Homélie
3ème dimanche de carême 2016
Etes-vous du genre patient ou du genre
impatient ? Si je posais cette question aux seuls hommes, ils me répondraient sans doute:
« Demandez à nos épouses ou nos compagnes. Elles sont mieux placées que
nous pour le savoir. »
Et Dieu ? Est-il du genre patient ou
impatient ? D’ailleurs est-ce permis de lui poser cette question ?
Eh ! bien oui, si l’on en croit ce qu’en dit Jésus lui-même dans
l’évangile de ce jour. On peut même être plus précis en suivant la parabole de la
finale du texte : Avec nous, Dieu est-il le jardiner impatient ou le
vigneron patient ?
Sans tomber dans une normandise, je crois qu’on
peut répondre ainsi : il est les deux. C’est selon. Ou plutôt ça
dépend ; ça dépend de nous.
Au début du texte, Jésus nous présente un Dieu
impatient. Il nous avertit sérieusement, il insiste, car il y a urgence :
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous. »
Visiblement, Jésus vise des hommes endormis
dans leur bonne conscience, drogués par leur auto-suffisance ou incapables de
voir leur vie et notre société tels qu’elles sont. Perchés au faîte de leur
nonchalance confortable, ils vivotent sans scrupule à la surface d’eux-mêmes.
Alors Dieu s’impatiente : il y a mieux
pour être des humains debout, en solidarité avec les autres, en marche vers une
humanité meilleure. Finie la sieste ! Réveillez-vous !
Tiens ! ne serait-ce pas le sens du
Carême, ce temps que l’Eglise propose aux chrétiens pour sortir de certaines
léthargies, pour quitter certaines habitudes moisies, pour retrouver la
bienfaisante opportunité d’être plus fidèles à l’évangile, plus actifs dans
l’Eglise, plus assidus à la prière ? Le pape François l’a sans doute senti
en nous invitant à retrouver les chemins de la miséricorde.
Celle qui nous vient d’abord de Dieu, comme son
amour tout cordial, pour brûler nos misères, par exemple dans le sacrement du
pardon. Celle que nous pouvons exercer à l’égard des autres en ouvrant notre
propre cœur sur tant de misères, proches ou lointaines, pour les soulager dans
des démarches de réconciliation, de partage et d’accueil.
Au milieu d’un monde qui multiplie les
problèmes sans fournir aucune solution –il suffit de penser par exemple à
l’angoissant phénomène des migrations -, nous ne devons pourtant pas nous
résigner à notre impuissance. Si peu que ce soit, nous pouvons -donc nous
devons- agir et réagir humainement et chrétiennement. Ce sera déjà ça de gagné
sur l’inhumanité de la violence, de l’injustice et du désespoir. Il y a
urgence. Laissons-nous inspirer et stimuler par l’impatience de Dieu.
Le désespoir : venons-en. Je rencontre
aussi de bonnes personnes qui sont plutôt découragées. Elles sont déprimées par
leurs propres faiblesses ou fragilités. Devant leurs difficultés ou même leurs
incapacités à devenir meilleurs –essayé, pas pu-, elles ont parfois quitté le
combat pour se résigner à leur médiocrité. Elles sont persuadées que la
sainteté n’est pas pour elles, alors que l’Eglise nous propose sans cesse des
sentiers d’altitude sur la haute route de la vie.
Vous les dépressifs de l’évangile, écoutez la
voix du vigneron de cet évangile : « Maître, ce figuier stérile, laisse-le
encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier.
Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. » Autrement dit : il
n’est jamais trop tard pour bien faire, et même seulement pour commencer ou
recommencer à bien faire ou à faire mieux.
Oui, avec les bonnes volontés, fussent-elles
fragiles -mais quand elles sont sincères-, Dieu est patient. Il prend sa bêche,
peut-être celle de certaines épreuves ou remises en question, pour remuer nos
terreaux intérieurs, avec l’optimisme de
son amour plus fort que nos doutes.
Dieu est amour. Donc il nous aime, donc nous
n’aurons jamais aucune raison de désespérer de sa tendresse, de ses pardons, de
son Esprit à l’oeuvre en nous, jusque dans les bas-fonds secrets de nos
misères. Mais alors, il nous faut les lui offrir pour les exposer aux rayons
brûlants de la victoire pascale de Jésus.
Savez-vous qui est entré le premier avec Jésus
dans le paradis ? Pas la sainte Vierge Marie. Un bandit de grand chemin
qui eut cet ultime sursaut de lui dire : « Souviens-toi de moi. »
Et la réponse, vous la connaissez : « Aujourd’hui même, tu seras avec
moi dans le paradis. » Qui dit mieux ?
De quel Dieu as-tu besoin ? Examine en
toute honnêteté qui tu es, ce qui remue au fond de toi. Interprète juste la
météo de ton cœur profond.
* Tu as besoin d’une décharge évangélique pour
booster ta foi, réveiller ta ferveur et dynamiser ta charité ? Prie le
Seigneur de la divine impatience.
* Tu as besoin d’un sérieux fortifiant pour
tonifier ton courage trop souvent en berne ? Prie le Seigneur de la divine
patience.
Et qui que nous soyons, et quoi qu’il nous
arrive, avec ce Dieu-là –jardinier ou vigneron- ce sera toujours le cadeau d’un supplément de
force, de vie, de bonheur.
Amen, qu’il en soit
ainsi.
Claude Ducarroz
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