Homélie pour les Céciliennes à Bussy 2012
« Ma Broye, ô pays charmant ! Plaine blonde, si féconde… » Nous chantions cela à l’école quand j’étais enfant. Et on le répétait avec M. le Régent en vue des maientzes du 1er mai. Mais l’hiver, la plaine de ce pays toujours charmant n’était plus blonde. Parfois –c’était avant le réchauffement climatique-, cette plaine devenait blanche sous les effets du givre ou de la neige. Mais elle restait féconde. Je me souviens : des troupeaux de moutons parcouraient nos champs engourdis à la recherche d’une herbe rare que les montagnes des Alpes, sous les rigueurs de l’hiver, ne parvenaient plus à fournir. Il y avait le berger, avec sa grande houppelande qui lui permettait de dormir à la belle étoile, et puis le chien qui circulait sans cesse pour garder les brebis craintives dans le droit chemin.
C’est un tel berger –il s’appelle Luigi- que mon ami Marcel Imsand a immortalisé dans cette photo pleine de tendresse, qu’il m’a offerte avant que je quitte la basilique Notre-Dame de Lausanne, où il était un excellent paroissien.
Vous l’avez entendu dans l’évangile de ce jour : aujourd’hui, c’est le dimanche du bon pasteur. Tout y est : le bon berger qui connait ses brebis, les conduit et se donne à fond pour elles, et les brebis évidemment, parfois menacées de dispersion, mais finalement attentives à la voix de leur pasteur parce qu’elles sentent qu’il les aime et veut en toutes circonstances leur meilleur bien. Comme Luigi !
Nous connaissons notre pasteur, celui qui a donné sa vie pour ses brebis, celui qui ne les abandonne jamais, et surtout pas quand survient le loup : le Christ Jésus, notre divin pasteur.
Que n’a-t-il pas fait pour ses brebis, donc pour nous ? Le mystère pascal, que nous venons de célébrer avec votre collaboration dans les liturgies de la semaine sainte, nous rafraîchit notre mémoire chaque année, depuis le lavement des pieds jusqu’au matin de Pâques en passant par la croix.
Que ne fait-il pas encore pour nous aujourd’hui à travers la Parole qu’il nous adresse à chaque messe, jusqu’à l’eucharistie dans laquelle il continue de donner sa vie pour ses brebis, pour nous. Sans oublier ce qu’il réalise dans la communauté de l’Eglise afin qu’il y ait, de plus en plus, un seul troupeau et un seul pasteur. Et tout cela, évidemment, par amour. On comprend mieux alors l’exclamation de l’apôtre Jean quand il écrit : « Mes bien-aimés, voyez comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés : il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu - et nous le sommes. »
Chers chanteuses et chanteurs, dans ce contexte, qui êtes-vous, vous ?
Avec tous les autres chrétiens, vous êtes d’abord les fidèles brebis du bon pasteur. Motivés par votre foi, portés par votre joie de chanter, vous êtes dans les premiers rangs de ce troupeau biblique qui écoute la voix de son berger, qui apprend toujours mieux à le connaître et à le reconnaître, qui accueille sa vie toujours redonnée pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Et vous ajoutez votre propre voix en écho à la sienne quand, après avoir entendu sa parole, vous lui répondez par la musique et par les chants. Vous brodez de beauté la Parole faite chair, vous ornez de splendeur l’écrin de son corps livré, vous contribuez au rayonnement de son Esprit par les halos de vos harmonies.
Mais dites-vous bien d’abord qu’il s’agit là pour vous d’une grâce, celle de pouvoir, tout près du berger, accueillir sa présence toujours offerte en y ajoutant le lyrisme de la musique, le charme des chants, les couleurs de vos voix, la symphonie de vos cœurs.
Oui, d’abord une grâce pour laquelle, surtout à l’occasion d’une fête comme celle-ci, nous voulons rendre grâces, avec vous, à cause de vous.
Une grâce, mais aussi un service. Et là, j’en suis persuadé, vous entrez dans la pastorale, je veux dire : vous collaborez à la mission du pasteur. Sans cesser d’être les heureuses brebis du Christ, vous devenez aussi, quelque part, des pasteurs avec lui et pour lui.
Je le crois d’autant plus par les temps qui courent. Le troupeau devient plus petit, c’est un fait. Des brebis s’en vont loin du pasteur, au risque d’errer dans des champs piégés ou de se perdre dans les montagnes de tous les dangers. Il ne manque même pas de faux pasteurs –ceux que Jésus appelle des mercenaires- qui abandonnent les brebis au lieu de les protéger. Quant aux loups de l’évangile, je crois qu’il n’y a pas besoin de faire un dessin : ils ne sont pas qu’en Valais ou dans le parc national. Ils peuvent aussi sévir chez nous et même en nous, quand ce n’est pas peut-être…nous.
Vous, les chanteurs et les chanteuses, et celles et ceux qui vous dirigent, vous entraînent et vous accompagnent : vous êtes appelés à demeurer proches du bon pasteur, imparfaitement certes, mais sincèrement, de toute votre foi, de toute votre voix, de toute votre joie.
C’est peu dire de vous répéter que l’Eglise a plus que jamais besoin de vous, de votre présence fidèle, de votre enthousiasme contagieux, de votre ardeur à répandre de la ferveur priante au milieu de nous. Je le sais : vous pourriez vous décourager quand vos effectifs diminuent, quand vous remarquez parfois que vous êtes plus nombreux à la tribune que les autres participants dans la nef.
C’est une épreuve pour vous et, j’ose le dire, d’abord pour vos prêtres, diacres et assistants pastoraux. Mais être chrétien, dans ces circonstances, c’est précisément tenir ensemble, persévérer dans le service, garder le souci de la qualité, prendre conscience de cette vérité proclamée par Jésus lui-même : « Ne crains pas, petit troupeau, car il plu à votre Père de vous donner le Royaume des cieux. » Vous n’êtes pas là seulement pour vous. Vous êtes là d’abord pour le Seigneur. Vous êtes là pour édifier la communauté, si petite qu’elle soit. Et vous portez avec vous dans la prière les absents, les lointains, les oublieux ou les paresseux pour lesquels le Seigneur a aussi donné sa vie.
Chers chanteuses et chers chanteurs, ce n’est pas le moment de faiblir. C’est toujours le moment de fleurir, sous le soleil de l’évangile, en nous laissant guider par le vrai berger de nos cœurs et en nous donnant la main fraternelle de la communion ecclésiale.
Ne soyez pas des chrétiens bêlants, mais des brebis chantantes, heureuses de se savoir aimées par le meilleur des pasteurs.
Claude Ducarroz
dimanche 29 avril 2012
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