Homélie du dimanche 12 avril 2015
RTS
Fribourg. Sa cathédrale St-Nicolas. Le porche
d’entrée est dominé par une vaste scène sculptée représentant le Christ sur son
trône royal. On pourrait l’appeler « le tympan à saint Thomas ». En
effet, ce Christ, tout ressuscité qu’il est, exhibe ostensiblement les traces
de ses plaies dans ses mains et ses pieds. Plus original encore, il a gardé la
couronne d’épines sur sa tête pourtant auréolée des rayons de la gloire
pascale. Presque mot à mot l’évangile de ce dimanche.
Et aussi l’actualité de cette semaine.
Croyants de cette unité pastorale ici réunis,
auditeurs de la RTS, d’une manière ou d’une autre, nous revenons tous des fêtes
de Pâques. Beaucoup ont accueilli le Christ dans la renaissance de la foi et dans
la prière, d’autres ont plus de peine à le reconnaître vivant et certains
resteront peut-être des Thomas un peu bloqués dans leur scepticisme. Pas vu,
pas cru ! Tous ont droit au même respect.
Les chrétiens qu’on appelle
« pratiquants » sont encore enveloppés des humeurs de l’encens ou des
rumeurs des alleluias chantés avec allégresse dans les célébrations liturgiques.
Puisque le Christ est vraiment ressuscité, alleluia ! nous sommes
ressuscités avec lui, comme osait le proclamer l’apôtre Paul, et notre vie est
cachée avec le Christ en Dieu. »
Tout va pour le mieux, en somme.
Et voici cette semaine passée : Syrie,
Irak, Nigeria, Garissa au Kenia, et tant d’autres couronnes d’épines sur la
tête d’une humanité qui semble préférer la mort à la vie. Où est Pâques dans ce
contexte ? Où est le ressuscité ? « Il était là au milieu d’eux
et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Après ces
paroles, il leur montra ses mains et son côté. Et les disciples furent
remplis de joie en voyant le Seigneur.» Vraiment ?
Les chrétiens morts par fidélité à leur foi, ce
sont d’abord eux qui nous montrent aujourd’hui le Christ ressuscité, avec les
stigmates de leur crucifixion. Ils attestent que la vie du Christ en eux est
plus forte que leur mort sous les coups des nouveaux barbares.
A nous, ces frères et sœurs aînés dans le
mystère pascal nous redisent aujourd’hui, sur une partition écrite en lettres
de sang : « Cesse d’être incrédule. Sois croyant. » Et Thomas
répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » La foi
victorieuse !
Pâques ! Il est un cadeau que personne ne
pourra jamais nous enlever, ni d’ailleurs à toute l’humanité, y compris à
celles et ceux qui l’ignorent ou le nient : Jésus de Nazareth, le crucifié
ressuscité. Jamais Dieu ne reprendra ce cadeau-là, car une fois ressuscité des
morts, le Christ ne meurt plus, jamais. Et avec ce divin cadeau, cette promesse
en forme de béatitude, autrement dit une assurance de
bonheur : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »
Ceux qui croient : des heureux, dit Jésus.
Où ? Dans le Royaume de Dieu, oui, bien sûr. Mais aussi dès ici-bas,
lorsqu’ils deviennent des faiseurs d’heureux, quand ils sentent bon le Christ
pascal au cœur du monde.
Savez-vous la bonne nouvelle ? La
résurrection avance peu à peu, pas à pas sur notre terre quand nous marchons
avec Jésus, le Fils de Dieu et notre frère.
* Donner la vie après l’avoir respectée, y
compris dans ses commencements les plus fragiles, c’est toujours un accouchement
pascal. Chers parents, vous mettez au monde un promis ou une promise à la vie
éternelle, une étoile de plus au firmament du Royaume de Dieu.
* Pardonner, faire œuvre de miséricorde au lieu
de choisir la vengeance ou l’indifférence : c’est passer de la mort à la
vie parce qu’on sème de l’amour au printemps d’une nouvelle relation, dans le
couple, en famille, dans le voisinage, ailleurs encore.
* Diffuser de la beauté, surtout quand elle
donne la main à la bonté, c’est allumer un feu de Pâques, par exemple aux
couleurs de la poésie, de la musique et du chant, comme on aime le faire dans
ce pays qui nous accueille aujourd’hui.
* Chercher la trace des crucifiés actuels,
souvent cachés dans nos sociétés d’insolente consommation, pour les consoler,
les accueillir, les embrasser et leur laver les pieds comme Jésus l’a fait:
c’est un peu de soleil pascal dans la nuit des oubliés et des exclus.
* Et lutter, avec des oui et avec des non, pour
rendre plus humaine notre incontournable convivance ici-bas, en citoyens
universels –« un seul cœur, une seule âme »- et non pas en enfants gâtés
d’une helvétique prospérité : c’est revenir concrètement sous le proche de
St-Nicolas où le Christ ressuscité redit sans cesse, du haut de sa croix, du
cœur de sa gloire, à nous les Thomas d’aujourd’hui : « Tout ce que
vous faites à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous le
faites. »
Oui, sur la terre comme au ciel.
Claude
Ducarroz
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