mardi 14 août 2012

Homélie de l'Assomption de Marie

Homélie pour l’Assomption 2012

Marie de Nazareth sous toutes ses coutures !

Je n’ai rien à vous cacher. J’ai passé une partie de mon été dans un gîte paroissial pour accueillir les pèlerins en route vers Compostelle, à 50 km de Burgos. Ce qui m’a permis, entre autres, de visiter quelques belles églises ruisselantes de dorures, comme on sait les décorer en Espagne. Dans l’une d’elles, j’ai compté 12 statues différentes de la Vierge Marie. Je respecte évidemment la piété sincère des fidèles qui pensent devoir honorer ainsi la sainte Vierge, même si une telle profusion n’est pas entièrement de mon goût.
J’ai pensé au concile Vatican II qui « exhorte ceux qui portent la parole de Dieu à s’abstenir avec le plus grand soin, quand la dignité de la Mère de Dieu est en cause, à la fois de toute exagération et non moins d’une excessive étroitesse d’esprit. » (Lumen gentium no. 67)
Et je me suis demandé ce que j’allais pouvoir dire, une fois de plus, dans l’homélie de l’Assomption de Marie qui échoit chaque année au prévôt de notre cathédrale.

A travers ces statues –sans compter les tableaux-, j’ai pu contempler Marie sous toutes ses coutures. Et peut-être bien que l’Assomption, c’est aussi l’entrée de Marie dans la lumière de son fils ressuscité, oui, justement « sous toutes ses coutures. »
En effet, ce mystère signifie que toute la personne de Marie est ainsi accueillie pleinement, sans aucune réserve, dans le Royaume de Dieu, car rien en elle n’en est indigne, puisqu’elle parvient dans la gloire y compris avec son corps. On peut alors décliner, pour s’en émerveiller, les divers aspects de sa personnalité qui trouvent ainsi leur parfait épanouissement pascal au moment de son assomption dans le ciel.

* Il y a d’abord la femme, avec tout ce que ce mot suppose de beauté et de délicatesse. D’ailleurs à deux reprises, dans des moments importants, Jésus l’a interpelée en lui disant « Femme… », à Cana au commencement de sa vie publique et à la fin de son parcours, au pied de sa croix : « Femme, voici ton fils, voici ta mère ». C’est d’abord la femme, et donc toute sa féminité, de corps, de cœur, d’esprit, qui entre aujourd’hui dans la gloire de Dieu. Celle qu’Elisabeth salua comme « bénie entre toutes les femmes.. », mais aussi la femme mariée, celle qui fut l’épouse de Joseph, à ne jamais oublier.

* La femme, et aussi la mère. Et là encore, c’est l’évangile qui en parle. Qu’est-ce qui fit le bonheur des bergers et des mages à la crèche ? C’est de contempler « Jésus avec sa mère ». Il y eut même un jour une femme dans la foule qui y alla d’un couplet très réaliste pour Marie en présence de Jésus, lorsqu’elle dit littéralement : « Heureux le ventre qui t’a porté et les seins que tu as tétés ! » Lc 11,27. Vous aurez noté : heureux… c’est une béatitude, une hymne à la maternité de Marie.

* La femme, la mère. Et finalement la sœur, notre sœur dans la foi, la sœur aînée, celle qui prend soin de toute la famille, celle qui entraîne ses nombreux frères et sœurs sur le chemin de l’écoute et de la mise en pratique de la parole de Dieu. Quand Marie et la parenté de Jésus sont là qui le cherchent, Jésus ajoute : « Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. » Mc 3,35. D’ailleurs, n’est-ce pas en disant « Qu’il me soit fait selon ta parole » que la jeune fille de Nazareth est devenue précisément la mère du Seigneur ? Pas étonnant dès lors qu’elle se soit retrouvée à la Pentecôte au milieu des « frères de Jésus », autrement dit les premiers chrétiens, l’Eglise naissante.

La femme féminine et épousée, la mère de corps et de cœur, la sœur modèle : voilà Marie aujourd’hui dans sa gloire. La sainteté, chez elle, c’est tout cela transfiguré, autrement dit la foi en la parole, l’amour de Dieu et de ses prochains, la proximité de communion avec Jésus.
Une communion aujourd’hui entièrement assumée dans l’assomption, consumée dans la gloire, consommée dans la joie.

Les diverses cultures expriment ce mystère dans la variété des sensibilités, dans l’exubérance des images, en toutes sortes de formes pieuses. Point n’est besoin d’en rajouter à l’infini, en accumulant les couronnes. Car l’essentiel est ailleurs.
Marie nous donne rendez-vous aujourd’hui encore, dans l’Eglise et dans la société. Elle ne cesse de nous inviter à laisser transfigurer en nous, que ce soit au masculin ou au féminin, ce qui fut assumé par Dieu en elle.

* La femme et la féminité, leurs valeurs, leurs beautés, leurs forces et leurs fragilités réunies : toutes ces merveilles plus que jamais indispensables à la pleine humanité du monde, et donc respectables, à respecter et à faire respecter partout.

* La mère et ses capacités d’amour gratuit, de courages, de pardon, toutes les fécondités contenues dans les entrailles et surtout dans le cœur des mamans, celles des joies et celles des croix.

* La sœur dans la foi, nos sœurs en religion, pas seulement dans les monastères, mais dans les ministères, aujourd’hui surtout, dans nos communautés chrétiennes. Sans oublier tout ce qu’elles font, souvent humblement mais efficacement, dans les réseaux sociaux où se joue l’avenir de notre humanité.

C’est finalement tout cela que Marie emporte avec elle dans son assomption, dans l’éblouissante clarté de sa gloire, mais aussi dans la solide anticipation de la nôtre, comme une aurore, une promesse, une espérance pour chacun de nous.

Autant dire que Marie de l’assomption, moins dans les fastes des survêtements baroques que dans les murmures des communions intérieures, demeure proche, présente, actuelle.

« Réjouis-toi, Marie, comblée de grâces, le Seigneur est avec toi… prie pour nous maintenant et à l’heure de notre mort ! »
Amen.

Claude Ducarroz

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