mercredi 2 décembre 2015

Autour des noces de Cana

20 novembre 2015
Matinée des aumôniers
HFR Fribourg


Les noces de Cana (Jn 2, 1-12)

Ce sera un voyage en 3 cercles autour de ce texte, comme une parole en colimaçon. Il faut le prendre d’abord pour lui-même dans un sens strictement biblique, puis faire référence à votre ministère et finalement le confronter au texte du Pape François pour la journée des malades.
1. Icône de l’Église.
Ce texte de Jean décrit une Eglise en marche, en pèlerinage, dans un milieu concret. Nous sommes déjà orientés par les tout premiers mots : le troisième jour. Il y a dès le départ un parfum de Pâques (Cf. « Il est ressuscité le troisième jour »). Déjà il est fait référence à ce que Jésus appelle son heure, « mon heure n’est pas encore venue ». Le troisième jour sera précisément son heure, l’heure de sa Pâque.

Des noces, ce n’est pas banal ; elles évoquent mystiquement l’Alliance avec un Dieu à rencontrer comme époux (référence à l’Ancien Testament). Au bout de la table, à la fin du banquet des noces, il y a cette eucharistie qui affleure dans le texte où il y a du vin et de la fête. Encore d’autres parfums !

Toute l’Église est déjà là en germe parce que Jésus est invité. Il a accepté l’invitation. La mère de Jésus est aussi là, dimension mariale qui implique une dimension féminine et maternelle. Les disciples, les croyants sont là. Dès le départ, il y a une grande densité d’Eglise : dimension christique, dimension mariale et dimension du peuple de Dieu.

Cette Église est invitée pour une fête où il y a de la joie (c’est une noce) mais elle est aussi affrontée à un manque, ce qui crée un problème et suscite une question. On voit le rôle de la femme dans cette dynamique qui va du manque à la recherche d’une réponse. La femme remarque, transmet, met à l’action et suscite la confiance de ceux qui doivent faire quelque chose. Il y a déjà un rôle ministériel assumé par une femme au niveau de l’intuition féminine : la mise en confiance et la mise en action.

Jésus a un rôle plutôt masculin parce qu’il résiste dans un premier temps à la tendresse féminine. Il  veut mettre à l’épreuve pour permettre faire une preuve. Finalement lui-même, entrainé par la femme sa mère, accomplit une action en suscitant des collaborations lui aussi. Marie passe par les serviteurs et Jésus fait de même.

Jésus se fait le disciple de Marie dans cette conjoncture. C’est plein de ministères (à retrouver les nôtres !) : remplir, puiser, apporter. Remplir une certaine plénitude humaine ; puiser, aller chercher au fond de cette humanité ; apporter, partager.  Il faut combler les autres après avoir rempli les vases.

Tout cela se passe sous le signe de la surabondance : les grandes jarres, afin rien ne se perde, jusqu’au bord. Il y a une surabondance pascale dans l’eau changée en vin, ça sent la résurrection, ça déborde. Jésus le fait comme signe, sacrement, en Galilée et non à Jérusalem (on retrouve les périphéries !).

Le but de ce parcours qui traverse le temps, c’est de susciter la foi des disciples et de manifester la gloire de Jésus (les deux mains des sacrements). Une fois ce signe célébré, l’Eglise doit continuer en allant plus loin. Vers la fin du texte, l’Eglise est à nouveau là, mais cette fois-ci avec des frères qui se sont ajoutés (entrainés par la joie de la fête) et qui vont toujours plus loin.

2. Application au ministère 
Il faut prendre conscience que la vie des hommes, des êtres vivants doit être et rester une invitation à la fête. Nous sommes tous invités à la noce,  nous avons tous droit à la joie en existant. Le bonheur c’est pour tous. On le souhaite pour soi et pour les autres.
Les personnes qu’on rencontre, qu’elles l’avouent ou non, continuent d’avoir conscience qu’elles aussi ont droit au bonheur. Mais alors pourquoi la maladie ? Aussi bien les soignants que les aumôniers souhaitent leur rendre un certain bonheur, même si le bonheur est une conquête difficile et parfois impossible.

Le manque, le malheur est à constater.  Il y a ce grand manque dans le texte : plus de vin, moins de bonheur. Comment l’Église dans le contexte du malheur peut-elle rester invitante à la fête ? A l’existence ? Dans les reproches des gens blessés par elle, l’Église a souvent été perçue comme ennemie du bonheur. Il y a quelque chose de ça dans les expériences, les souvenirs de beaucoup.

Mais par ailleurs, comment dans une humanité qui a soif de bonheur, manifester une Église de compassion, une Église amie ? Eviter la prédicatrice d’une croix sans pâques, c’est à dire rester à l’eau et ne pas faire santé avec le vin de la fête ?

