mercredi 13 mai 2015

Homélie pour l'Ascension

Ascension du Seigneur
2015

« Dans une société obsédée par ce qui est superficiel, concentrons-nous sur ce qui est essentiel. »
Cette sage invitation n’est pas sortie de mon petit cerveau. Je l’ai entendue à la télévision romande dans un spot de publicité.
Très bien. Me direz-vous. Mais qu’est-ce qui est essentiel ? Eh ! bien vous, par exemple, que répondriez-vous ? Pour vous, dans la vie, qu’est-ce qui est essentiel ?
Sur notre télévision, on a donné une réponse claire : c’est … le déodorant masculin ! Pchiit, pschiit ! Mais ne comptez pas sur moi pour vous dire la marque. On ne doit pas faire de la pub à l’église.

Une autre réponse à cette question jaillit de la liturgie de ce jour. C’est la séquence publicitaire de Jésus, relayée par l’Eglise en ce jour de l’Ascension.
Au moment où l’aventure christique s’achève en ce monde –non pas sur son lit de mort mais dans le sursaut de Pâques-, Jésus de Nazareth nous adresse un dernier message en forme d’évènement. Il monte au ciel après avoir abondamment parlé à ses disciples du Royaume de Dieu. Autrement dit, notre essentiel se trouve en Dieu vers lequel Jésus, après avoir accompli sa mission ici-bas, retourne définitivement pour s’asseoir, comme il est dit, « à la droite de son Père. »

Mais attention ! On pourrait en déduire que ce Jésus occupe désormais un trône privilégié dans la divinité, comme un enfant gâté par son papa du ciel. Tout le contraire. En Jésus, c’est un homme, un humain comme nous, qui pénètre pour la première fois dans la gloire de Dieu. Qui plus est, il y entre comme le premier né d’une multitude de frères –et sœurs- que nous sommes, bien décidé, comme il nous l’a promis, à nous préparer une place dans cette maison du Père où il nous attend pour partager avec nous sa vie et son bonheur éternels. Dès lors notre essentiel, si l’on songe au but final de notre existence, dépasse ce monde qui passe pour s’établir fermement là où le Christ nous donne rendez-vous pour être toujours auprès de lui. D’où cette invitation de l’apôtre Paul : « Puisque vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ » Col. 3,1.

Est-ce à dire qu’il nous faut rester là immobiles, le regard fixé au ciel, les yeux à midi moins dix et l’esprit dans les nuages ? Sûrement pas puisque, le jour même de l’ascension du Seigneur, « des hommes vêtus de blanc » -comme il est écrit- ont invité les apôtres à cesser de regarder le ciel pour incarner leur découverte de l’essentiel christique dans leur vie ordinaire en ce bas monde. Descendre du balcon, comme dit le pape François.

Oui, l’essentiel chrétien a ses racines dans le ciel où Jésus nous a réservé une place - ne l’oublions jamais. Mais les fruits de cette belle vocation doivent  grandir, mûrir et se déguster sur notre terre. En attendant l’entrée dans le Royaume de Dieu.
 Soyons prêts, mais pas nécessairement pressés. Il y a encore de l’essentiel à vivre, à partager, à rayonner en nous et parmi nous.
D’ailleurs les textes liturgiques nous dressent une liste impressionnante. Si nous sommes destinés au ciel – et c’est un immense cadeau-, il ne s’agit pas de sommeiller sur terre comme des voyageurs fatigués –ou paresseux - dans la salle d’attente du paradis.
Voyons de plus près.

L’apôtre Paul, qui est en prison à cause du Seigneur, nous invite à nous conduire d’une manière digne de notre vocation ultime. Autrement dit à toujours miser sur l’amour qui fait l’unité entre les humains.  Puisque l’amour ne passe jamais, il est vraiment l’ingrédient du Royaume, et donc la meilleure recette pour vivre heureux ici-bas, tout en prenant le chemin qui mène au paradis.

Et puis une autre proposition s’ajoute. Elle s’appelle l’évangélisation. « Proclamez l’évangile à toute la création », dit Jésus avant d’être enlevé au ciel. C’est bien ce que firent les apôtres et beaucoup d’autres après eux. La preuve, c’est que nous sommes là chrétiens aujourd’hui. Il dépend de nous maintenant que d’autres chrétiens soient engendrés dans la foi en notre monde afin que finalement notre humanité ne perde pas l’orientation ni le goût du Royaume promis à tous.

Enfin les lectures insistent beaucoup sur la vie ou plutôt la vitalité de l’Eglise, car il faut que tous les fidèles s’engagent dans les tâches des divers ministères pour que se construise le corps du Christ jusqu’à atteindre sa stature dans sa plénitude. Etre chrétien, ce n’est pas regarder les autres jouer l’évangile en étant vautré dans son fauteuil tout en suçant des bonbons à l’eau bénite. On est tous sur le terrain, dans des rôles différents mais complémentaires, parce que à chacun de nous, dit l’apôtre Paul, une grâce a été donnée selon la mesure du cadeau fait par le Christ. Une grâce pour ce temps et pour l’éternité.

Que voilà une magnifique feuille de route pour des chrétiens en marche vers le Royaume, guidés par la parole de Dieu, animés par l’Esprit, dans la fraternité d’une Eglise vivante.
Bon voyage ! 
                                                           Claude Ducarroz


                                                           

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