Notre-Dame des Centaures
Fribourg, le 7 juin
2015
« C’est en Dieu
que nous avons la vie, le mouvement et l’être. » Ac. 17,28.
Un seul cheval lui a sans doute suffi pour
passer de Thessalonique à Athènes, car il n’est pas arrivé en moto sur
l’aréopage de la grande cité grecque. Le plus important est ailleurs. Là, au
milieu de la foule bruyante et bruissante, l’apôtre Paul a délivré un certain
message qui a encore quelque chose à nous dire, à nous, les bruyants et les
bruissants du 21ème siècle, avec ou sans moto. C’est Dieu qui nous
donne à tous « la vie, le mouvement et l’être. » Ac 17,28.
La vie, c’est nous, les
vivants, hommes et femmes créés à l’image de Dieu, des êtres qui sont les biens
les plus précieux sur cette terre. Car, comme le dit un psaume en s’adressant à
Dieu : « Qu’est-ce que l’homme, le fils d’Adam ? A peine le
fis-tu moindre qu’un dieu. Tu l’as couronné de gloire et de beauté pour qu’il
domine sur l’œuvre de tes mains. Tout fut mis par toi sous ses pieds. »
Ps. 8.
Toi, le motard, homme ou femme, n’est-ce pas un
peu la sensation que tu éprouves sur ta puissante machine. Mais ce n’est pas ta machine qui est la plus
forte, la plus belle, la plus glorieuse. C’est toi, l’être humain, signature de
Dieu en ce monde, merveille de la création. Toi, tel que tu es, et aussi tes
passagers évidemment, sans oublier celles et ceux que tu rencontres ou croises
en leur faisant un signe de la main dans la magnifique solidarité des motards.
Mais il y a aussi les autres, tous les autres,
au bord des routes, dans les villes et les villages : ils sont comme toi,
des humains, à commencer par les petits et les fragiles que tu dois respecter
et protéger en priorité, tes frères et sœurs en commune humanité. La vie,
toutes nos vies, c’est cadeau, c’est humain, c’est divin.
En Dieu nous avons la vie.
Et puis il y a le mouvement. Alors ça,
c’est toi, sans doute plus que d’autres, chers motards. La mobilité, la
vitesse, le vent qui claque, le compteur qui monte, les kilomètres de la
découverte, mais aussi les arrêts bénis pour de vraies rencontres, au-delà des
barrières et des frontières. En résumé : la joie de parcourir le monde
pour mieux l’admirer, le bonheur de susciter des amitiés pour dilater les cœurs
aux dimensions de notre vaste et pourtant si petite terre.
Je t’invite à ne pas l’oublier. Quand ça bouge,
quand ça déménage, quand ça pétarade, tu as sûrement de beaux rêves à réaliser
dans ta tête, des performances à dépasser pour te sentir vivre, des voyages à
conduire jusqu’au bout de tes désirs un peu fous.
Mais les vrais mouvements qui t’augmentent en
qualité humaine, ne son-ils pas d’abord intérieurs ? La vitesse à chercher
et même à dépasser, n’est-ce pas surtout celle qui te porte à aimer, plus loin mais surtout plus
profond ?
Et ces voyages du cœur et de l’esprit qui te
permettent de demeurer un champion d’humanité, cordiale et raisonnable, ils
sont aussi savoureux quand tu poses la
moto pour te reposer, pour réfléchir et peut-être aussi pour prier, comme ce
matin dans cette cathédrale.
Et quand viendra le jour où tu devras abandonner
l’amie-moto -à moins qu’elle t’ait
abandonné la première-, il s’agira de rester un humain fort et digne, dans le
silence qui monte à l’horizon des souvenirs, à l’automne de la vie, jusque dans
la nuit.
En Dieu, nous avons le
mouvement. Mais c’est aussi en lui que nous
pouvons trouver le vrai repos.
Et puis enfin, il y a l’être.
Un vivant qui bouge, c’est sûrement un motard,
réellement ou symboliquement.
Mais au tréfonds de ta vie, ami, il y a l’être,
ton être. Peut-être l’as-tu pressenti davantage en remontant des dangers et en
prenant des risques, cet être, ton mystère personnel, ton destin, ta vocation à
l’éternité.
Plus fort que ta propre vie en mouvement, plus important
que les vitesses magiques qui fascinent et enivrent, il y a ton être enraciné
dans l’Etre majuscule qu’est Dieu. Et nous savons depuis notre ami et Seigneur
Jésus de Nazareth, que Dieu est amour, une tendresse plus vigoureuse que la
mort, une véritable puissance de résurrection.
Si tu y croies sur parole, tant mieux. Si tu
n’y crois pas, je veux y croire pour toi et je te le dis : le vrai voyage
humain, c’est celui qui mène finalement au royaume de Dieu. Là, au terme de
notre épopée, qu’elle soit humble ou glorieuse et quel que soit l’instrument
utilisé pour nos aventures terrestres, c’est dans la maison de Dieu que nous
nous retrouverons tous, à égalité d’accueil, notre être enfin posé et reposé
dans le cœur même d’un Dieu que nous osons appeler « Notre Père… »
Il serait bien dommage que, grisés par tous les
exploits possibles dans ce monde qui passe, nous oublions de prendre conscience
que nous sommes appelés tous à parvenir un jour dans le paradis des communions
qui ne passent pas.
En vous bénissant, vos personnes d’abord avec vos
familles et vos amis, et aussi, d’une autre manière, vos machines de
prédilection, je voudrais surtout vous dire ceci : avec toute
l’Eglise, je prie avec vous et pour vous
afin que vos routes soient sûres, vos randonnées joyeuses, vos comportements
responsables, vos solidarités fidèles et votre bonheur, finalement, éternel.
Claude
Ducarroz
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