Assomption 2014
Le corps. Notre corps humain. C’est le bon
moment d’en parler. Je ne dis pas cela parce que les corps s’étalent avec
complaisance dans presque toutes les publicités, y compris celles qui n’ont
rien à voir avec le corps. Pas non plus parce que, à la faveur de l’été, fût-il
pluvieux, beaucoup de personnes, jeunes et même moins jeunes, confondent la
plage et la rue. Non.
Quitte à vous étonner, c’est la fête de ce jour
–l’Assomption de Marie- qui me ramène au corps. Car le corps est bel et bien au
cœur de cette célébration, comme vient de le rappeler l’oraison de cette
messe : « Dieu qui as fait monter la Vierge Marie jusqu’à la gloire
du ciel, avec son âme et son corps… »
Ainsi donc nous confessons qu’à la suite de
Jésus ressuscité, le corps, en l’occurrence le corps d’une femme –Marie de
Nazareth-, est désormais pleinement immergé dans la gloire de Dieu, par un
mystère d’assomption qui a respecté entièrement son humanité, y compris sa
dimension physique.
La corporéité, et pas seulement la spiritualité,
est dès lors associée à la divinité en toute transparence. C’est finalement une
belle aventure qui commença dans le mystère de la création, en passant par
l’incarnation, pour aboutir finalement à la transfiguration « corps et
âme » en Marie. Et un jour aussi en nous.
« Dieu les créa à son image, comme homme et
femme, il les créa », raconte le premier livre de la Bible, à savoir dans
la complémentarité des sexes et la fécondité de leur amour. C’est aussi par
notre corps –nos corps différents- que nous existons à la ressemblance de Dieu-
Trinité. Il y a donc du sacré et même du divin, en beauté et en générosité,
dans nos personnalités humaines, y compris quand elles s’expriment dans les
multiples facettes des formes, des sens et des gestes corporels. Tant
d’artistes ont exprimé cela, notamment dans la figure de Marie, que ce soit
dans les fascinantes splendeurs de sa féminité ou dans les émouvantes candeurs de
sa maternité.
Bien sûr, il y eut le péché. Il y a le péché,
qui est trop souvent cette corruption du meilleur par le pire. N’empêche que le
salut n’est pas venu mépriser le corps sous prétexte de le sauver, comme s’il
fallait l’écraser avant de le relever. Le Sauveur, c’est le Verbe fait chair,
et en passant par le sein d’une femme pleinement respectée : « Le
fruit de tes entrailles est béni », dit Elisabeth à Marie. Et cette femme
dans la foule qui dit à Jésus : « Heureuse la mère qui t’a porté dans
son ventre et qui t’a nourri de son lait ! » Littéralement :
« Les seins que tu as sucés. »
Le salut apporté par Jésus, le fils de Dieu
fait homme, touche et transfigure tout l’humain, comme on le voit surtout dans
le mystère de la résurrection de la chair pour Jésus le premier né d’entre les
morts, comme on le constate aussi aujourd’hui dans la contemplation de
l’assomption de Marie, en son âme et en son corps. Sans compter que chacun de nous est un « promis
à la résurrection », à la suite de Jésus et comme Marie, la première
arrivée toute entière dans le soleil pascal.
Tous les sacrements, qui agissent tous quelque
part par un geste corporel, viennent nous rappeler le beau mystère de
l’incarnation. Mais celui que nous allons recevoir bientôt, à l’invitation de
l’Eglise, est particulièrement significatif. Que se passe-t-il quand nous tendons
la main humblement pour recevoir la communion eucharistique ? Nous
accueillons avec foi dans notre corps le corps du Christ ressuscité, celui
qu’il a reçu lui-même de sa mère Marie. Et dans ce corps à corps mystique mais
réel, nous devenons un peu plus le corps communautaire de Jésus qu’on appelle
l’Eglise. Dont Marie est la mère.
Aucune distance, aucun mépris, aucun
rejet : le corps est partout, dans la création restaurée, dans la Pâque
transfigurée, dans l’eucharistie nourrissante, dans l’Eglise mère porteuse de
toutes ces communions. Avec Marie, comme Marie.
Bien sûr, comme fils de Dieu créateur, comme
frères bénis de Jésus, comme enfants chéris de Marie, puisque Jésus nous l’a
donnée pour mère du haut de sa croix et aujourd’hui du sein de sa gloire :
nous avons une belle et difficile mission : croire plus que les autres à
la dignité et à la beauté des corps, lutter sans cesse pour le respect absolu
de ces icônes de Dieu si souvent manipulées, méprisées, vendues, blessées et
même tuées dans notre société violente qui marchandise toutes choses, y compris
les corps humains.
Et
peut-être, aujourd’hui plus que jamais, à travers l’eucharistie mais aussi par
la tendre fréquentation de Marie, la glorieuse en tout son être :
retrouver la joie des corps faits pour l’amour, le partage, les relations, la
compassion, la solidarité, l’art, la prière…en attendant la résurrection.
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