Dies academicus 2015
Homélie
Siracide 15,1-6 ;
Matthieu 13,47-52.
En famille avec la
Sagesse…
A la pêche
en vue du Royaume des cieux…
Tel se présente le programme biblique en cette
messe de la saint Albert le Grand, patron de notre université.
Peut-être faut-il commencer par la pêche, pas à
la ligne, mais au filet, s’il-vous-plaît ! Jésus parle au bord d’un lac.
On a affaire à des professionnels. Mais l’image n’est pas très bucolique
puisqu’il s’agit pour Jésus et l’évangéliste d’avertir l’assemblée que notre
destinée, certes aimantée par la grâce de Dieu, est pilotée par une liberté qui
peut nous conduire soit dans le Royaume de Dieu, soit dans ce qui est appelé
ici « la fournaise » (kaminos tou purou).
Grandeur et dignité de la condition humaine.
Elle court parfois le risque du pire pour pouvoir mieux choisir librement le
meilleur, ce Royaume offert par Dieu comme un merveilleux cadeau, toujours
proposé, jamais imposé, infiniment désirable sans être irrésistible.
Et puis il semble –dans cet évangile- que nous
passons ensuite à l’université de Galilée. Le maître Jésus pose cette question
à ses auditeurs : « Avez-vous
compris tout cela ? ». (Mt 13,51). Que des bons étudiants ! Les réponses
sont unanimes et évidentes : Oui !
Et pourtant l’essentiel reste à faire, à savoir
passer du brillant intellectuel qui a –presque – tout compris au statut de
disciple prêt à suivre ce Maître-là, jusqu’à la croix, jusqu’à la Pâque,
jusqu’au Royaume.
Et ça, pour moi comme pour vous, n’est-ce
pas ?, c’est encore une autre
histoire : l’aventure de la foi, le courage de l’espérance, la
générosité de l’amour. Bonne route !
Heureusement, nous
avons une compagne et un compagnon de route dans ce pèlerinage vers le Royaume.
La compagne, c’est la Sagesse –sofia-, et aussi bien le compagnon Jésus de
Nazareth « rempli de sagesse » (Lc 2,40), « puissance et sagesse
de Dieu » (I Co 1,24). C’est elle et c’est lui que le frère prêcheur Albert le Grand a rencontrés
dans la foi, contemplé dans sa mystique, fréquenté dans sa théologie et servi au
cœur de l’Eglise par son ministère doctoral et épiscopal.
Dans la synthèse de la
sagesse -avec minuscule – et de la Sagesse –avec majuscule-, sans confusion
mais sans séparation, saint Albert a été capable de tirer du neuf et de
l’ancien. La nouveauté des sciences toujours à découvrir, mais aussi les
surprises des interprétations et des applications issues de l’insondable
révélation biblique. Comme il serait absurde de croire que la nouveauté est
seulement du côté des sciences et des techniques, tandis que l’ancien, immuable
et répétitif, résiderait en somnolant dans le lit de la théologie et de la
religion.
Le pape François vient
de fournir opportunément une démonstration contraire dans son encyclique
Laudato si. Il a su faire jaillir beaucoup de neuf du trésor biblique et
ecclésial, quand il féconde, à la manière d’un ferment, les réalités humaines, y compris écologiques et sociales.
Etre savant, c’est très bien, nécessaire,
noble, surtout en milieu universitaire. Mais être sage, c’est encore mieux, ce
qui ne disqualifie ou déprécie nullement les connaissances et les compétences,
mais les sublime dans une vision supérieure sur l’être et par un agir efficace toujours
orienté par l’amour, la voie suprême.
Elle affleure déjà, cette Sagesse, sous la
plume de Jésus, fils de Sira, notable de Jérusalem vers 180 avant notre ère.
Pénétré par l’amour de la Torah, fidèle pieux et éclairé, il pouvait être
accueillant à certaines vérités et qualités issues de l’hellénisme.
Ici, la Sagesse qui vient à la rencontre du
futur disciple se présente comme une mère, comme une jeune épouse, comme un
père solide sur qui on peut s’appuyer avec confiance. Et le résultat est
là : dans cette riche famille ornée de multiples charismes, le disciple
sera bien nourri du pain de l’intelligence, abreuvé de l’eau de la Sagesse et
finalement couronné de joie et d’allégresse (Cf. Si 15,1-6). Qui dit
mieux ?
On dirait un programme de vie pour une
université, surtout si elle se prétend –encore ?- catholique.
Si les sciences - toutes les sciences- doivent y briller sans modération, si la
Sagesse divine doit y rayonner dans le respect des consciences, que règne aussi
un état d’esprit plus familial, plus fraternel. Alors se donnent la main, dans
une saine et sainte harmonie, ce qui enrichit l’esprit, ce qui prépare à
l’action, ce qui fait chaud au cœur et ce qui oriente toutes choses vers le
Royaume des cieux en germination dès ici-bas.
Il y a encore de belles réserves d’humanité et
d’humanisme à vivre dans notre chère université.
Claude
Ducarroz
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