plutôt nous célébrons une mémoire vive et vivante. « Nous rappelons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ». C’est une joie toujours actuelle, la joie d’être sauvés, la joie pascale, en attendant le bonheur total de la gloire auprès du Christ ressuscité dans la maison du Père.
Vous l’aurez reconnue : c’est la joie de chaque messe puisque là, donc maintenant, la mort de Jésus est commémorée, sa Pâque nous est toujours offerte en personne et son retour fait l’objet d’une promesse qui change et notre vie et notre mort.
Les exilés d’Israël rentraient chez eux tout heureux, dans la musique et les chants. A plus forte raison, les chrétiens doivent-ils rencontrer leur Sauveur tout joyeux quand ils participent au repas de sa noce avec nous.
Il faut donc que nos eucharisties –et surtout celles du dimanche, le jour pascal par excellence- soient des liturgies festives, rayonnantes, contagieuses de l’esprit d’allégresse. L’Eglise nous y invite, le concile Vatican II nous le demande.
Et c’est là que nous vous retrouvons, chères chanteuses, chers chanteurs, chers musiciens d’Eglise.
Sans doute, c’est tout le peuple de Dieu, c’est toute l’assemblée des croyants qui doit avoir l’âme en fête en chantant sa foi au Christ présent au milieu de nous à chaque messe.
Sans doute, le chant et la musique ne doivent pas devenir le monopole de quelques uns, car tous les invités doivent pouvoir exprimer leur joie au repas des noces de l’Agneau pascal.
Mais il est bon, et même nécessaire, qu’une chorale et des musiciens se mettent au service de la foi et de la joie de toute l’Eglise, soit en chantant eux-mêmes pour donner le ton de la fête à tous, soit en soutenant les chants de l’assemblée afin que se marient piété et beauté dans l’ambiance de la liturgie.
Ainsi, grâce à vous, le festin de l’eucharistie est enrichi par un menu de belles mélodies et de textes poétiques qui constituent comme un deuxième repas esthétique dans le repas mystique. Vous revêtez nos célébrations d’une robe de beauté ou, si vous préférez, vous ajoutez un dessert de culture musicale au banquet savoureux préparé par Jésus, lui qui veut régaler ses amis par sa présence donnée en nourriture de vie éternelle.
Comme dans l’évangile de ce jour, à chaque messe, le Seigneur nous dit : « Voilà, mon repas est prêt ! Tout est prêt. Venez au repas des noces. » Vous les chanteuses et chanteurs, vous devez – ou vous devriez- être les premiers à répondre à cette invitation d’amour, de toute votre foi, de toute votre joie, y compris avec des chants.
Vous l’avez entendu : il y a aussi dans la parabole des invités au festin un passage de tristesse, celle que le maître éprouve quand il voit tant d’invités trouver des excuses pour ne pas venir. Où êtes-vous dans cette histoire ? Je l’espère : parmi ses serviteurs que le maître envoie sur les routes en leur disant : « Allez aux croisées des chemins, tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce, afin que la salle soit remplie. » Et j’ajouterai : « Venez avec eux, régalez nos assemblées par la beauté de vos chants et de vos musiques, montrez-leur vous-mêmes combien il y a du bonheur à croire, à fêter Dieu, à faire Eglise dans nos églises.
Aujourd’hui, je le vois et je m’en réjouis, la salle des noces est remplie, et les convives, c’est vous. Demain, ça peut être aussi grâce à vous.
Merci d’être là, merci de persévérer dans votre beau service malgré les difficultés du moment. Merci d’augmenter en nous l’appétit de la Parole de Dieu, la saveur de l’eucharistie, le bonheur d’être une Eglise qui prie dans la joie.
Et d’abord bon appétit et santé à vous !

Claude Ducarroz

dimanche 2 octobre 2011

Homélie à la télévision romande 02.10.11.

Homélie
TSR 2 octobre 2011

Temps variable. Alternances d’éclaircies et d’averses. Orages probables, puis retour du soleil.

C’est un peu la météo des textes bibliques que vous venez d’entendre, avec cette sorte d’oscillation entre les bonnes et les mauvaises nouvelles, notamment autour de cette vigne, terrain de toutes les espérances, lieu de tous les drames, jusqu’au sang versé. Ce serait un mauvais feuilleton s’il n’y avait, à la fin de l’évangile, « une œuvre du Seigneur, merveille sous nos yeux ». Autrement dit la résurrection de Jésus après les allusions évidentes à sa passion et à sa mort. Entre les lignes de ces paraboles, vous aurez sûrement reconnu l’histoire mouvementée du peuple de Dieu, l’entrée des païens dans l’Eglise, l’écho des premières communautés chrétiennes en train de vivre un véritable accouchement : recueillir le lien avec Israël, mais aussi assumer une certaine rupture par fidélité à l’Evangile destiné à tous les peuples.

Membres de l’Eglise, plus ou moins pratiquants, nous pourrions nous estimer à l’abri de tout malheur du moment que nous sommes le nouveau peuple de Dieu, issu de Pâques et de la Pentecôte.
Nous savons bien par expérience qu’il n’en est rien.
C’est vrai : tout a été acquis, pour nous et pour toute l’humanité, dans le geste d’amour de Jésus sur la croix, là où il nous a sauvés en offrant sa vie pour nous, pour tous. Et nous sommes à la fois les enfants et les frères et sœurs de sa résurrection.
Merci, Seigneur !

Mais en même temps l’histoire de la communauté humaine, comme le cheminement de l’Eglise --et même nos existences personnelles- avancent au rythme de Jésus. Il y a ces passages inévitables par la passion- les malades, les éprouvés de toutes sortes qui nous regardent maintenant le savent mieux que les autres-. Il y aura pour chacun de nous ce rendez-vous de la mort qui suscite interrogation ou angoisse. Et il y aura -nous en avons la promesse et déjà les signes avant-coureurs- l’arrivée dans le monde de la vie éternelle auprès de Dieu avec Jésus dans la communion des saints.

L’Eglise est toujours en semaine sainte, comme Jésus, avec Jésus.
Elle partage l’eucharistie, Parole et Pain pour la route. Elle imite Jésus dans le lavement des pieds à travers les innombrables initiatives d’entraide, de visites, d’engagements pour soulager ceux qui souffrent et améliorer la société.
L’Eglise est toujours avec Marie et Jean au pied de toutes les croix, grâce à tant de bénévoles. Non seulement, ils recueillent le sang et l’eau qui coulent du côté du Christ à travers les sacrements et la liturgie, mais ils vont aussi irriguer le champ de l’humanité par leurs multiples dévouements au service des autres, proches ou lointains. Oui, merci à tous ces bénévoles, dans et autour de nos communautés chrétiennes, ces abeilles de l’Evangile, ces fourmis de la charité, actives mais aussi priantes, et surtout généreuses et désintéressées.
Ils sont cette Eglise qui avance au pas de Jésus, de sa croix et de sa Pâque.

Un homme, un prêtre, un musicien a su décrire cela dans un chant très connu, mais dont il faut mesurer la profondeur. C’est l’abbé Joseph Bovet. Dans le contexte culturel de nos Alpes, il a traduit en poème et en musique le mystère d’une résurrection qui surgit de la mort, en nous faisant passer de la tristesse d’une perte à la beauté d’une joie nouvelle. Le Vieux Chalet a été composé il y a exactement 100 ans, en 1911. Je trouve qu’il peut avoir sa place dans cette célébration eucharistique, si nous lui donnons toute sa signification pascale.
Chez vous, peut-être à l’hôpital ou dans un home, je suis sûr que vous serez nombreux à chanter avec nous le chalet de nos vies en route vers la nouveauté de Pâques.
Beau temps dans nos cœurs !

Claude Ducarroz