Homélie
20ème dimanche ordinaire
Il faut les comprendre, ces juifs qui se posent la question suivante : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ». En effet Jésus avait exprimé un propos plutôt déconcertant : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour que le monde ait la vie. » Faut-il être anthropophage pour suivre Jésus de Nazareth ? Que penser, dès lors qu’il a récidivé en affirmant : « Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson. » ? Et encore plus explicitement : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. »
Nous savons que cette manière de parler a aussi troublé les païens aux premiers temps de l’Eglise puisque certains polémistes antichrétiens ont répandu le bruit que les chrétiens tuaient un enfant, le roulaient dans la farine avant de le dévorer pour adorer leur dieu.
Quant à nous, nous sommes peut-être un peu trop habitués à ces paroles et à leur interprétation sacramentelle pour imaginer ce que peuvent ressentir des personnes non averties qui, aujourd’hui encore, entendent ces déclarations pour la première fois.
Heureusement, nous avons l’Eglise, depuis les apôtres jusqu’à nos jours, pour nous guider sur le chemin de la foi sans tomber dans des interprétations trop littérales qui nous conduiraient dans des impasses de langage mais aussi de pratique.
L’eucharistie est un mystère et le demeurera toujours, comme nous le proclamons à chaque messe après la consécration: « Il est grand le mystère de la foi ! »
Qu’est-ce à dire justement aux yeux de la foi de l’Eglise ?
Le premier mystère, sans lequel nous ne comprendrons jamais tous les autres, c’est que « Dieu a tellement aimé le monde qu’il nous a envoyé et donné son fils unique. » Pas n’importe comment, pas en théorie, mais dans la présence humaine d’un frère en chair et en os. « Car le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente au milieu de nous. » Nous n’en finirons jamais de méditer sur cet amour basique qui fit l’incarnation dans le sein d’une femme, puis Noël et toute la vie du Christ, et enfin la croix, sa mort et sa résurrection.
A chaque étape de cette merveilleuse histoire, le corps intervient concrètement parce que Dieu s’est voulu proche de nous dans le Christ en empruntant 100% nos chemins de pleine humanité. Y compris sa présence dans la chair pour déclencher entre lui et nous une extraordinaire union, une communion. C’est ce que Jésus a promis en disant : « De même que le Père qui m’a envoyé et vivant et que je vis par le Père, de même celui qui me mangera vivra par moi. »
Jésus a compris que, pour que cette communion puisse être offerte à tous les hommes de tous les temps, il fallait trouver un moyen qui la rende disponible universellement, mais sans rien perdre du corps à corps de la communion. Alors il a inventé l’eucharistie : placer sa présence réelle, et donc quelque part charnelle, dans un geste symbolique qui permette de transformer tous les libres croyants en invités à son dernier repas, comme les apôtres. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure en lui. »
Ce n’est pas physique au sens de la démonstration chimique, mais c’est mystique au sens de la présence réelle sous des signes à la fois simples et concrets. Quoi de plus humble en effet, à la portée de chacun : un peu de pain, un peu de vin partagés. Quoi de plus communiant que la manducation qui transforme le mangé en celui qui mange. Et là dans le sens inverse : celui qui est mangé –Jésus - nous transforme en lui : « Celui qui mange ce pain, dit-il, vivra éternellement. »
Vous venez communier. On vous le propose : ce n’est pas un vague Jésus, un ectoplasme, c’est le corps du Christ. Vous dites Amen en l’accueillant dans votre corps. Et vous recevez sa présence, son amour, son Esprit en vous, dans ce corps à corps sacramentel. Comme on le répète à chaque messe : c’est l’alliance nouvelle et éternelle, c’est la sainte communion.
Permettez seulement que j’ajoute quelque chose qui peut être pour certains une surprise : il y a un autre sacrement de l’alliance, c’est le mariage. Là aussi, il y a promesse puis réalité de la communion, et d’une communion dans l’amour qui passe par un corps à corps de présence réciproque. On comprend alors pourquoi l’Eglise fête l’union conjugale comme un sacrement, une alliance sacrée. Et pourquoi elle propose la messe, là où la foi des conjoints la souhaite, pour eucharistier cette communion humaine par la communion christique.
Personnellement, quand je vois des mains de mariés, reconnaissables justement à une alliance, s’ouvrir et se tendre pour la communion, je place le pain consacré -le corps du Christ- sur cette alliance. Et je demande au Seigneur que son corps, donné ainsi par amour, bénisse, consolide et peut-être guérisse la communion des mariés dans toutes ses dimensions, y compris charnelle, pour une alliance renouvelée dans celle de Jésus. Car je crois que ces deux sacrements d’alliance –l’eucharistie et le mariage- sont appelés quelque part à se marier aussi. Jésus aux noces de Cana, qui multiplia le vin de la fête, et peut-être en garda un peu pour la sainte Cène puisqu’il était si bon, c’est encore aujourd’hui.
Claude Ducarroz
samedi 18 août 2012
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