Homélie
Rose d’argent pour Mgr Antonio Mennini
Avant d’entrer dans notre cathédrale, sous le porche sculpté, vous avez peut-être levé les yeux vers le Christ en majesté, assis sur son trône surmonté d’un baldaquin. Sa tête est auréolée de rayons dorés, mais il a conservé la couronne d’épines. Pour faire mémoire de sa passion tandis qu’il jouit de sa gloire. Mais aussi pour nous redire que la vie de l’Eglise, représentée à ses pieds par Marie et Jean-Baptiste en prière, est rythmée par le mystère pascal, avec les deux faces inséparables de sa destinée en ce monde, dans l’espérance de prendre place un jour, « près de moi sur mon trône », dit précisément le Jésus de l’Apocalypse.
Cher Monseigneur Mennini, par l’octroi de la Rose d’argent, vous recevez en quelque sorte quelques rayons de gloire à ajouter sur votre mitre épiscopale, et surtout à inscrire dans votre cœur de pasteur. Ils sont comme les pétales de rose de notre reconnaissance pour l’œuvre remarquable que vous avez déployée au service de la cause œcuménique, que ce soit jadis en Turquie, en Bulgarie et surtout en Russie, ou aujourd’hui encore dans le Royaume Uni. Mais vous le savez comme nous : les roses, même en argent, ont aussi des épines, à l’instar de la couronne du Christ qui nous accueille à l’entrée de cette cathédrale.
Travailler pour la pleine réconciliation des chrétiens et des Eglises -la recomposition de l’unité, comme le disait le concile Vatican II- commence par la souffrance de nous savoir encore trop désunis, malgré les heureux progrès des divers rapprochements auxquels vous avez contribué. Le pèlerinage vers « l’unité parfaite », pour reprendre les mots même de Jésus dans sa prière sacerdotale, doit passer par la douleur de constater que l’autre –les autres- nous manquent encore.
Oui, il y a encore trop de fausses notes dans le concert symphonique de la communion voulue par le Christ à l’image de l’harmonie trinitaire qui réconcilie sans cesse, dans l’abîme adorable de ses profondeurs, la diversité des personnes et l’unité de leur nature.
Mais heureusement, le chemin du dialogue œcuménique tous azimuts, est aussi parsemé de roses épanouies, quand des évêques dialoguent fraternellement, quand des théologiens -que ce soit dans nos universités et instituts ou au Groupe des Dombes- balisent les humbles sentiers des rapprochements doctrinaux, au point d’aboutir finalement, par exemple, à l’accord sur la justification par la foi entre l’Eglise catholique et la Fédération luthérienne mondiale.
Mais nous ressentons le piquant des épines quand des dialogues ralentissent ou s’enlisent, voire s’interrompent, sur la route qui devrait nous rassembler dans l’unique maison de famille, là où il fait bon vivre ensemble, tous au chaud dans le cœur de Dieu.
Alors notre prière redouble, faite d’espérance et de peines, de roses et d’épines, quand avec le psaume 122 nous chantons, 50 ans après le début du concile Vatican II qui voulut tellement réconcilier les chrétiens dans l’unité : « Quelle joie quand on m’a dit : nous irons à la maison du Seigneur… oui, vers la Jérusalem de l’Eglise une et unie…, ville vers laquelle montent les tribus du Seigneur… ville où tout ensemble ne fait qu’un. »
Nous avons appris, y compris à cause de nos infidélités, mais aussi par la joie de nous retrouver frères et sœurs toujours plus unis, qu’il nous faut être davantage à l’écoute de celui qui frappe toujours plus fort à nos portes encore trop fermées, qu’il nous faut enfin entendre ce que l’Esprit dit aux Eglises, à nos Eglises. Dans sa patience et dans son impatience, le Sauveur nous montre aussi la table où il veut nous voir partager tous ensemble son repas avec lui.
Voilà ce qu’il vient de nous redire. C’est ce que le Seigneur veut, c’est pour cela qu’il a prié à la veille de sa mort (« Que tous soient un en nous afin que le monde croie ! » Jn 17,21). C’est pour cette cause sacrée et bénie qu’il a donné sa vie sur la croix, oui, « pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » Jn 11,52. C’est toujours pour réaliser ce rêve divin que le Seigneur ressuscité a envoyé son Esprit sur son Eglise à la fois apostolique, fraternelle et mariale, lorsque les apôtres se trouvaient réunis au Cénacle, « tous d’un même cœur, assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » Ac 1,14.
Et là, nous nous retrouvons devant le portail de notre cathédrale. Quand Jésus nous montre sa gloire, mais aussi sa couronne d’épines et les marques de ses plaies, il y a à ses pieds, à genoux en prière, Marie, figure et mère de l’Eglise, et aussi Jean-Baptiste le précurseur. Dans notre laborieux voyage vers l’unité, par de multiples conversions et dans une communion ecclésiale en voie de développement, il y a tant de priants avec Marie et tant de précurseurs comme Jean-Baptiste. Des priants de toutes les Eglises et des précurseurs dans toutes les confessions, des priants de persévérance obstinée et des précurseurs aux audaces prophétiques.
Ce soir, en disant merci à l’un d’entre eux, nous voulons rendre grâces pour tous les autres, dans le passé et aujourd’hui encore, afin que se réalise enfin, par la Parole méditée, dans l’amour contagieux et jusqu’à l’eucharistie partagée, cette brûlante prière de Jésus lui-même : « Qu’ils soient parfaitement un… pour que le monde sache que je les ai aimés comme tu m’as aimé. » Jn 17,23. Claude Ducarroz
mercredi 9 mai 2012
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