Drôle de roi !
Plus que ses collègues Matthieu et Luc,
l’évangéliste Marc insiste pour montrer le Christ comme roi dans le récit de sa
passion. A six reprises, il signale Jésus interpelé comme « roi des juifs ».
On peut le comprendre. Le messianisme juif attendait
bel et bien comme sauveur un roi vainqueur descendant de David. Plusieurs
prophètes l’annoncent et des psaumes le chantent. Dans l’annonce faite à Marie,
il est aussi question de placer Jésus sur le trône de David en vue d’un règne
sans fin. Jésus lui-même n’a-t-il pas promis la venue imminente du royaume de
Dieu ? Et son entrée triomphale dans Jérusalem ne pouvait que conforter
certaines espérances, en même temps que nourrir de profonds malentendus.
Devant Pilate, c’est l’heure de vérité. On habille
Jésus d’un vêtement de pourpre, mais c’est pour mieux le moquer. Sur sa tête,
on a placé une couronne d’épines. Un roseau fait office de sceptre. Les génuflexions
précèdent seulement des crachats. « Salut, roi des Juifs ! »
Et pourtant, dans notre foi, nous croyons bel
et bien que c’est lui, notre roi, le sauveur du monde.
Par quelle royauté ? Celle de l’amour qui
se donne jusqu’au bout pour manifester dans cette humiliation la puissance de
la tendresse de Dieu.
Par quel salut ? Celui qui surgira bientôt
du tombeau dans la victoire pascale, lorsqu’il attirera à lui tous les hommes
dans un immense élan de vie plus forte que la mort.
Il n’est pas si facile de comprendre que la
royauté du Christ ait dû passer par tant d’abaissements pour démontrer le
véritable secret de son humble toute-puissance.
Il n’est pas évident d’accepter que le trône de
la croix soit la première icône de la gloire du Messie.
Et pourtant le message est clair, rappelé par
saint Paul : c’est en devenant obéissant jusqu’à la mort sur la croix que
Jésus est devenu Seigneur à la gloire de Dieu le Père, et notre sauveur.
Nous sommes les disciples de ce roi-là, à moins
que nous préférions les glorioles des roitelets de ce monde. Nous ne pouvons
pas mettre notre espérance dans le salut éternel que Jésus nous offre sans
remettre en questions nos façons de « régner » dans nos relations de
chaque jour. Vénérer le crucifié, miser sur les énergies de sa résurrection,
c’est aussi le laisser transfigurer nos manières de vivre, notamment avec les
autres, surtout quand nous avons quelque pouvoir sur eux. Les héritiers de la
croix et de la Pâque ne peuvent dominer que par l’amour-serviteur et
revendiquer la première place qu’en pratiquant de multiples lavements des
pieds.
Vive notre roi ! Heureux celles et ceux
qui se sont inscrits comme citoyens de son royaume. Mais as-tu vérifié que tu
mets ta joie dans l’imitation de son étrange royauté ?
Aimer. Encore aimer.
Claude Ducarroz
Article à retrouver sur le site www.cath.ch
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