Homélie
Troisième dimanche de l’Avent
« Qu’est-ce qu’il fait ? qu’est-ce
qu’il a ? qui c’est celui-là ? »
L’évangile de ce jour
me fait penser à une chanson qui commençait ainsi.
En effet, à propos de Jean Baptiste, il semble
qu’on ait affaire à une véritable commission d’enquête, car les prêtres et
lévites envoyés de Jérusalem s’adonnent au jeu trouble d’un interrogatoire
serré à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain.
Jean ne refuse pas de répondre, encore que ses
réponses soient plutôt du genre négatif : « Je ne suis pas le Christ,
je ne suis pas le prophète Elie. » On comprend que ses interlocuteurs soient
restés sur leur faim. Et quand il passe au positif, l’affirmation n’est guère
plus compréhensible : « Je suis la voix de celui qui crie dans le
désert… »
En réalité, Jean Baptiste ne veut pas qu’on
s’intéresse à lui. Il renvoie à celui qui, comme il le dit, se tient au milieu
de nous alors même que nous ne le connaissons pas. Quant à lui, il est
seulement indigne de délier la courroie de sa sandale. Tout cela n’est donc pas
très clair, même si une chose est évidente : le plus important est encore
un anonyme dans cette foule et il vaut la peine de chercher à mieux le
connaître.
Après 2000 ans de christianisme, les choses
ont-elles beaucoup changé ?
Le Christ est-il mieux connu, même chez
nous ? N’est-il pas devenu ou redevenu cet anonyme inconnu ou mal connu
qui circule au milieu de nous sans déranger beaucoup de monde finalement ?
Même quand on évoque sa naissance, il semble avoir disparu comme étouffé sous
les avalanches des productions matérialistes. Le Père Noël me paraît être mieux
connu et en tous cas beaucoup plus attendu que le Jésus de Bethléem. On
investit plus de publicité et de décorations pour susciter l’espérance de
recevoir des cadeaux de pacotille que pour creuser la faim de rencontrer le
Christ, véritable cadeau de Dieu à notre monde.
Ainsi va la civilisation de la consommation à
outrance dans laquelle, pour beaucoup, le gavage sous toutes ses formes semble
avoir supplanté le besoin du salut apporté par l’enfant de la crèche.
Mais trêve de jérémiades aspergées d’eau
bénite. L’important, ne serait-ce pas que les chrétiens redeviennent des
Jean-Baptiste en notre temps ? Oui, qu’il y ait encore des hommes et des
femmes qui osent témoigner pour le Christ puisque, même s’il est très discret, il
continue de se tenir au milieu de nous, lui, le ressuscité qui nous a
promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du
monde ».
Des Jean-Baptiste pour aujourd’hui. Qu’est-ce à
dire ?
D’abord ne pas avoir honte d’être des
résistants. Nous ne pouvons pas nous laisser aspirer –au point de finir noyés-
par cette société dominée par l’avoir, le paraître, le commerce du futile plus
que de l’utile, sans même parler du nécessaire. D’autant plus que nous ne
pouvons ignorer la situation de la majorité de la population de notre planète
qui, trop souvent, est encore à la recherche désespérée du minimum vital, pour
survivre un peu plus dignement.
Oui, résister pour mieux partager.
Jean-Baptiste lui-même, vêtu d’un vêtement de poils de chameau avec un pagne de
peau autour des reins, n’a-t-il pas fini
par répondre à ceux qui le harcelaient de questions : « Que celui qui
a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas. Que celui qui a de quoi manger fasse de même.
N’extorquez pas d’argent. » ?
Si personne n’est obligé de prendre part à son
repas de sauterelles et de miel sauvage, nous ferions bien d’imiter sa capacité
prophétique de ne pas vivre nécessairement comme tout le monde, pour être
heureux et faire des heureux.
Résister, mais aussi attester. Car
Jean-Baptiste est présenté surtout comme un témoin, venu rendre témoignage à la
lumière qu’est le Christ en personne. Aujourd’hui, dans un monde brassé de
mille manières par toutes sortes de philosophies et de religions -y compris les
religions de celles et ceux qui disent n’en avoir aucune-, comme il est
important que les chrétiens n’aient pas honte de leur foi, mais osent en
témoigner courageusement.
« Ne soyez pas des chrétiens
édulcorés », a rappelé récemment le pape François.
Il ne s’agit pas d’agresser les autres par nos
convictions, mais plutôt de ne pas se réfugier dans un silence trop commode qui
friserait la démission, voire la trahison. Dans une société qui, chez nous du
moins, offre l’avantage d’une certaine liberté d’opinion et d’expression
religieuses, pourquoi choisir de cacher notre foi alors que tant d’autres
n’hésitent pas à proclamer la leur, y compris dans les nouveaux réseaux de
communication sociale ?
Le prophète Isaïe annonce que l’Esprit répandu
sur les croyants leur donne l’audace de proclamer la bonne nouvelle aux
pauvres, d’annoncer la libération aux prisonniers. Et l’apôtre Paul nous
supplie de ne pas éteindre l’Esprit, de ne pas mépriser les prophéties.
Baptisés dans l’Esprit de Pentecôte, nous avons
en nous tout ce qu’il faut pour témoigner en faveur du Christ par la parole et
par les actes, afin que le nom de Dieu soit glorifié, que la présence de Jésus
soit reconnue et accueillie, que l’Eglise continue, humblement mais
courageusement, de diffuser l’évangile dans notre monde tel qu’il est.
Car le Seigneur veut encore faire germer les
semences de sa parole pour que retentisse sa louange devant toutes les nations.
Etre de simples jardiniers dans ce jardin,
c’est sans doute un devoir. Ce doit être surtout notre joie.
Claude
Ducarroz
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