Lisez Abdennour Bidar !
Reconnaissons-le. Les attentats terroristes de
ce début d’année nous ont tous traumatisés. Avec des réactions contrastées et
même contradictoires.
Les (bons) musulmans et leurs sympathisants ont
aussitôt clamé bien fort : « De telles horreurs, ce n’est pas
l’islam ; ces terroristes ne sont pas des nôtres ! » Un déni, en
somme.
En face, les simplificateurs habituels ne se
sont pas gênés pour rétorquer : « Les masques sont tombés.
Attention ! Voilà où peut mener l’islam, y compris chez nous. » Gare
à l’islamophobie !
Qui donc pourrait nous aider à interpréter ces
tristes évènements dans une lumière plus objective et dans une atmosphère plus
sereine ? J’ai espéré qu’un « sage musulman » vienne à
notre secours parce qu’il serait le plus compétent pour mener cette opération-
vérité, sans complaisance et sans préjugés non plus.
Puis-je vous recommander celui que j’ai
trouvé ? Je le fais d’autant plus que
sa « lettre ouverte au monde musulman » date d’octobre 2014,
soit bien avant les évènements de janvier dernier.
L’auteur se nomme Abdennour Bidar. Il est
philosophe, de formation et de culture musulmanes. Sa lettre est assez longue,
mais elle mérite méditation, des deux côtés de la barrière.
Pour que nos amis musulmans assument mieux leurs
responsabilités, notamment dans l’avenir, et pour que nos boute-feu occidentaux fassent
preuve de davantage de retenue.
Car nous avons tous intérêt à tout faire pour
éviter le clash des civilisations dans lequel nous risquons de nous laisser
entraîner, si l’on ferme les yeux pour ne rien voir ou si nous regardons avec
les lunettes de l’affrontement inévitable, voire programmé.
Oui, nous sommes tous mis au défi. Mais une
chose est sûre : nous ne pouvons le relever qu’ensemble. On appelle cela
le dialogue dans la vérité pour des rapprochements dans la fraternité et pour
la construction d’une patrie commune dans la paix.
Claude Ducarroz
Voici copie de la
lettre ouverte en question
Philosophe spécialiste des évolutions
contemporaines de l'islam et des théories de la sécularisation et
post-sécularisation
Lettre ouverte au monde musulman
LE HUFFINGTON POST
Publication:
15/10/2014 22:58 Mis à jour: 9
janvier 2015
Cher
monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de
loin - de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd'hui. Je te
regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf
(soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma
position de barzakh, d'isthme entre les deux mers de l'Orient et de
l'Occident!
Et qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce
que je vois mieux que d'autres sans doute parce que justement je te regarde de
loin, avec le recul de la distance ? Je te vois toi, dans un état de misère et
de souffrance qui me rend infiniment triste, mais qui rend encore plus sévère
mon jugement de philosophe ! Car je te vois en train d'enfanter un monstre qui
prétend se nommer État islamique et auquel certains préfèrent donner un nom de
démon : DAESH. Mais le pire est que je te vois te perdre - perdre ton temps et
ton honneur - dans le refus de reconnaître que ce monstre est né de toi, de tes
errances, de tes contradictions, de ton écartèlement interminable entre passé
et présent, de ton incapacité trop durable à trouver ta place dans la
civilisation humaine.
Que dis-tu en effet face à ce
monstre ? Quel est ton unique discours ? Tu cries « Ce n'est pas moi ! »,
« Ce n'est pas l'islam ! ». Tu refuses que les crimes de ce
monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName). Tu t'indignes devant
une telle monstruosité, tu t'insurges aussi que le monstre usurpe ton identité,
et bien sûr tu as raison de le faire. Il est indispensable qu'à la face du
monde tu proclames ainsi, haut et fort, que l'islam dénonce la barbarie. Mais
c'est tout à fait insuffisant ! Car tu te réfugies dans le réflexe de
l'autodéfense sans assumer aussi, et surtout, la responsabilité de l'autocritique.
