Homélie de la Pentecôte 2012
Il est retourné chez son père, il échappe à nos regards, on ne l’entend plus : que reste-t-il de Jésus de Nazareth ?
La question n’est pas seulement posée par des esprits non religieux, par des philosophes agnostiques ou par des militants de l’athéisme.
Jésus lui-même a suscité ce questionnement. D’une part il nous dit qu’il vaut mieux pour nous qu’il s’en aille (Jn 16,7) et d’autre part qu’il ne nous laisse pas orphelins. (Jn 14,18).
La réponse n’est pas théorique, mais personnelle. C’est quelqu’un : le Saint Esprit. Avec un énorme travail : « Quand viendra le Défenseur que je vous enverrai d’auprès du Père, il rendra témoignage en ma faveur…, il vous guidera vers la vérité tout entière…, il vous fera connaître ce qui va venir…, il me glorifiera. » Vaste programme !
Il faut donc le dire et le redire : sans l’envoi et sans l’accueil du Saint Esprit, Jésus serait devenu certes un grand personnage de l’histoire humaine, comme il y en a bien d’autres, mais pas le créateur d’une religion qui rassemble encore aujourd’hui des milliards d’êtres humains dans la foi, l’espérance et l’amour. Le Saint Esprit, si c’est permis d’être un peu trivial, c’est le service après-vente du mystère pascal, c’est l’actualité toujours neuve du Christ ressuscité, c’est le souffle qui donne vie à l’évangile, c’est le vent qui gonfle encore les voiles de la barque-Eglise.
Peut-être allez-vous me dire : mais il y a la parole biblique, il y a les sacrements, il y a surtout l’eucharistie.
Eh ! bien justement.
Jésus n’a rien écrit. Il n’a pas laissé une œuvre de bibliothèque comme, par exemple, les grands philosophes grecs. Si nous pouvons cependant retrouver son message, en paroles et en actes, grâce à ses premiers témoins, c’est que l’Esprit Saint vibre dans ces pages apostoliques. C’est lui qui a inspiré les écrivains sacrés, comme c’est encore lui qui ré-écrit ces Ecritures saintes dans nos cœurs par la foi. Jésus lui-même a dit : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie » (Jn 6,63). Au point que l’apôtre Paul pouvait écrire aux Corinthiens : « Vous êtes vraiment une lettre du Christ confiée à notre ministère, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur vos cœurs. » (II Co 3,3).
Quant aux sacrements, parlons-en ! Aucun d’entre eux n’est célébré sans qu’il y ait une invocation de l’Esprit. Chacun sait que nous sommes baptisés « dans l’eau et l’Esprit Saint. » En donnant aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés au soir de Pâques, Jésus a d’abord soufflé sur eux en disant : « Recevez le Saint Esprit. » (Jn 20,22).
Si vous écoutez bien la prière eucharistique au cœur de chaque messe, vous remarquerez que le Saint Esprit est chaque fois invoqué sur le pain et le vin et sur toute l’assemblée afin que se réalise pour nous la présence de Jésus ressuscité. D’ailleurs tous les ministères dans l’Eglise, qu’ils soient ordonnés ou non, sont des œuvres de l’Esprit, ce que l’apôtre Paul rappelait aux chrétiens de Corinthe : Il y a diversité de ministères, mais c’est le seul et même Esprit qui les produit, distribuant ses dons à chacun en particulier en vue du bien commun.
L’Eglise, avec les pauvres pécheurs que nous sommes, ne tiendrait pas un instant dans le monde sans cette Pentecôte permanente qui la suscite, l’anime, la purifie, la relance en mission, comme ce fut particulièrement visible il y a 50 ans avec le bon pape Jean XXIII et le concile Vatican II.
Enfin le Saint Esprit déborde heureusement les frontières de l’Eglise et du christianisme. Jésus nous avait avertis : « Le vent souffle où il veut… Tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » (Jn 3,8).
Quand nous prions, c’est lui qui prie en nous. Quand nous faisons le bien, c’est lui qui agit en nous, car voici ce que produit l’Esprit –et cela en tout homme de bonne volonté- : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi », comme vient de le rappeler l’apôtre Paul, qui ajoute : « Puisque l’Esprit nous fait vivre, laissons-nous conduire par l’Esprit. » (Gal 5,25).
Frères et sœurs, si nous sommes les enfants de la Pâque de Jésus, nous sommes aussi les héritiers de la Pentecôte de l’Esprit. Jésus et l’Esprit, ce sont les deux mains du Père par lesquelles il nous tient, nous guide, nous rassure, nous ramène, nous indique sans cesse l’issue de notre pèlerinage. Que serions-nous, que ferions-nous sans l’Esprit du Père et du Fils ? C’est pourquoi notre vie est appelée à devenir de plus en plus spirituelle.
La vie spirituelle, ce n’est pas tourner le blanc des yeux en regardant le ciel dans une extase. C’est prendre conscience que nous sommes habités par l’Esprit, notre hôte intérieur. C’est le rejoindre dans la prière silencieuse ou liturgique, c’est l’écouter dans la méditation de la parole de Dieu, c’est se laisser conduire par ses inspirations discrètes, c’est capter avec gratitude le courage que nous donnent ses énergies dans un monde où il s’agit de témoigner vaillamment pour la beauté et la vérité de l’Evangile.
Il y a des grands spirituels –je veux dire des « possédés » par le Saint Esprit- partout, dans tous les milieux, dans toutes les vocations, dans toutes les activités. Personne n’a le monopole de l’Esprit, personne ne peut le revendiquer pour lui tout seul –même pas l’Eglise-, personne ne peut le confisquer. Le prophète Joël le disait déjà, et saint Pierre le rappela le jour même de Pentecôte : « Je répandrai mon Esprit sur toute créature… vos fils et vos filles deviendront prophètes… vos jeunes gens auront des visions…Même sur les serviteurs et les servantes, je répandrai mon Esprit en ces jours-là. » (Ac 2,17-18).
Attention ! La Pentecôte est une fête redoutable. Vous pouvez repartir prophètes, visionnaires, apôtres. En un mot : chrétiens !
Claude Ducarroz
samedi 26 mai 2012
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