samedi 11 avril 2015

Homélie du dimanche 12 avril 2015
RTS

Fribourg. Sa cathédrale St-Nicolas. Le porche d’entrée est dominé par une vaste scène sculptée représentant le Christ sur son trône royal. On pourrait l’appeler « le tympan à saint Thomas ». En effet, ce Christ, tout ressuscité qu’il est, exhibe ostensiblement les traces de ses plaies dans ses mains et ses pieds. Plus original encore, il a gardé la couronne d’épines sur sa tête pourtant auréolée des rayons de la gloire pascale. Presque mot à mot l’évangile de ce dimanche.

Et aussi l’actualité de cette semaine.

Croyants de cette unité pastorale ici réunis, auditeurs de la RTS, d’une manière ou d’une autre, nous revenons tous des fêtes de Pâques. Beaucoup ont accueilli le Christ dans la renaissance de la foi et dans la prière, d’autres ont plus de peine à le reconnaître vivant et certains resteront peut-être des Thomas un peu bloqués dans leur scepticisme. Pas vu, pas cru ! Tous ont droit au même respect.

Les chrétiens qu’on appelle « pratiquants » sont encore enveloppés des humeurs de l’encens ou des rumeurs des alleluias chantés avec allégresse dans les célébrations liturgiques. Puisque le Christ est vraiment ressuscité, alleluia ! nous sommes ressuscités avec lui, comme osait le proclamer l’apôtre Paul, et notre vie est cachée avec le Christ en Dieu. »
Tout va pour le mieux, en somme.

Et voici cette semaine passée : Syrie, Irak, Nigeria, Garissa au Kenia, et tant d’autres couronnes d’épines sur la tête d’une humanité qui semble préférer la mort à la vie. Où est Pâques dans ce contexte ? Où est le ressuscité ? « Il était là au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Après ces paroles, il leur montra ses mains et son côté.  Et les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.» Vraiment ?

Les chrétiens morts par fidélité à leur foi, ce sont d’abord eux qui nous montrent aujourd’hui le Christ ressuscité, avec les stigmates de leur crucifixion. Ils attestent que la vie du Christ en eux est plus forte que leur mort sous les coups des nouveaux barbares.
A nous, ces frères et sœurs aînés dans le mystère pascal nous redisent aujourd’hui, sur une partition écrite en lettres de sang : « Cesse d’être incrédule. Sois croyant. » Et Thomas répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » La foi victorieuse !

Pâques ! Il est un cadeau que personne ne pourra jamais nous enlever, ni d’ailleurs à toute l’humanité, y compris à celles et ceux qui l’ignorent ou le nient : Jésus de Nazareth, le crucifié ressuscité. Jamais Dieu ne reprendra ce cadeau-là, car une fois ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus, jamais. Et avec ce divin cadeau, cette promesse en forme de béatitude, autrement dit une assurance de bonheur : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Ceux qui croient : des heureux, dit Jésus. Où ? Dans le Royaume de Dieu, oui, bien sûr. Mais aussi dès ici-bas, lorsqu’ils deviennent des faiseurs d’heureux, quand ils sentent bon le Christ pascal au cœur du monde.
Savez-vous la bonne nouvelle ? La résurrection avance peu à peu, pas à pas sur notre terre quand nous marchons avec Jésus, le Fils de Dieu et notre frère.

* Donner la vie après l’avoir respectée, y compris dans ses commencements les plus fragiles, c’est toujours un accouchement pascal. Chers parents, vous mettez au monde un promis ou une promise à la vie éternelle, une étoile de plus au firmament du Royaume de Dieu.

* Pardonner, faire œuvre de miséricorde au lieu de choisir la vengeance ou l’indifférence : c’est passer de la mort à la vie parce qu’on sème de l’amour au printemps d’une nouvelle relation, dans le couple, en famille, dans le voisinage, ailleurs encore.

* Diffuser de la beauté, surtout quand elle donne la main à la bonté, c’est allumer un feu de Pâques, par exemple aux couleurs de la poésie, de la musique et du chant, comme on aime le faire dans ce pays qui nous accueille aujourd’hui.

* Chercher la trace des crucifiés actuels, souvent cachés dans nos sociétés d’insolente consommation, pour les consoler, les accueillir, les embrasser et leur laver les pieds comme Jésus l’a fait: c’est un peu de soleil pascal dans la nuit des oubliés et des exclus.

* Et lutter, avec des oui et avec des non, pour rendre plus humaine notre incontournable convivance ici-bas, en citoyens universels –« un seul cœur, une seule âme »- et non pas en enfants gâtés d’une helvétique prospérité : c’est revenir concrètement sous le proche de St-Nicolas où le Christ ressuscité redit sans cesse, du haut de sa croix, du cœur de sa gloire, à nous les Thomas d’aujourd’hui : « Tout ce que vous faites à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous le faites. » 

Oui, sur la terre comme au ciel.


                                                           Claude Ducarroz

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