Homélie
8ème
dimanche du temps ordinaire
Aimez-vous la salade de fruits ? Je
suppose que oui, parce que c’est sain et bon à la fois. Mais attention ! Une
salade de fruits n’est pas une bouillie de fruits passés au mixer, mais un
assemblage délicat qui permet à chaque fruit de donner le meilleur de lui-même
en respectant les autres, par un phénomène d’addition des goûts et non pas de
soustraction des saveurs.
J’ai l’impression que la liturgie de ce
dimanche nous plonge dans une salade de fruits…évangéliques que je vous invite à
goûter et, si possible, à savourer avec moi.
Il y a quand même un fruit dominant, qui
parfume tout ce dessert liturgique. Il est exprimé en quatre lignes dans la
première lecture : Dieu n’est pas seulement un père, mais une mère pour
nous ! Il chérit le fruit de ses entrailles, donc chacun de nous. Il ne peut
pas nous oublier. C’est plus fort que lui : parce qu’il est Amour, et rien
que ça, Dieu a un cœur, des entrailles maternelles. Il y a beaucoup de femmes
parmi nous, davantage que d’hommes. Et beaucoup sont des mères et des
grands-mères. Elles doivent comprendre cela mieux que les autres.
Sur cette base de tendresse et de fidélité à
dimension divine, l’apôtre Paul nous rappelle qu’il y a dans la communauté de
l’Eglise, un peu comme dans une grande cuisine bien achalandée, des ouvriers
qui travaillent pour la joie des autres et des hôtes. Une vocation à la fois
magnifique et humble. Oui, ils sont en charge des plus hauts mystères, des plus
merveilleuses promesses, des plus savoureux cadeaux. Mais en même temps, pour
qu’ils soient dignes de confiance, ces intendants doivent avoir l’esprit de
service, ne pas se prendre pour des patrons hautains, mais cultiver l’humilité
du ministère, à savoir le respect, la disponibilité et surtout l’amour.
Je me méfie un peu. Vous pensez peut-être
aussitôt au pape, aux évêques, aux prêtres, n’est-ce pas ? Ne sont-ils
pas, eux les premiers, eux seuls peut-être, les intendants officiels des
mystères de Dieu ? Ils le sont sûrement, mais vous aussi, chacun à sa
manière, avec ce qu’il a et surtout ce qu’il est, dans de multiples services et
fonctions, « à cause de Jésus et de l’évangile ». Rien que pour
« réaliser » cette messe, par exemple, combien d’hommes et de femmes
ont donné du temps, des compétences, du dévouement généreux ?
Quand ma mère, une paysanne qui n’avait fait
que son école primaire, m’apprenait la prière du Notre Père et d’autres prières
en me prenant sur ses genoux, n’était-elle pas une humble mais importante « intendante
des mystères de Dieu » ? Je lui suis encore infiniment reconnaissant.
Et puis ça déborde hors des murs de l’Eglise.
Chaque fois que des chrétiens donnent, se donnent, pardonnent, au cœur de leurs
tâches simplement humaines, dans un esprit de foi, de justice et d’amour, ils
témoignent pour le Christ, ils oeuvrent pour la venue du Royaume de Dieu.
Enfin toute cette évangélisation à partir d’un
Dieu-Amour, à la fois père et mère, a des conséquences concrètes pour la sauce
de nos vies, quoi qu’il nous arrive ensuite.
D’abord il ne faut pas se tromper de Dieu.
« Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’Argent », car comme le dit un
certain proverbe, l’argent peut être un bon serviteur, mais il est un très
mauvais maître. Que de dégâts, personnels, familiaux et sociaux chez ceux qui
mettent leur confiance dans l’avoir, toujours plus et surtout plus que les
autres. Vous me direz que ne pas avoir à se préoccuper d’argent ou de
nourriture ou de vêtement, comme dit Jésus, ça suppose qu’on en ait déjà assez pour
vivre et faire vivre décemment soi-même et sa famille. Oui, qui oserait dire à
ceux qui ont faim, qui n’ont pas de quoi s’abriter ou se vêtir ce que dit
Jésus : « Ne vous faites pas tant de soucis pour demain…Votre Père
céleste sait que vous en avez besoin… A chaque jour suffit sa peine. »
On pourrait presque en conclure qu’un tel
évangile est pour les riches, alors que des millions de personnes ne peuvent
faire autrement que de se poser ces questions : « Qu’allons-nous
manger ou boire ? Avec quoi allons-nous nous habiller ? » La pointe
de la remarque du Christ se niche dans le verset suivant, toujours
valable : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice ».
Alors là nous sommes remis à notre place avec
une interpellation incontournable : la justice du Royaume de Dieu, c’est
justement que tous les humains, à commencer par les plus pauvres et les plus
souffrants, aient aussi de quoi manger, boire, se vêtir, vivre dignement en
enfants du Dieu-Amour et en conséquence en frères et sœurs entourés de
solidarité et d’amitié.
Certes, ceux qui ont assez -et souvent trop- ne
doivent pas se laisser ronger par les excès de l’avoir qui pourrit le cœur de
l’homme à la manière d’un cancer spirituel. Ils doivent garder dans leur
conscience une intense préoccupation, un immense souci pour tant d’autres qui
n’ont même pas le nécessaire pour vivre humainement. Car il faut aussi que se
réalisent ces paroles plus que jamais d’une brûlante actualité :
« Venez les bénis de mon Père. Oui, recevez le Royaume ». Et
pourquoi ? « J’ai eu faim et
vous m’avez donné à manger, j’étais nu et vous m’avez vêtu, j’étais un étranger
et vous m’avez accueilli, prisonnier et vous êtes venus jusqu’à moi. Tout ce
que vous faites à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que
vous le faites. » Ou pas !
Servir Dieu en vérité, c’est aimer les autres
humains, car pour les chérir comme un Père et une Mère, Dieu compte sur nos
mains et surtout sur notre cœur fraternel.
Une fois passées les fêtes un peu fofolles du
Carnaval, le Carême sera là pour nous inviter à prendre au sérieux à la fois la
vie de prière et le partage. Pour notre
bonheur et celui des autres, près de nous et même au loin.
Car plus
que jamais le Christ veut serrer sur son cœur toute l’humanité sans exception.
Claude
Ducarroz
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