En même temps, il y a inévitablement ce manque perçu dans nos ministères : on est témoin et on le ressent au niveau du cœur, de la psychologie et de l’affectivité. On ne rencontre parfois que des frustrations, des épreuves, des drames, une longue litanie dans les couleurs du malheur.

Nous avons besoin d’une Église qui est d’abord sensible et respectueuse comme Marie et Jésus, qui fait aussi confiance à la vie et aux compétences, y compris du personnel, et qui mobilise. Marie et Jésus n’ont jamais estimé qu’ils puissent tout faire tous seuls. Tantôt nous sommes ceux qui remplissent jusqu'au bord, tantôt nous sommes appelés à puiser et à apporter dans la variété des services et des circonstances.

L’humain est à rejoindre avec les jarres, car quand l’eau devient vin, c’est la nature qui devient culture. Le vin est le fruit du travail humain (il n’y a pas de vin dans les rivières !). Cette culture à partir de la nature est à placer dans ce qui permet de la partager. Nature plus culture dans une structure ; et la structure, c’est la maison, c’est l’Église. On est porteur de la jarre de la maison humaine et de la jarre un peu plus mystique de l’Église pour que la nature et la culture deviennent un cadeau.

Rejoindre l’humain, c’est rejoindre les humains. Ici il y a les servants, les proches (les disciples, Marie) et les aidants, et parfois les « proches aidant ». C’est tout le service après le miracle que Jésus a suscité et même encouragé dans la confiance. Il y a une communauté de service qui peut ressembler à ce que nous sommes. A travers nos services, nous adressons une invitation pascale, en passant de l’eau au vin et jusqu’à une certaine ivresse. Remplir, puiser, partager : voilà les étapes de la mission qui nous a été confiée.

Les serviteurs et les apôtres restent dans la discrétion et l’anonymat. On ne sait pas qui sont les serviteurs, mais leur présence a changé l’ambiance de la noce. La pâque met dans un autre état d’esprit, une autre ambiance. Peut-être, la présence des serviteurs –que nous sommes- contribue-t-elle à une autre manière de souffrir et de mourir. En tout cas, les serviteurs cherchent à être au plus près de l’humain qui souffre, espère et meurt.


3. Ce que le Pape François dit
Jésus donne rendez-vous en Galilée. Hôpital et noces, c’est très contrasté. En Galilée il y a Nazareth et Marie que le pape appelle comme un porte clé pour interpréter la vraie vie. En Galilée, il y a aussi Cana. C’est là que le Verbe s’est fait chair.
L’existence humaine est mise à l’épreuve par la maladie et le handicap. Il faut une grande délicatesse et un grand respect vis-à-vis de celui et celle qui souffre. On ne peut pas employer des expressions telles que « le Seigneur vous aime beaucoup parce qu’il vous éprouve beaucoup ».  Mettez-vous donc à ma place , pourrait dire la personne souffrante.

Le pape est très respectueux pour considérer la dimension de la foi de celui et celle qui souffre. Même la foi en Dieu peut être chahutée, perturbée, voire momentanément niée à cause de la souffrance. Le pape nous propose une clé pour comprendre : la croix et Marie au pied de la croix.

Il insiste sur une spiritualité mariale pour inspirer l’action de l’Eglise. Une Église qui, comme Marie, découvre les besoins, prie Jésus et agit en mettant d’autres à l’action. Dans les circonstances de la maladie et de la souffrance, voilà une sorte de feuille de route pour ceux qui sont au service et qui cherchent à apporter consolation dans l’épreuve (Cf. 2 Cor 1, 3-5).

Dans son message, le pape François insiste sur la signification de Cana pour notre ministère. À Cana, tout révèle Jésus. Il y a toujours dans la vie une meilleure façon de connaître Jésus, de le voir et de l’entendre. Or  c’est un Jésus de compassion, de tendresse qui apporte le salut. Pour nous, dans notre ministère, il ne faut pas rater la compassion ni la tendresse. Le salut dans la perspective chrétienne nous dépasse et nous conduit jusqu’à la pâque et dans le Royaume de Dieu. L’esprit de service est l’esprit du serviteur qui révèle le salut.

Le message fait aussi allusion à l’interreligieux. L’hôpital est invité à devenir un lieu de dépassement de toutes les limites et les divisions, par la promotion d’une culture de la rencontre. Il n’y a pas une allusion explicite à l’œcuménisme, mais le judaïsme et l’islam sont mentionnés ainsi que deux figures, deux femmes canonisées en Terre Sainte, qui furent témoins d’unité.

Enfin, que d’espérance pour nous tous dans cet évènement de Cana !  C’est une allusion à l’eucharistie, source et sommet de la vie de l’Eglise. C’est aussi un Evangile pour la pastorale de la santé.



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