Tu te contentes de t'indigner, alors que ce moment historique aurait été une si
formidable occasion de te remettre en question ! Et comme d'habitude, tu
accuses au lieu de prendre ta propre responsabilité : « Arrêtez, vous les
occidentaux, et vous tous les ennemis de l'islam de nous associer à ce monstre
! Le terrorisme, ce n'est pas l'islam, le vrai islam, le bon islam qui ne veut
pas dire la guerre, mais la paix! »
J'entends ce cri de révolte qui
monte en toi, ô mon cher monde musulman, et je le comprends. Oui tu as raison,
comme chacune des autres grandes inspirations sacrées du monde l'islam a créé
tout au long de son histoire de la Beauté, de la Justice, du Sens, du Bien, et
il a puissamment éclairé l'être humain sur le chemin du mystère de l'existence...
Je me bats ici en Occident, dans chacun de mes livres, pour que cette sagesse
de l'islam et de toutes les religions ne soit pas oubliée ni méprisée ! Mais de
ma position lointaine, je vois aussi autre chose - que tu ne sais pas voir ou
que tu ne veux pas voir... Et cela m'inspire une question, LA grande question :
pourquoi ce monstre t'a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble
a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? Pourquoi a-t-il pris le
masque de l'islam et pas un autre masque ? C'est qu'en réalité derrière cette
image du monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à
regarder en face. Il le faut bien pourtant, il faut que tu en aies le courage.
Ce problème est celui des racines du mal. D'où viennent les crimes de ce soi-disant « État islamique » ? Je vais te le dire, mon ami. Et cela ne va pas te faire plaisir, mais c'est mon devoir de philosophe. Les racines de ce mal qui te vole aujourd'hui ton visage sont en toi-même, le monstre est sorti de ton propre ventre, le cancer est dans ton propre corps. Et de ton ventre malade, il sortira dans le futur autant de nouveaux monstres - pires encore que celui-ci - aussi longtemps que tu refuseras de regarder cette vérité en face, aussi longtemps que tu tarderas à l'admettre et à attaquer enfin cette racine du mal !
Même les intellectuels occidentaux,
quand je leur dis cela, ont de la difficulté à le voir : pour la plupart, ils
ont tellement oublié ce qu'est la puissance de la religion - en bien et en mal,
sur la vie et sur la mort - qu'ils me disent « Non le problème du monde
musulman n'est pas l'islam, pas la religion, mais la politique, l'histoire,
l'économie, etc. ». Ils vivent dans des sociétés si sécularisées
qu'ils ne se souviennent plus du tout que la religion peut être le cœur du
réacteur d'une civilisation humaine ! Et que l'avenir de l'humanité passera
demain non pas seulement par la résolution de la crise financière et
économique, mais de façon bien plus essentielle par la résolution de la crise
spirituelle sans précédent que traverse notre humanité toute entière !
Saurons-nous tous nous rassembler, à l'échelle de la planète, pour affronter ce
défi fondamental ? La nature spirituelle de l'homme a horreur du vide, et si
elle ne trouve rien de nouveau pour le remplir elle le fera demain avec des
religions toujours plus inadaptées au présent - et qui comme l'islam
actuellement se mettront alors à produire des monstres.
Je vois en toi, ô monde musulman,
des forces immenses prêtes à se lever pour contribuer à cet effort mondial de
trouver une vie spirituelle pour le XXIe siècle ! Il y a en toi en
effet, malgré la gravité de ta maladie, malgré l'étendue des ombres
d'obscurantisme qui veulent te recouvrir tout entier, une multitude
extraordinaire de femmes et d'hommes qui sont prêts à réformer l'islam,
à réinventer son génie au-delà de ses formes historiques et à participer ainsi
au renouvellement complet du rapport que l'humanité entretenait jusque-là avec
ses dieux ! C'est à tous ceux-là, musulmans et non musulmans qui rêvent
ensemble de révolution spirituelle, que je me suis adressé dans mes livres !
Pour leur donner, avec mes mots de philosophe, confiance en ce qu'entrevoit
leur espérance!
Il y a dans la Oumma (communauté
des musulmans) de ces femmes et ces hommes de progrès qui portent en eux la
vision du futur spirituel de l'être humain. Mais ils ne sont pas encore assez
nombreux ni leur parole assez puissante. Tous ceux-là, dont je salue la
lucidité et le courage, ont parfaitement vu que c'est l'état général de maladie
profonde du monde musulman qui explique la naissance des monstres terroristes
aux noms d'Al Qaida, Al Nostra, AQMI ou de l'«État islamique». Ils ont bien
compris que ce ne sont là que les symptômes les plus graves et les plus
visibles sur un immense corps malade, dont les maladies chroniques sont les
suivantes: impuissance à instituer des démocraties durables dans lesquelles est
reconnue comme droit moral et politique la liberté de conscience vis-à-vis des
dogmes de la religion; prison morale et sociale d'une religion dogmatique,
figée, et parfois totalitaire ; difficultés chroniques à améliorer la condition
des femmes dans le sens de l'égalité, de la responsabilité et de la liberté;
impuissance à séparer suffisamment le pouvoir politique de son contrôle par
l'autorité de la religion; incapacité à instituer un respect, une tolérance et
une véritable reconnaissance du pluralisme religieux et des minorités
religieuses.
Tout cela serait-il donc la faute de
l'Occident ? Combien de temps précieux, d'années cruciales, vas-tu perdre
encore, ô cher monde musulman, avec cette accusation stupide à laquelle
toi-même tu ne crois plus, et derrière laquelle tu te caches pour continuer à
te mentir à toi-même ? Si je te critique aussi durement, ce n'est pas parce que
je suis un philosophe « occidental », mais parce que je suis un de tes
fils conscients de tout ce que tu as perdu de ta grandeur passée depuis si
longtemps qu'elle est devenue un mythe !
Depuis le XVIIIe siècle en
particulier, il est temps de te l'avouer enfin, tu as été incapable de répondre
au défi de l'Occident. Soit tu t'es réfugié de façon infantile et mortifère
dans le passé, avec la régression intolérante et obscurantiste du wahhabisme
qui continue de faire des ravages presque partout à l'intérieur de tes frontières
- un wahhabisme que tu répands à partir de tes lieux saints de l'Arabie
Saoudite comme un cancer qui partirait de ton cœur lui-même ! Soit tu as suivi
le pire de cet Occident, en produisant comme lui des nationalismes et un
modernisme qui est une caricature de modernité - je veux parler de cette
frénésie de consommation, ou bien encore de ce développement technologique sans
cohérence avec leur archaïsme religieux qui fait de tes « élites » richissimes
du Golfe seulement des victimes consentantes de la maladie désormais mondiale
qu'est le culte du dieu argent.
Qu'as-tu d'admirable aujourd'hui,
mon ami ? Qu'est-ce qui en toi reste digne de susciter le respect et
l'admiration des autres peuples et civilisations de la Terre ? Où sont tes
sages, et as-tu encore une sagesse à proposer au monde ? Où sont tes grands
hommes, qui sont tes Mandela, qui sont tes Gandhi, qui sont tes Aung San Suu
Kyi ? Où sont tes grands penseurs, tes intellectuels dont les livres devraient
être lus dans le monde entier comme au temps où les mathématiciens et les
philosophes arabes ou persans faisaient référence de l'Inde à l'Espagne ? En
réalité tu es devenu si faible, si impuissant derrière la certitude que tu
affiches toujours au sujet de toi-même... Tu ne sais plus du tout qui tu es ni
où tu veux aller et cela te rend aussi malheureux qu'agressif... Tu t'obstines
à ne pas écouter ceux qui t'appellent à changer en te libérant enfin de la
domination que tu as offerte à la religion sur la vie toute entière. Tu as choisi
de considérer que Mohammed était prophète et roi. Tu as choisi de définir
l'islam comme religion politique, sociale, morale, devant régner comme un tyran
aussi bien sur l'État que sur la vie civile, aussi bien dans la rue et dans la
maison qu'à l'intérieur même de chaque conscience. Tu as choisi de croire et
d'imposer que l'islam veut dire soumission alors que le Coran lui-même
proclame qu'«Il n'y a pas de contrainte en religion» (La ikraha fi
Dîn). Tu as fait de son Appel à la liberté l'empire de la contrainte !
