2ème
dimanche de l’Avent 2015
Saint Nicolas souffre d’une forte concurrence.
Cette année, le 6 décembre tombe sur le deuxième dimanche de l’Avent. Comme on
l’a bien fêté hier, c’est normal qu’il s’efface devant la liturgie de l’Avent.
Et là, qui retrouve-t-on ? Jean-Baptiste le Précurseur, évidemment. Mais
pour arriver jusqu’à lui, il faut franchir, au garde-à-vous, toute une rangée
de grands personnages de l’histoire politique et militaire -un empereur, des rois et des gouverneurs-,
sans compter deux grands prêtres d’Israël, Hanne et Caïphe, pour faire bonne
mesure.
Luc était un historien. Il tient à situer la
venue de Jésus le Christ dans la trame de l’histoire universelle, car le
Sauveur n’est pas un fantôme chevauchant les nébuleuses des mythes, mais bel et
bien un homme concret apparu en un temps et à un lieu précis de notre histoire.
Jésus de Nazareth, c’est du concret, et non pas une légende en forme de bulle
de savon.
Mais derrière les précisions quasi
scientifiques, il y a une intention plus théologique. Ce défilé des personnages
païens et juifs veut signifier dès le départ ce que Jean-Baptiste rappelle en
citant le prophète Isaïe : Tout être
vivant verra le salut de Dieu. A savoir : Jésus est le sauveur unique
de tous les hommes de tous les temps.
Encore faut-il, après cette introduction
solennelle, rejoindre Jean le Baptiste dans le désert et au bord du Jourdain.
Et là, il y a un gros boulot. Le plus difficile et le plus profond s’exprime en
un mot : la conversion, par un changement radical de vie qui s’éloigne
résolument du péché. Tout cela est expliqué par des images d’apparence
bucolique, mais néanmoins fort exigeantes.
Jugez plutôt : rendre droits des sentiers, combler des ravins, abaisser
des montagnes, aplanir des sentiers tortueux etc… Bien du courage !
Revoilà, me direz-vous, le côté pénible de la
religion, un programme de devoirs astreignants, la preuve, une fois de plus,
que le christianisme est l’ennemi du bonheur et du plaisir ! La réponse se
trouve dans la première lecture tirée du prophète Baruch qui dit : « Jérusalem, quitte ta robe de
tristesse et de misère, revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours…
Dieu conduira Israël dans la joie, avec sa miséricorde et sa justice. »
De belles promesses, n’est-ce pas ?, mais
on en est encore si loin, quand on regarde ce qui se passe dans le monde, et
même parfois dans l’Eglise, sans compter les inquiétants remue-ménage qui
agitent notre propre cœur.
Alors, faut-il désespérer ? Surtout pas,
car il y eut Noël, il y eut Jésus de Nazareth, celui qui est mort sur la croix
pour prouver l’amour de Dieu à l’égard de notre humanité et de notre monde,
celui qui est ressuscité au matin de Pâques pour confirmer et sceller la
victoire du Dieu-Tendresse et Miséricorde.
Alors, me direz-vous,
que nous reste-t-il à faire ?
D’abord rien. Tout à recevoir, gratuitement. Et
quoi donc ? En premier lieu cette bonne nouvelle : Dieu est amour, et puisque nous sommes
souvent des misérables, cet amour devient miséricorde, à savoir un amour
brûlant et dévorant nos misères, depuis
que le Christ Jésus sur la croix les a prises et cachées dans son cœur
ouvert. Miseri-corde ! Nous sommes, nous agissons, nous avançons sous le
régime divin de la miséricorde. C’est ce que le pape François veut nous
rappeler en promulguant une année de la miséricorde, marquée par des pardons
demandés et reçus, ces pardons qui nous parviennent par le sacrement de la
réconciliation, mais aussi par l’eucharistie en vue de la rémission des péchés.
Quand de tels cadeaux nous sont offerts, comment se fait-il que nous soyons si peu
sensibles, et même souvent indifférents devant de telles démonstrations de
l’amour divin ?
Quand donc allons-nous
enfin nous laisser aimer par le Dieu-Amour ?
Nous laisser
aimer : n’y aurait-il rien d’autre à faire ?
Si, mais seulement ensuite, car on ne peut
aimer à notre tour qu’en sachant combien nous sommes aimés de Dieu, même quand
nous ne sommes pas très aimables.
Et la meilleure manière de dire merci, c’est de
devenir, ne serait-ce qu’un peu, des Jean-Baptiste pour aujourd’hui.
Qu’est-ce à
dire ?
Croire et proclamer, en paroles et en actes,
que Dieu existe, qu’il est Amour et qu’il nous l’a montré en Jésus-Christ.
Autrement dit : nous cramponner à l’évangile, surtout si beaucoup d’autres
n’y croient pas ou n’y croient plus. Pas pour leur faire la leçon ou se croire
meilleurs qu’eux, mais pour leur donner envie d’accrocher, eux aussi, leur
existence au seul sauveur de toute l’humanité.
Et puis nous mettre au travail, animés par
l’Esprit et stimulés par ses énergies, pour que l’Eglise d’abord et ensuite
notre société, créent peu à peu des espaces de justice, de paix, de solidarité,
de réconciliation. En un mot : de fraternité universelle. Et nous savons
bien que pour cela, il y a encore beaucoup de chemins à rectifier, de ravins à
combler, de collines à abaisser, de passages tortueux à aplanir, y compris dans
nos familles.
Nous avons la chance d’habiter une ville de
ponts, y compris le dernier, particulièrement utile et même très beau. Voilà
qui devrait susciter en nous une mentalité de pontifes, à savoir de
constructeur de ponts entre tous les humains, au lieu de dresser des barrières
entre les origines, les religions et les cultures.
Concrètement : quelle pierre, aujourd’hui,
as-tu déjà apportée à la construction du pont de la fraternité humaine que
Jésus est venue promouvoir, à Noël, sur la croix et à Pâques, en attendant le
grand rassemblement dans son Royaume de gloire ? Comment va atterrir, en
toi et au milieu de nous, cette promesse typique de la nuit de Noël : « Paix sur la terre aux hommes que Dieu
aime » ?
Seulement une pierre, peut-être même un petit
caillou, et déjà tu es ou tu deviens un Jean-Baptiste pour notre temps afin
que, même dans les déserts de notre monde, tout homme, toute femme, tout enfant
puisse voir et accueillir le salut de Dieu. Ou au moins le deviner et déjà s’en
réjouir un peu.
Ainsi soit-il !
Oui, qu’il en soit ainsi !
Amen.
Claude Ducarroz
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