Homélie pour la fête de la dédicace de la cathédrale
Diastole, systole. Le cœur. En un mot : la vie.
Rassurez-vous, je ne me prends pas pour le docteur René Prêtre, mais je retiens ce que disent beaucoup de Fribourgeois à propos de la cathédrale : elle est le cœur de notre cité. Le faire- part d’invitation envoyé par les autorités communales à l’occasion de l’inauguration de la Place Ste-Catherine illustre aussi cette vérité : l’église de St-Nicolas y est présentée comme le centre de la ville, un édifice qui domine majestueusement le quartier du Bourg, selon le fameux plan de Marini.
Le cœur, autrement dit le lieu géographique, culturel et surtout spirituel qui rassemble les énergies de la population –la systole- et qui les renvoie au loin, jusque dans les extrémités vitales – la diastole.
Systole ! Elle bien à nous, de chez nous, notre cathédrale en fête, spécialement aujourd’hui, avec la réunion de ses fidèles et de ses autorités. Elle est tellement de Fribourg, elle est quelque part tellement Fribourg, qu’on peut aussi la nommer « la maison du peuple », sans oublier cependant sa longue histoire religieuse.
Eglise paroissiale du « bourg libre » dont la première consécration par l’évêque de Lausanne Roger de Vicosoprano eut lieu le 6 juin 1182. Puis collégiale confiée au chapitre des chanoines à partir du 20 décembre 1512 –il y a 500 ans exactement- grâce aux efforts diplomatiques de Pierre Falk et par la décision du pape Jules II. Enfin cathédrale de notre diocèse dès le 17 octobre 1924 par une bulle du pape Pie XI. Sous ses voûtes, que de fidèles ont prié, que de chanteurs et musiciens ont animé les liturgies, que d’ecclésiastiques –depuis deux papes et saint Pierre Canisius jusqu’aux simples vicaires- ont prêché, que d’artistes ont travaillé, que de personnalités ont défilé, que d’évènements ont été célébrés, en lien avec la vie ecclésiale, mais aussi avec le destin de la ville et du canton ! On peut dire, je le crois, sans tomber dans l’inflation cléricale, qu’ici bat le pouls de notre histoire ancienne et actuelle. C’est pourquoi il faut que notre cathédrale, qui brille maintenant sous les feux de ses restaurations réussies, garde sa double vocation : être le premier sanctuaire de sa vie religieuse et rester le témoin palpitant de la vitalité sociale de notre peuple.
* Systole, l’espace du rassemblement ouvert à tous, y compris à celles et ceux qui ne partagent pas nécessairement toutes les convictions de notre Eglise catholique romaine. Il faut que dans ces murs, tous se sentent bien parce que bienvenus, à la maison parce que c’est là aussi chez eux.
* Diastole, lieu de ressourcement pour un envoi responsable -et peut-être inspiré- vers les horizons de l’engagement chrétien et civique, dans les vastes champs d’humanité à labourer et à ensemencer : ceux de la politique, de l’économie, de la solidarité, de l’écologie et de la culture. Tout cela, évidemment, dans le respect des traditions qui ont conféré à ces lieux une âme marquée par l’esprit chrétien.
C’est aussi l’occasion de remercier celles et ceux qui, dans les cercles d’Eglise comme dans les milieux de la société, prennent à cœur de veiller sur notre cathédrale -ses murs, ses œuvres d’art, son état d’esprit, sa vocation multiple- afin que son avenir, malgré les bouleversements constatés dans l’Eglise et dans le monde, soit digne de son merveilleux passé.
Evoquer ce passé, ce ne doit pas devenir de la nostalgie à bon marché. Une telle cathédrale, comme un organisme vivant, ce sont d’abord les personnes qui la fréquentent pour y vivre des rencontres vivifiantes. Dans la splendeur des liturgies comme dans le murmure silencieux des prières personnelles, dans la contemplation émerveillée de ses riches beautés comme dans la recherche plus ou moins angoissée d’un sens à la vie au milieu des joies et des peines quotidiennes.
Le pire qui puisse lui arriver, à notre chère cathédrale, c’est qu’elle devienne peu à peu une coquille vide de spiritualité, une sorte de musée religieux, le témoin muet d’un passé glorieux mais révolu. A partir du moment où il y aurait plus de touristes que de fidèles –mais je sais qu’on peut être l’un et l’autre-, le cœur de ce sanctuaire donnerait des signes de fatigue, l’infarctus spirituel menace, il est grand temps de consulter le cardiologue des âmes.
Tel est, entre autres, l’objectif de la nouvelle évangélisation initiée par le pape Benoît XVI et encouragée par notre évêque. Dans ce mouvement de renouveau -qui honore parfaitement les 50 ans du concile Vatican II-, la cathédrale, ses fidèles et ses autorités de toutes sortes doivent être en première ligne. Un nouveau curé, plein d’expérience et de dynamisme, va travailler à cela avec vous. Vous saurez lui apporter votre contribution fraternelle, d’autant plus que les temps semblent durs à cause du manque de prêtres et de la baisse de la foi dans le peuple.
Retour au centre, autrement dit à l’évangile, y compris celui qu’on peut partager avec d’autres à la maison. Ranimer le cœur, autrement dit revenir à l’eucharistie qui est, comme le rappelle le concile, le sommet de la vie chrétienne, pour un culte « en esprit et en vérité ». Soigner les artères, autrement dit prendre le temps de prier, de réfléchir en silence, de laisser à l’Esprit Saint un espace pour ses inspirations.
Oui, vivre une Eglise dont la ferveur s’épanche en prophétisme audacieux au cœur de la société, car la systole de la vie religieuse ne doit pas devenir un pieux repli sur soi. Elle doit s’épanouir en diastole du témoignage courageux là où nous vivons au jour le jour.
Que la fréquentation de cette cathédrale, avec ses magnificences esthétiques et ses offres liturgiques, soit un stimulant pour le renouveau dont nous avons tous besoin. Alors nous pourrons continuer de chanter avec le psalmiste : « Quelle joie quand on m’a dit : Nous irons à la maison du Seigneur… Que la paix règne dans tes murs… A cause de mes frères et de mes proches, je dirai : paix sur toi. A cause de la maison du Seigneur, je prie pour ton bonheur. » Ps 122
Claude Ducarroz
dimanche 26 août 2012
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