Fête de la Sainte Famille
Mystère merveilleux.
Ou défi à relever. Ou cause perdue.
Que choisissez-vous ? A propos de
quoi ? De la famille évidemment. Je précise : celle qui se vit chez
nous.
Les statistiques sont étonnantes, et parfois
même un peu effrayantes, il faut le reconnaître. Vous pouvez les consulter sur
internet.
Il y a des évidences : chez nous, un
mariage sur deux aboutit à un divorce ou à une séparation durable, ce qui
signifie donc que les familles monoparentales -provisoires ou définitives-
explosent, avec des enfants tiraillés entre papa et maman séparés.
Conséquence : il y a de moins en moins de
mariages parce que l’on préfère vivre ensemble sans se marier puisque,
semble-t-il, si l’amour est aveugle, le mariage lui ouvre les yeux.
Par ailleurs tous les prêtres vous diront que
les mariages à l’église sont de plus en plus rares. Ainsi va la famille chez
nous !
Et pourtant notre Eglise –faut-il dire plutôt
les célibataires qui la dirigent ? -continue de miser sur la famille en
l’ornant de multiples et parfois sublimes qualités.
Nous fêtons la sainte famille de Jésus, Marie
et Joseph. Comment ne serait-elle pas sainte avec l’alliance de telles
personnes? Mais justement -me direz-vous- nous ne sommes pas des
« vierge-mère », des « chaste époux » et des « enfant
Jésus ». Or précisément l’évangile de cette fête prouve que même la sainte
famille de Nazareth a traversé des épreuves et rencontré de pénibles
difficultés.
Le départ lui-même fut problématique :
Marie est enceinte avant le mariage –on devine les jugements et les commentaires-
et Joseph a même songé à la renvoyer en secret. La naissance de leur enfant ne
fut pas non plus de tout repos : au cours d’un voyage imposé et finalement
dans une mangeoire pour animaux. La suite ne fut guère meilleure : la fuite
en Egypte en catastrophe pour échapper à la folie meurtrière d’un dictateur. Et
maintenant qu’ils ont retrouvé la paix de Nazareth, voici que leur Jésus fait
une fugue qui les a fait beaucoup souffrir, justifiée par une belle phrase
qu’ils ne comprirent pas : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être
chez mon Père ? »
On peut presque dire
que rien ne leur fut épargné.
Quel était donc, dans ce contexte agité et
parfois douloureux, le secret de leur sainteté ? C’est le croisement ou
plutôt la rencontre de deux mystères, pour cette famille dans la personne de
Jésus, et pour nos familles dans l’expérience quotidienne de la vie. Oui, le
mystère trinitaire de l’Amour majuscule inscrit dans la réalisation toute
humaine des amours minuscules.
Autrement dit : ce que le sacrement de
mariage exprime et consacre, à savoir l’alliance nouée entre le Dieu-Trinité et
cette trinité humaine que constitue au jour le jour la communion de l’homme, de
la femme et de l’enfant, par les corps, par les cœurs, par les volontés, par le
travail, par la spiritualité.
Puisque Dieu est trois en un par l’amour
infini, puisqu’il nous a créés à son image dans l’alliance basique de l’homme,
de la femme et de l’enfant – chacun de nous n’est-il pas le troisième de deux
autres ?-, alors nous sommes reliés vitalement par conception, par
naissance et par existence au mystère de Dieu lui-même. Nous ne pouvons pas
couper le cordon ombilical qui nous ancre dans le Créateur, ou alors nous
cesserions d’exister.
Sur cette assise divine reposent et se
construisent les familles humaines, dans la variété de leurs figures sociales
et dans les aléas de leurs parcours de vie. L’Eglise est là, et elle sera
toujours là, pour rappeler l’éminente dignité de telles familles, leurs valeurs
humaines, leurs beautés évangéliques et leur vocation au royaume de Dieu, après
les joies, les peines et souvent les épreuves du parcours ici-bas.
Ce n’est sûrement pas un hasard. Après avoir
longuement médité sur la famille et les familles au cours de deux synodes
d’évêques, notre Eglise est entrée dans une année sainte de la miséricorde. Oui,
il y a un cœur plus fort que toutes les misères, y compris celles que portent
ou traversent nos familles. Qui plus que les familles –nos familles concrètes-
a besoin de miséricorde aujourd’hui ? La fragilité des personnes, les
conditionnements de la société –notamment en ce qui concerne la sexualité et la
fidélité- ainsi que la perte d’élan religieux mettent à l’épreuve nos familles,
y compris celles qui semblaient très
bien parties.
Nous ne pouvons pas rabaisser l’idéal familial
au niveau des modes éphémères et des slogans publicitaires qui finalement
provoquent de nombreuses victimes chez les plus faibles, je pense en
particulier aux enfants. Mais il nous faut davantage faire preuve et œuvre d’affection, de
compréhension et surtout de soutien à l’égard des familles éprouvées, si
nombreuses aujourd’hui. Comment ? En
les invitant à croire à l’amour, y compris jusqu’au pardon quand c’est encore
possible, et en les encourageant à trouver dans la foi priante ce qui leur permettra,
non pas d’être parfaites, mais de grandir à partir de leur vie concrète, sur le
chemin d’une montée vers l’idéal, peu à peu, sans se décourager. D’ailleurs
n’est-ce pas dans cette croissance qu’elles trouvent et trouveront leur vrai
bonheur ?
Dans la famille de Nazareth, Jésus était sans
doute le plus parfait. Et pourtant il est dit de lui qu’ »il grandissait
en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. »
Qu’il en soit ainsi de
nos familles !
Oui, la famille demeure un merveilleux mystère
en ses profondeurs cachées et souvent si peu reconnues. Elle comporte bien des
défis à relever, aujourd’hui comme à chaque époque. Elle n’est sûrement pas une
cause perdue.
Claude Ducarroz
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire