samedi 13 décembre 2014

Troisième dim. de l'Avent

Homélie
Troisième dimanche de l’Avent

« Qu’est-ce qu’il fait ? qu’est-ce qu’il a ? qui c’est celui-là ? »
L’évangile de ce jour me fait penser à une chanson qui commençait ainsi.

En effet, à propos de Jean Baptiste, il semble qu’on ait affaire à une véritable commission d’enquête, car les prêtres et lévites envoyés de Jérusalem s’adonnent au jeu trouble d’un interrogatoire serré à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain.
Jean ne refuse pas de répondre, encore que ses réponses soient plutôt du genre négatif : « Je ne suis pas le Christ, je ne suis pas le prophète Elie. » On comprend que ses interlocuteurs soient restés sur leur faim. Et quand il passe au positif, l’affirmation n’est guère plus compréhensible : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert… »

En réalité, Jean Baptiste ne veut pas qu’on s’intéresse à lui. Il renvoie à celui qui, comme il le dit, se tient au milieu de nous alors même que nous ne le connaissons pas. Quant à lui, il est seulement indigne de délier la courroie de sa sandale. Tout cela n’est donc pas très clair, même si une chose est évidente : le plus important est encore un anonyme dans cette foule et il vaut la peine de chercher à mieux le connaître.

Après 2000 ans de christianisme, les choses ont-elles beaucoup changé ?
Le Christ est-il mieux connu, même chez nous ? N’est-il pas devenu ou redevenu cet anonyme inconnu ou mal connu qui circule au milieu de nous sans déranger beaucoup de monde finalement ? Même quand on évoque sa naissance, il semble avoir disparu comme étouffé sous les avalanches des productions matérialistes. Le Père Noël me paraît être mieux connu et en tous cas beaucoup plus attendu que le Jésus de Bethléem. On investit plus de publicité et de décorations pour susciter l’espérance de recevoir des cadeaux de pacotille que pour creuser la faim de rencontrer le Christ, véritable cadeau de Dieu à notre monde.
Ainsi va la civilisation de la consommation à outrance dans laquelle, pour beaucoup, le gavage sous toutes ses formes semble avoir supplanté le besoin du salut apporté par l’enfant de la crèche.

Mais trêve de jérémiades aspergées d’eau bénite. L’important, ne serait-ce pas que les chrétiens redeviennent des Jean-Baptiste en notre temps ? Oui, qu’il y ait encore des hommes et des femmes qui osent témoigner pour le Christ puisque, même s’il est très discret, il continue de se tenir au milieu de nous, lui, le ressuscité qui nous a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Des Jean-Baptiste pour aujourd’hui. Qu’est-ce à dire ?

D’abord ne pas avoir honte d’être des résistants. Nous ne pouvons pas nous laisser aspirer –au point de finir noyés- par cette société dominée par l’avoir, le paraître, le commerce du futile plus que de l’utile, sans même parler du nécessaire. D’autant plus que nous ne pouvons ignorer la situation de la majorité de la population de notre planète qui, trop souvent, est encore à la recherche désespérée du minimum vital, pour survivre un peu plus dignement.

Oui, résister pour mieux partager. Jean-Baptiste lui-même, vêtu d’un vêtement de poils de chameau avec un pagne de peau autour des reins,  n’a-t-il pas fini par répondre à ceux qui le harcelaient de questions : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas.  Que celui qui a de quoi manger fasse de même. N’extorquez pas d’argent. » ?
Si personne n’est obligé de prendre part à son repas de sauterelles et de miel sauvage, nous ferions bien d’imiter sa capacité prophétique de ne pas vivre nécessairement comme tout le monde, pour être heureux et faire des heureux.

Résister, mais aussi attester. Car Jean-Baptiste est présenté surtout comme un témoin, venu rendre témoignage à la lumière qu’est le Christ en personne. Aujourd’hui, dans un monde brassé de mille manières par toutes sortes de philosophies et de religions -y compris les religions de celles et ceux qui disent n’en avoir aucune-, comme il est important que les chrétiens n’aient pas honte de leur foi, mais osent en témoigner courageusement.
« Ne soyez pas des chrétiens édulcorés », a rappelé récemment le pape François.

Il ne s’agit pas d’agresser les autres par nos convictions, mais plutôt de ne pas se réfugier dans un silence trop commode qui friserait la démission, voire la trahison. Dans une société qui, chez nous du moins, offre l’avantage d’une certaine liberté d’opinion et d’expression religieuses, pourquoi choisir de cacher notre foi alors que tant d’autres n’hésitent pas à proclamer la leur, y compris dans les nouveaux réseaux de communication sociale ?

Le prophète Isaïe annonce que l’Esprit répandu sur les croyants leur donne l’audace de proclamer la bonne nouvelle aux pauvres, d’annoncer la libération aux prisonniers. Et l’apôtre Paul nous supplie de ne pas éteindre l’Esprit, de ne pas mépriser les prophéties.

Baptisés dans l’Esprit de Pentecôte, nous avons en nous tout ce qu’il faut pour témoigner en faveur du Christ par la parole et par les actes, afin que le nom de Dieu soit glorifié, que la présence de Jésus soit reconnue et accueillie, que l’Eglise continue, humblement mais courageusement, de diffuser l’évangile dans notre monde tel qu’il est.
Car le Seigneur veut encore faire germer les semences de sa parole pour que retentisse sa louange devant toutes les nations.

Etre de simples jardiniers dans ce jardin, c’est sans doute un devoir. Ce doit être surtout notre joie.


                                               Claude Ducarroz

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