Homélie du 5ème dimanche de Pâques
Les pasteurs et les cueilleurs. C’est ainsi que les historiens des civilisations décrivent les deux catégories de travailleurs aux origines de l’humanité. On retrouve d’ailleurs ces deux groupes humains dans les figures ancestrales de Caïn et Abel au livre de la Genèse. Abel était berger, Caïn cultivateur.
Dimanche dernier, Jésus s’est présenté à nous comme le bon pasteur, le vrai berger. Aujourd’hui, il fait dans la culture, et plus précisément celle de la vigne. Et c’est toujours, dans un cas comme dans l’autre, pour souligner la nécessité, mais aussi la beauté de la communion intime avec lui, car « en dehors de moi », dit-il, « vous ne pouvez rien faire. »
Dans la comparaison de la vigne, il y a pour nous à la fois de l’humilité et de la grandeur.
De l’humilité d’abord, car nous ne sommes pas la vigne, mais seulement les sarments. La vigne, c’est lui, le Christ, enraciné depuis toujours dans le terreau trinitaire par l’amour du Père qui le fait exister éternellement, en pleine communion avec le Saint Esprit.
Ce Christ, ensuite, a pris racine dans le terreau humain, le nôtre, en passant par le sein d’une femme, la vierge Marie, premier terroir de chair et de sang pour l’incarnation du fils de Dieu. De l’Annonciation à Pâques, il a grandi d’abord en elle, puis au milieu de nous, comme une vigne généreuse de vie et d’amour. Après avoir passé en faisant le bien, en priorité aux pauvres, aux malades, aux exclus et aux pécheurs, il a livré totalement le vin de sa tendresse en répandant son sang sur la croix. Telle est la vendange que le Père a récoltée pour nous en donner les fruits de salut et de vie éternelle.
Mais le divin vigneron a aussi imaginé une greffe sur la vigne de son fils et notre frère Jésus. A partir de Pâques et de Pentecôte, nous sommes bel et bien greffés sur lui ou plutôt en lui : « Je suis la vigne, et vous les sarments ». Etre les sarments de cette vigne-là, c’est notre plus grande dignité, notre plus belle destinée. Mais aussi notre plus formidable responsabilité.
La dignité, c’est celle d’être appelés comme Jésus « fils et filles de Dieu », et de l’être vraiment, ainsi que nous le rappelait saint Jean dimanche dernier.
La destinée, c’est de porter des fruits de gloire éternelle si nous sommes en communion vitale avec la vigne qu’est Jésus.
La responsabilité, c’est d’engager pleinement notre liberté dans ce « demeurer avec » qui dépend de nos choix, car, nous répète Jésus, « celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruits. »
Dans cette aventure vinicole avec le Christ, il y a quelque chose de magnifique, mais aussi un certain défi. Il a un accent pathétique, cet appel réitéré : « Demeurez en moi comme moi en vous », dit le Seigneur. Parce qu’il s’agit d’amour et non pas de violence, de liberté et non pas de contrainte, le risque existe toujours : « Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu’on a jeté dehors et qui se dessèche. »
La vie humaine ne relève pas de l’automatisme ou de la fatalité. Elle est un cadeau offert à notre liberté, avec une promesse certes, celle de donner beaucoup de fruits, mais aussi avec l’envers de la liberté, si l’on préfère sécher tout seul sur le chemin plutôt que d’expérimenter la dépendance existentielle avec Dieu. La gloire du Père, c’est bel et bien que nous donnions beaucoup de fruits. Encore faut-il accepter d’être ses disciples, ce qui est une affaire de foi et d’amour.
Comment les pauvres sarments que nous sommes peuvent-ils rester en communion avec la vigne de Dieu ? La réponse est toujours dans cet évangile : « Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous… ». La parole de Dieu, méditée, priée, savourée est le cordon ombilical de notre communion avec Jésus, et par lui avec son Père et notre Père.
Et puis il y a évidemment l’eucharistie, quand le fruit de la vigne devient communion au sang du Seigneur et le vin de la fête ecclésiale. Quelle plus merveilleuse intimité que ce mystère qui provoque une sorte de transfusion de sang entre le Christ et nous ? Alors plus que jamais, lui demeure en nous et nous en lui, pour un échange d’amour dont personne ne peut nous enlever la joie.
Enfin, il y a tout simplement les gestes de l’amour humain, au jour le jour, au ras des évènements de nos vies ordinaires. L’apôtre Jean ne cessait de le rappeler aux premiers chrétiens : « Mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité ». N’allons pas chercher loin pour expérimenter la saveur de la vigne de Jésus en nous : il suffit d’aimer, de nous aimer les uns les autres. Car celui qui met en pratique le commandement d’amour « demeure en Dieu et Dieu en lui ».
Toujours la logique de la vigne et des sarments, inséparables. C’est tout simplement une question de vie ou de mort. Choisis la vie, nous murmure l’Esprit au fond de notre cœur.
Nous avons écouté la Parole de Dieu, nous allons bientôt communier, nous sommes rassemblés en communauté de frères et sœurs chrétiens. La vigne de Jésus, la vigne qu’est Jésus continue donc de nous féconder de sa sève divine pour que nous donnions ensuite des fruits de tendresse dans notre existence de chaque jour. A la santé du Dieu d’amour.
Claude Ducarroz
samedi 5 mai 2012
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