Quatrième dimanche de l’Avent 2015
La porte !
La porte. Quand on entend ce cri dans un appartement,
c’est que quelqu’un souhaite qu’elle soit fermée, la porte. Parce qu’il y a un courant d’air ou parce qu’on
redoute une visite inopportune, qui sait ? peut-être un cambrioleur. Et
puis, comme dit la sagesse populaire : « Il faut qu’une porte soit
ouverte ou fermée ». Spontanément -avouez-le-, on préfère qu’elle soit
fermée…notre porte.
L’année sainte de la miséricorde s’est ouverte
–c’est le cas de le dire- par l’ouverture d’une porte un peu partout dans le
monde, y compris dans notre cathédrale. Et la liturgie de ce jour ne manque pas
de portes qui s’ouvrent plutôt que de portes qui se ferment en nous claquant au
nez.
« Je suis la porte », disait Jésus.
« Qui entrera par moi sera sauvé. Il entrera et sortira, et trouvera sa
pâture. »
Et voilà deux indications essentielles :
la vraie porte, c’est quelqu’un et non pas quelque chose. Et puis par la porte,
on peut entrer, mais il faut aussi savoir sortir.
Oui, Dieu est entré dans notre monde -c’est le
mystère de Noël- par la porte de Jésus, par la porte qu’est Jésus. Dès lors,
Dieu tient porte ouverte et même table ouverte pour toute l’humanité. Car c’est
le Dieu Amour –qu’on peut aussi appeler miséricorde- qui a passé et continue de
passer par cette porte vivante, jamais refermée quoi qu’il arrive, comme le
cœur de Jésus ouvert à deux battants sur la croix. Et s’il y a un certain
courant d’air, c’est celui de l’Esprit qui souffle où il veut et maintient un certain
état d’esprit évangélique dans notre monde.
Mais quand Dieu veut venir à notre rencontre,
il n’entre pas comme un voleur, par effraction. N’imaginons jamais un divin ou
chrétien cambrioleur. Ce ne serait plus une visite d’amour.
« Voici que je me tiens à la porte et je
frappe », dit le Jésus de l’Apocalypse. « Si quelqu’un entend ma voix
et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près
de moi. »
La plus belle démonstration de ce dialogue sur
le pas de porte, c’est Marie, la grande figure de ce dimanche avant Noël. Il a
fallu que Marie écoute et entende la voix de Dieu portée par l’ange. Elle a
d’abord entrouvert à la surprise de Dieu, elle a dialogué en toute liberté
respectée. Et puis elle a ouvert toute grande la porte de sa foi, en toute
humilité : « Qu’il me soit fait selon ta parole ». Et quand
l’ange la quitte, un autre entre en elle, dans son cœur de croyante et jusque
dans son corps désormais maternel : « Le Verbe s’est fait
chair, il a habité parmi nous. »
Encore fallait-il ensuite qu’elle passe la
porte dans l’autre sens. Au lieu de cultiver en cachette son intimité désormais
divinement habitée, elle part, elle s’en va, et c’est même dit
« rapidement ou avec empressement. » Il lui faut sortir pour aller
frapper à la porte d’une autre, car lorsque Dieu entre chez quelqu’un, même
discrètement, il le fait sortir à la rencontre des autres pour que de telles
visites deviennent des visitations.
En ouvrant sa porte à Marie, Elisabeth se
retrouve ouvrant la porte à Jésus en visite anonyme, mais réelle, avec sa mère.
De nouveau le courant d’air de l’Esprit –« elle fut remplie de
l’Esprit-Saint- et de nouveau la même joie partagée, « Heureuse es-tu… »
-une béatitude de la porte ouverte- et bientôt le chant du Magnificat. Car Dieu
accomplit des merveilles, et d’abord pour les petites servantes qui savent
ouvrir les portes de la foi et de l’amour quand le Seigneur heurte à leur maison.
Les portes de l’Année de la miséricorde se sont
ouvertes, y compris ici dans notre cathédrale. Il est grand temps de passer du
symbole à la réalité.
Ouvrir nos portes à Dieu qui frappe. Il faut un
peu plus de silence pour l’entendre, en évitant les bruyantes agitations que
notre société nous présente – ou plutôt nous vend- aux environs de Noël. C’est
au-dedans de nous, dans la crèche de notre vie intérieure, que Jésus veut
reposer, offert par son Père et porté par Marie. Ouvrir la porte, c’est alors
prier en solitude ou en communauté et méditer la Parole.
Mais attention ! N’allons pas nous
enfermer à portes closes dans une vie spirituelle certes fort pieuse mais
déconnectée du monde et de ses drames. Plus que jamais, il nous faut aussi
passer la porte dans l’autre sens pour aller vers les autres, sortir à la
rencontre de celles et ceux qui comptent sur notre visite pour vivre, revivre,
peut-être seulement survivre.
On sait ce qui est arrivé à Marie enceinte et à
Joseph le charpentier : ils n’ont trouvé que des portes fermées, car il
n’y avait pas de place pour eux, même dans une salle commune.
Il y a tant d’humains aujourd’hui à travers le
monde qui en sont là. De grâce, qu’il n’en soit pas ainsi chez nous, a fortiori
à Noël.
La porte ! Si possible toujours ouverte.
Pour aller et venir. Pour accueillir au-dedans l’hôte divin, pour aller au
dehors à la rencontre de nos frères et sœurs pèlerins d’humanité avec nous.
Voilà les ingrédients pour réussir un vrai menu
de Noël au goût de Bethléem.
Claude Ducarroz
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