Comment une civilisation peut-elle trahir à ce point son propre texte sacré ?
Je dis qu'il est l'heure, dans la civilisation de l'islam, d'instituer cette
liberté spirituelle - la plus sublime et difficile de toutes - à la place de
toutes les lois inventées par des générations de théologiens !
De nombreuses voix que tu ne veux
pas entendre s'élèvent aujourd'hui dans la Oumma pour s'insurger contre
ce scandale, pour dénoncer ce tabou d'une religion autoritaire et indiscutable
dont se servent ses chefs pour perpétuer indéfiniment leur domination... Au
point que trop de croyants ont tellement intériorisé une culture de la
soumission à la tradition et aux « maîtres de religion » (imams, muftis,
shouyoukhs, etc.) qu'ils ne comprennent même pas qu'on leur parle de liberté
spirituelle, et n'admettent pas qu'on ose leur parler de choix personnel
vis-à-vis des « piliers » de l'islam. Tout cela constitue pour eux une « ligne
rouge », quelque chose de trop sacré pour qu'ils osent donner à leur propre conscience
le droit de le remettre en question ! Et il y a tant de ces familles, tant de
ces sociétés musulmanes où cette confusion entre spiritualité et servitude est
incrustée dans les esprits dès leur plus jeune âge, et où l'éducation
spirituelle est d'une telle pauvreté que tout ce qui concerne de près ou de
loin la religion reste ainsi quelque chose qui ne se discute pas!
Or cela, de toute évidence, n'est
pas imposé par le terrorisme de quelques fous, par quelques troupes de
fanatiques embarqués par l'État islamique. Non, ce problème-là est infiniment
plus profond et infiniment plus vaste ! Mais qui le verra et le dira ? Qui veut
l'entendre ? Silence là-dessus dans le monde musulman, et dans les médias
occidentaux on n'entend plus que tous ces spécialistes du terrorisme qui
aggravent jour après jour la myopie générale ! Il ne faut donc pas que tu
t'illusionnes, ô mon ami, en croyant et en faisant croire que quand on en aura
fini avec le terrorisme islamiste l'islam aura réglé ses problèmes ! Car tout
ce que je viens d'évoquer - une religion tyrannique, dogmatique, littéraliste,
formaliste, machiste, conservatrice, régressive - est trop souvent, pas
toujours, mais trop souvent, l'islam ordinaire, l'islam quotidien, qui souffre
et fait souffrir trop de consciences, l'islam de la tradition et du passé,
l'islam déformé par tous ceux qui l'utilisent politiquement, l'islam qui finit
encore et toujours par étouffer les Printemps arabes et la voix de toutes ses
jeunesses qui demandent autre chose. Quand donc vas-tu faire enfin ta vraie
révolution ? Cette révolution qui dans les sociétés et les consciences fera
rimer définitivement religion et liberté, cette révolution sans retour
qui prendra acte que la religion est devenue un fait social parmi d'autres
partout dans le monde, et que ses droits exorbitants n'ont plus aucune
légitimité !
Bien sûr, dans ton immense
territoire, il y a des îlots de liberté spirituelle : des familles qui
transmettent un islam de tolérance, de choix personnel, d'approfondissement
spirituel ; des milieux sociaux où la cage de la prison religieuse s'est
ouverte ou entrouverte ; des lieux où l'islam donne encore le meilleur de
lui-même, c'est-à-dire une culture du partage, de l'honneur, de la recherche du
savoir, et une spiritualité en quête de ce lieu sacré où l'être humain et la
réalité ultime qu'on appelle Allâh se rencontrent. Il y a en Terre
d'islam et partout dans les communautés musulmanes du monde des consciences fortes
et libres, mais elles restent condamnées à vivre leur liberté sans assurance,
sans reconnaissance d'un véritable droit, à leurs risques et périls face au
contrôle communautaire ou bien même parfois face à la police religieuse. Jamais
pour l'instant le droit de dire « Je choisis mon islam », « J'ai mon
propre rapport à l'islam » n'a été reconnu par « l'islam officiel » des
dignitaires. Ceux-là au contraire s'acharnent à imposer que « La doctrine de
l'islam est unique » et que « L'obéissance aux piliers de l'islam est la
seule voie droite » (sirâtou-l-moustaqîm).
