Homélie de Pentecôte
Le Saint Esprit, le grand méconnu de la Sainte
Trinité ! La preuve : on ne peut pas représenter le Saint-Esprit,
sinon par une colombe, référence à l’épisode du baptême de Jésus. Même dans le
Credo, sa carte d’identité est plutôt sobre. Il est Seigneur, il donne la vie,
il procède du Père et du Fils, il a parlé par les prophètes.
Je vous propose donc d’aller voir du côté de sa
carte de visite. Autrement dit de méditer son action pour mieux connaître sa
personnalité. C’est surtout l’évènement de Pentecôte qui peut révéler ce qu’il
est à travers ce qu’il fait, aujourd’hui encore.
On peut le résumer
ainsi : intériorité et extériorité.
Intériorité d’abord. L’Eglise -soit les apôtres
avec Marie, quelques femmes et les frères de Jésus- se rassemble d’abord dans
la « chambre haute » pour y vivre l’expérience d’une famille unie par
la mémoire vive de Jésus, par la prière assidue et par le souci des affaires de
cette petite communauté. Il fallait entre autres surmonter l’épreuve de la
disparition de Judas et le remplacer dans le service apostolique, ce qui fut
fait sous la présidence de Pierre, mais avec la participation active et priante
de toute l’assemblée.
Voilà pour l’intériorité. Elle était
nécessaire, et même bienfaisante. Il faut aussi que les chrétiens, habités par
l’Esprit, sachent se réunir pour cultiver leur joie de croire à l’évangile, le
bonheur de prier ensemble, le courage augmenté par une vraie fraternité de
partage et de responsabilité.
Et puis soudain, c’est l’explosion ! Un bruit tel que celui
d’un violent coup de vent, des langues de feu, une sorte de pagaille « spirituelle »
qui provoque le rassemblement d’une foule prise à la fois de stupeur et
d’émerveillement. Nous connaissons la suite : les apôtres –qui n’étaient
pas des intellos- osent s’adresser à cette foule bouleversée ; Pierre, le
rude pêcheur de Galilée, tient un long discours d’évangélisation sur une place
de Jérusalem. Premières conversions, premiers baptêmes, premières effusions de
l’Esprit sur les croyants.
Voilà pour l’extériorité. L’Esprit a poussé la
petite Eglise du Cénacle sur la place publique pour qu’elle ose affronter le
tout venant des religions et la variété des cultures, avec quelques succès,
certes, mais bientôt aussi avec des oppositions qui iront même jusqu’aux
persécutions. Et ils ont tenu bon, toujours grâce au même Saint Esprit.
Le Saint Esprit, maître de l’intériorité,
moteur de l’extériorité. Et combien nous avons besoin, aujourd’hui plus que
jamais, de l’un et de l’autre !
Dans une société qui nous agresse sans cesse
par les publicités les plus accrocheuses –pour ne pas dire aguichantes-, nous
sommes continuellement sollicités par l’activisme effréné qui nous propulse à la
superficie de nous-mêmes, au risque de nous perdre sous la cascade des
informations pêle-mêle et sous l’avalanche des divertissements épidermiques.
Comme il est vital, alors, de trouver ou de retrouver, un cénacle intérieur qui
nous reconstitue dans le silence habité, la prière personnelle, la réflexion
sereine. Oui, que l’Esprit nous inspire les chemins de la paix du cœur, goûtée
sans modération, puisque nous avons tellement besoin, en trouvant au fond de
soi notre hôte « plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes », de nous
retrouver au meilleur de ce que nous sommes, dans la douce lumière de ce même
Esprit.
Cependant l’Esprit n’est pas un somnifère en
nous. Il arrive aussi –heureusement pour nous et pour les autres- que ce même
Esprit nous bouscule pour nous envoyer au dehors, comme il le fit pour les
apôtres. Etre chrétien, c’est aussi avoir le courage de sortir. Autrement dit,
une certaine mystique ne doit pas nous servir d’excuse pour sommeiller dans
notre petit coin, à l’abri des tempêtes ou des douleurs du monde.
Sortir
sur les places publiques, c’est oser affronter le monde des autres, souvent
très « autres » par leurs religions, par leurs opinions, par leurs
manières de vivre. Ils ont sûrement quelque chose à nous apporter ou à nous
apprendre, mais nous avons aussi de bonnes choses à leur proposer, à commencer
par ce merveilleux évangile, la bonne nouvelle destinée à tous, qui peut et
doit donner un sens nouveau à la vie, à la mort, à la destinée éternelle.
Cette sortie indispensable, oeuvre de l’Esprit
Saint qui nous accompagne toujours, ça vaut pour chacun de nous et ça vaut
aussi pour l’Eglise entière, aujourd’hui sous la guidée d’un pape qui a autant
le souci de l’intériorité que de la mission jusqu’aux périphéries de l’homme et
de l’humanité.
Pentecôte sur le monde, sur l’Eglise, en chacun
de nous : n’allons pas bouder la visite de l’Esprit qui veut sans cesse
renouveler la face de notre terre.
Claude Ducarroz
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