jeudi 19 mars 2015

En communion avec les chrétiens persécutés

En communion avec les chrétiens persécutés
20 mars 2015

« Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal, mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » Jn 18,23.
Ainsi s’exprima Jésus de Nazareth devant le grand prêtre Caïphe, après qu’un garde de celui-ci lui eut administré une gifle.
Pas une gifle en retour de la part de Jésus, mais une double question : sur les faits objectifs : « Montre ce que j’ai dit de mal. » Et subjectivement, un boomerang pour sa conscience : « Pourquoi me frappes-tu ? »
Puis Jésus fut envoyé enchaîné auprès du grand prêtre.

Il faut oser parler, dénoncer, interroger tant sur les évènements que sur les motivations. Le silence ne doit pas devenir le meilleur complice des persécutions. A l’heure des médias mondialisés, il faut continuer de dire la vérité, par respect pour celles et ceux qui souffrent, mais aussi par espoir de conversion chez ceux qui font souffrir. On peut nous enlever beaucoup de choses, mais pas la liberté de penser et le courage de s’exprimer au nom des survivants, des blessés et des morts. A propos des disciples justement, Jésus dit aux Pharisiens la veille de sa passion : « Si eux se taisent, ce sont les pierres qui crieront. »  Lc 19,40.
Nous devons encore crier.

 Et puis arrive le moment où, selon les évangélistes Matthieu et Marc, Jésus se tait et ne dit plus rien. Et son silence est aussitôt sanctionné : « Ils se mirent à cracher sur lui et à lui donner des coups. » Mt 26,67.
Une liberté encore plus profonde que celle de la parole : garder le silence pour se replier totalement en Dieu, pour offrir le sacrifice de l’agneau muet conduit à l’abattoir. Il y a un moment où seul le mystère d’un immense silence peut encore narguer l’anti-mystère de l’horreur.
Dans notre silence de communion eucharistique, nous donnons la main ce soir à tous ces silencieux persécutés, souvent jusqu’à la mort, qui imitent le silence et la liberté de Jésus parce que, comme lui, ils ont déjà tout donné, tout offert.

Et puis Jésus reprit la parole, sur la croix. C’était pour prier. Prier le Père et prier pour ses bourreaux. S’il lui resta encore des paroles à dire, dans les soupirs de sa souffrance, dans le souffle de la fin, ce furent celles-ci, pleinement ajustées au cœur de Dieu : « Père, je remets mon esprit entre tes mains. Lc 23,46…Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Lc 23,34.

Pour confier le dernier mot à l’amour, de Dieu et des autres, y compris de ceux qui le faisaient injustement souffrir et mourir. Avec le Christ et avec les chrétiens, du moment que l’Esprit est émis, transmis au cœur de l’épreuve, la seule victoire promise et permise est celle de l’amour plus fort que la haine, que la violence, que la mort.

Les persécuteurs croient leur avoir tout pris, et parfois ça les fait rire en levant au ciel leur couteau ou leur kalachnikof. Mais c’est évidemment une illusion d’optique. Les vrais vainqueurs sont ceux qui, comme Jésus, donnent leur vie pour ceux qu’ils aiment, y compris pour leurs ennemis. Comment ne pas dire notre reconnaissance émue à celles et ceux qui nous entraînent ainsi vers les plus hauts courages, vers le plus bel amour, au matin de Pâques.


Et nous ici, ce soir. Et demain, et les jours suivants ?
Continuer de vivre en éveillés, jamais complices des silences de l’indifférence. Oser dire encore et toujours quand il s’agit des nôtres et aussi quand il s’agit des autres, car tout homme est une histoire sacrée.
Et aussi déposer nos solidarités dans nos silences priants, dans nos générosités concrètes et discrètes parce que la communion des saints enrôle d’abord la cohorte des martyrs, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui.
Et prier, personnellement et en communauté, pour ceux qui meurent et aussi pour ceux qui font mourir, comme l’a fait Jésus sur sa croix. Il ne faut jamais désespérer, surtout pas de la miséricorde de Dieu et pas non plus de la capacité des larrons d’aujourd’hui, qui sait ? de changer leur cœur en se laissant aimer, y compris par ceux qu’ils persécutent.

Et surtout demander pour nos frères et sœurs cruellement martyrisés, de pouvoir tenir bon jusqu’au bout. Et demander pour nous de ne jamais céder aux sirènes du confort dans la foi, mais plutôt de choisir le courage de persévérer dans la fidélité au Christ et à l’Eglise, quoi qu’il en coûte. Comme eux.

Quand des frères et sœurs souffrent et meurent « à cause de Jésus et de l’Evangile », comment ne pas miser plus résolument, pour être heureux, sur le bonheur promis aux pauvres de cœur, aux doux, à ceux qui pleurent, aux affamés de justice, aux miséricordieux, aux cœurs purs, aux artisans de paix, afin que nous gardions la joie et l’allégresse, s’il advenait que nous soyons persécutés, nous aussi, à cause du Royaume de Dieu.

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