Ce refus du droit à la liberté
vis-à-vis de la religion est l'une de ces racines du mal dont tu souffres, ô
mon cher monde musulman, l'un de ces ventres obscurs où grandissent les
monstres que tu fais bondir depuis quelques années au visage effrayé du monde
entier. Car cette religion de fer impose à tes sociétés tout entières une
violence insoutenable. Elle enferme toujours trop de tes filles et tous tes
fils dans la cage d'un Bien et d'un Mal, d'un licite (halâl) et d'un illicite
(harâm) que personne ne choisit, mais que tout le monde subit. Elle
emprisonne les volontés, elle conditionne les esprits, elle empêche ou entrave
tout choix de vie personnel. Dans trop de tes contrées, tu associes encore la
religion et la violence - contre les femmes, contre les « mauvais croyants »,
contre les minorités chrétiennes ou autres, contre les penseurs et les esprits
libres, contre les rebelles - de telle sorte que cette religion et cette
violence finissent par se confondre, chez les plus déséquilibrés et les plus
fragiles de tes fils, dans la monstruosité du jihad !
Alors, ne t'étonne donc pas, ne fais
plus semblant de t'étonner, je t'en prie, que des démons tels que le soi-disant
État islamique t'aient pris ton visage ! Car les monstres et les démons ne
volent que les visages qui sont déjà déformés par trop de grimaces ! Et si tu
veux savoir comment ne plus enfanter de tels monstres, je vais te le dire.
C'est simple et très difficile à la fois. Il faut que tu commences par
réformer toute l'éducation que tu donnes à tes enfants, que tu réformes
chacune de tes écoles, chacun de tes lieux de savoir et de pouvoir. Que tu les
réformes pour les diriger selon des principes universels (même si tu n'es pas
le seul à les transgresser ou à persister dans leur ignorance) : la liberté de
conscience, la démocratie, la tolérance et le droit de cité pour toute la
diversité des visions du monde et des croyances, l'égalité des sexes et l'émancipation
des femmes de toute tutelle masculine, la réflexion et la culture critique du
religieux dans les universités, la littérature, les médias. Tu ne peux plus
reculer, tu ne peux plus faire moins que tout cela ! Tu ne peux plus faire
moins que ta révolution spirituelle la plus complète ! C'est le seul moyen
pour toi de ne plus enfanter de tels monstres, et si tu ne le fais pas tu seras
bientôt dévasté par leur puissance de destruction. Quand tu auras mené à bien
cette tâche colossale - au lieu de te réfugier encore et toujours dans la
mauvaise foi et l'aveuglement volontaire, alors plus aucun monstre abject ne
pourra plus venir te voler ton visage.
Cher monde musulman... Je ne suis
qu'un philosophe, et comme d'habitude certains diront que le philosophe est un
hérétique. Je ne cherche pourtant qu'à faire resplendir à nouveau la lumière -
c'est le nom que tu m'as donné qui me le commande, Abdennour, « Serviteur
de la Lumière ».
Je n'aurais pas été si sévère dans
cette lettre si je ne croyais pas en toi. Comme on dit en français: «Qui
aime bien châtie bien». Et au contraire tous ceux qui aujourd'hui ne sont pas
assez sévères avec toi - qui te trouvent toujours des excuses, qui veulent
faire de toi une victime, ou qui ne voient pas ta responsabilité dans ce qui
t'arrive - tous ceux-là en réalité ne te rendent pas service ! Je crois en toi,
je crois en ta contribution à faire demain de notre planète un univers à la
fois plus humain et plus spirituel ! Salâm, que la paix soit sur toi.
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