samedi 2 juin 2012

Homélie pour le dimanche de la Trinité

Homélie
Fête de la Sainte Trinité

« Au nom de Dieu clément et miséricordieux. Dis : Dieu est un. C’est le Dieu éternel. Il n’a point enfanté et n’a point été enfanté. Il n’a point d’égal. »

Peut-être avez-vous reconnu les 4 versets de la sourate 112 du Coran, le livre saint de l’islam. Vous aurez perçu dans cette citation l’attestation que Dieu est unique, mais aussi une pointe polémique contre le Dieu des chrétiens, la Sainte Trinité.
Le respect que nous devons à l’islam –qui est une grande religion- et aux musulmans – qui sont nos frères et sœurs en humanité- ne doit pas nous empêcher d’affirmer notre différence, à savoir notre foi en Dieu-Amour, un seul Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Parce que Dieu –l’unique, le parfait, l’infini- est Amour, rien qu’Amour, nous croyons qu’il est un mystère de communion dans lequel le Père-Source, le Fils-Verbe et l’Esprit-Saint sont en relation de partage éternel de leur commune divinité. Dieu est donc rencontre et échange. Dieu est une merveilleuse famille, de tout son triple cœur formant un seul amour, dans la joie d’une gloire totalement offerte et reçue entre les ineffables pôles de leurs personnalités.

Bien sûr, il faut l’ajouter aussitôt : nous serons toujours des balbutiants devant le mystère de la Sainte Trinité, tel que Jésus nous l’a révélé. Plus encore : démontré. Même les plus fervents mystiques et les plus audacieux théologiens nous disent combien ce mystère, au fur et à mesure qu’ils y pénètrent, les dépasse de plus en plus, tellement nous ne pouvons que le deviner de loin et l’adorer très humblement, comme des bébés émerveillés par le visage de leurs parents.
A la façon de Moïse devant le buisson ardent, nous ne serons toujours que de pauvres explorateurs qui marchent en tremblant à l’orée de Dieu, en attendant le face à face promis par notre frère aîné Jésus-Christ.

Ceci étant dit, et en gardant toujours à notre esprit l’image indicible de la majesté divine, il ne faudrait surtout pas réduire le mystère de la Trinité à un rébus théologique, une mathématique subliminale, une énigme réservé à des supercroyants. Le mystère de la Trinité, puisque nous sommes créés à l’image de Dieu, de ce Dieu-là, imprègne concrètement toute notre vie, notre être et notre faire.

Oui, nous pouvons, dans la foi, en reconnaître les traces vives dans notre existence la plus concrète, et même la plus banale. Pour le dire brièvement : là où il y a de l’amour vrai, il y a un indice trinitaire. A nous de le repérer, de l’identifier, de nous en réjouir, jusqu’à la louange à la divine majesté.

Pour exister déjà -ou pour faire exister-, il faut l’amour de deux êtres qui en produisent un troisième, différent, même s’il est aussi à leur image reflétée. Quand la bible nous dit, dès les origines, que nous sommes créés à la ressemblance de Dieu par la communion de l’homme et de la femme ouverts sur l’enfant, nous nageons sans le savoir dans le mystère trinitaire appliqué à l’humanité. On comprend dès lors que l’amour et la sexualité, quand ils s’unissent dans un merveilleux projet procréateur, deviennent des instruments de la Trinité au cœur de l’histoire humaine en marche. C’est l’origine du mariage comme sacrement.

Ce qui vaut pour la plus petite cellule humaine vaut aussi pour un projet plus vaste, à hauteur de la société. La qualité des relations entre les personnes, entre les peuples, entre les nations chante – ou trahit- le rêve trinitaire sur nous comme unique peuple aimé de son créateur.

Tout ce qui rassemble, ce qui réconcilie, ce qui met de la fraternité dans les rouages complexes de la société, exhale un parfum de Trinité. Chaque fois que nous luttons pour harmoniser l’exigence d’unité avec le respect de la diversité en vue d’une meilleure fécondité, que ce soit par l’économie, la politique, la culture ou l’écologie, c’est du trinitaire qui grandit en ce monde, pour la joie de Dieu et notre bonheur.

Que dire alors de l’Eglise, qui doit être l’échantillon réussi de l’humanité rêvée par le Dieu-Amour ? En disant à ses disciples qu’ils devaient aller par le monde entier baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, tout en mettant en pratique le commandement d’amour, Jésus a établi pour les chrétiens une feuille de route trinitaire.

Le programme commence dans nos communautés locales, et il est bon de s’interroger au moment où des changements pastoraux sont en vue dans nos paroisses.
Et ce dessein trinitaire doit gagner l’Eglise universelle. C’est pourquoi l’aventure œcuménique est un devoir sacré parce qu’elle met en jeu, entre les Eglises, l’avenir de la Trinité dans notre monde. « Qu’ils soient un comme nous, priait Jésus, afin que le monde croie ».

Décidemment, la Trinité n’est pas une spéculation pour esprits particulièrement doués en élucubrations. Elle est le divin terreau de notre existence comme êtres humains, comme artisans d’une société fraternelle et comme chrétiens fidèles à l’évangile dans une Eglise une et diverse, toute ruisselante de la richesse trinitaire.

La Trinité : non pas l’illusion d’un mirage, mais le visage d’un sublime et disponible Amour.

Claude Ducarroz

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