En communion avec les chrétiens persécutés
20 mars 2015
« Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai
dit de mal, mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » Jn
18,23.
Ainsi s’exprima Jésus de Nazareth devant le
grand prêtre Caïphe, après qu’un garde de celui-ci lui eut administré une
gifle.
Pas une gifle en retour de la part de Jésus,
mais une double question : sur les faits objectifs : « Montre ce
que j’ai dit de mal. » Et subjectivement, un boomerang pour sa
conscience : « Pourquoi me frappes-tu ? »
Puis Jésus fut envoyé enchaîné auprès du grand
prêtre.
Il faut oser parler, dénoncer, interroger tant
sur les évènements que sur les motivations. Le silence ne doit pas devenir le
meilleur complice des persécutions. A l’heure des médias mondialisés, il faut
continuer de dire la vérité, par respect pour celles et ceux qui souffrent, mais
aussi par espoir de conversion chez ceux qui font souffrir. On peut nous
enlever beaucoup de choses, mais pas la liberté de penser et le courage de
s’exprimer au nom des survivants, des blessés et des morts. A propos des
disciples justement, Jésus dit aux Pharisiens la veille de sa passion : « Si
eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront. » Lc 19,40.
Nous devons encore crier.
Et puis
arrive le moment où, selon les évangélistes Matthieu et Marc, Jésus se tait et
ne dit plus rien. Et son silence est aussitôt sanctionné : « Ils se
mirent à cracher sur lui et à lui donner des coups. » Mt 26,67.
Une liberté encore plus profonde que celle de
la parole : garder le silence pour se replier totalement en Dieu, pour
offrir le sacrifice de l’agneau muet conduit à l’abattoir. Il y a un moment où
seul le mystère d’un immense silence peut encore narguer l’anti-mystère de
l’horreur.
Dans notre silence de communion eucharistique,
nous donnons la main ce soir à tous ces silencieux persécutés, souvent jusqu’à
la mort, qui imitent le silence et la liberté de Jésus parce que, comme lui,
ils ont déjà tout donné, tout offert.
Et puis Jésus reprit la parole, sur la croix.
C’était pour prier. Prier le Père et prier pour ses bourreaux. S’il lui resta
encore des paroles à dire, dans les soupirs de sa souffrance, dans le souffle
de la fin, ce furent celles-ci, pleinement ajustées au cœur de Dieu : « Père,
je remets mon esprit entre tes mains. Lc 23,46…Père, pardonne-leur, car ils ne
savent pas ce qu’ils font. » Lc 23,34.
Pour confier le dernier mot à l’amour, de Dieu
et des autres, y compris de ceux qui le faisaient injustement souffrir et
mourir. Avec le Christ et avec les chrétiens, du moment que l’Esprit est émis, transmis
au cœur de l’épreuve, la seule victoire promise et permise est celle de l’amour
plus fort que la haine, que la violence, que la mort.
Les persécuteurs croient leur avoir tout pris,
et parfois ça les fait rire en levant au ciel leur couteau ou leur kalachnikof.
Mais c’est évidemment une illusion d’optique. Les vrais vainqueurs sont ceux
qui, comme Jésus, donnent leur vie pour ceux qu’ils aiment, y compris pour
leurs ennemis. Comment ne pas dire notre reconnaissance émue à celles et ceux
qui nous entraînent ainsi vers les plus hauts courages, vers le plus bel amour,
au matin de Pâques.
Et nous ici, ce soir.
Et demain, et les jours suivants ?
Continuer de vivre en éveillés, jamais
complices des silences de l’indifférence. Oser dire encore et toujours quand il
s’agit des nôtres et aussi quand il s’agit des autres, car tout homme est une
histoire sacrée.
Et aussi déposer nos solidarités dans nos
silences priants, dans nos générosités concrètes et discrètes parce que la
communion des saints enrôle d’abord la cohorte des martyrs, ceux d’hier et ceux
d’aujourd’hui.
Et prier, personnellement et en communauté,
pour ceux qui meurent et aussi pour ceux qui font mourir, comme l’a fait Jésus
sur sa croix. Il ne faut jamais désespérer, surtout pas de la miséricorde de
Dieu et pas non plus de la capacité des larrons d’aujourd’hui, qui sait ?
de changer leur cœur en se laissant aimer, y compris par ceux qu’ils
persécutent.
Et surtout demander pour nos frères et sœurs
cruellement martyrisés, de pouvoir tenir bon jusqu’au bout. Et demander pour
nous de ne jamais céder aux sirènes du confort dans la foi, mais plutôt de
choisir le courage de persévérer dans la fidélité au Christ et à l’Eglise, quoi
qu’il en coûte. Comme eux.
Quand des frères et sœurs souffrent et meurent
« à cause de Jésus et de l’Evangile », comment ne pas miser plus
résolument, pour être heureux, sur le bonheur promis aux pauvres de cœur, aux
doux, à ceux qui pleurent, aux affamés de justice, aux miséricordieux, aux cœurs
purs, aux artisans de paix, afin que nous gardions la joie et l’allégresse,
s’il advenait que nous soyons persécutés, nous aussi, à cause du Royaume de
Dieu.
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