Assomption de Marie
2016
Une femme –Marie de Nazareth- emportée au ciel
avec son corps et son âme : tel est le mystère que l’Eglise catholique
célèbre en ce jour. Je dis « l’Eglise catholique » puisque les
Eglises orthodoxes parlent plutôt de la « dormition » de Marie et les
Eglises protestantes rejettent ce dogme en alléguant qu’une telle révélation ne
figure nulle part dans la Bible, ce qui est vrai. Il faut reconnaître que cette
vérité –devenue traditionnelle en catholicisme- n’affleure timidement que dans quelques
textes du 4ème siècle et n’a été proclamée comme dogme qu’en 1950
par le pape Pie XII.
La mère de Jésus le Christ, élevée au ciel dans
toute sa personne : est-ce l’opium du peuple ou l’espérance de
l’humanité ?
Il ne manque pas de critiques, voire de
contestataires –aujourd’hui encore- pour relever qu’un tel privilège, mis en
rites dans les célébrations liturgiques et mise en scène par la piété
populaire, peut ainsi compenser à bon marché, en la seule personne de Marie de
Nazareth, tout le contentieux qui existe entre l’Eglise et les femmes.
A travers ce glorieux phénomène de
l’assomption, ne veut-on pas exalter unilatéralement la sainteté par la
virginité et la maternité, sans oublier de proclamer « reine dans le ciel »
celle qui s’est surtout définie comme une petite servante sur la terre ?
Vierge, mère, servante : ce serait là la quintessence des images commodes
de la femme dont l’Eglise –surtout la catholique- use depuis toujours et abuse
encore maintenant.
Il est donc temps de
préciser certaines choses basiques.
Ce qui arrive à Marie dans le mystère de
l’assomption n’est qu’une conséquence entièrement dérivée du mystère pascal de
Jésus. C’est toujours de là qu’il faut partir et repartir. Tout devient
incompréhensible et arbitraire si Marie n’est pas totalement référée à son
fils. C’est la solidarité avec lui –non sans hauts et bas dans sa marche de
foi- qui l’a conduite à cette ultime et parfaite communion : partager sa
gloire de ressuscité avec la plénitude respectée de son humanité intégrale,
donc corps et âme.
C’est donc le lien exceptionnel et même unique,
depuis le corps de la mère jusqu’à la foi de la croyante, qui permet
d’expliquer le destin particulier de cette femme parvenue sans entrave dans le
Royaume de Dieu.
Encore faut-il ne pas exagérer une telle
particularité, au risque de tomber dans la mariolâtrie. Si le Christ –qui était
aussi pleinement homme- est bel et bien ressuscité d’entre les morts comme
premier-né d’une multitude de frères et sœurs –que nous sommes-, l’assomption
de Marie est une anticipation prometteuse plutôt qu’un privilège exclusif. Il
lui arrive, dans la foulée de l’ascension du Christ, ce qui nous arrivera un
jour à nous –du moins nous le souhaitons- même si nous ne pouvons pas nous le
donner à nous-mêmes.
Dans l’évènement fondateur de la résurrection
de Jésus et de son entrée définitive dans le royaume de Dieu, il y a en
prémices l’accueil de sa mère toute sainte et aussitôt après, en point de mire
à venir, notre accueil à nous, dans notre pleine humanité sauvée.
L’assomption de Marie vient donc confirmer et renforcer
l’espérance jaillie au matin de Pâques, et non pas distraire notre attention ou
notre foi sur un privilège qui serait tellement unique qu’il en deviendrait un
monopole marial inaccessible.
Derrière toutes ces liturgies et processions,
derrière toutes ces peintures et sculptures associées à la fête de ce jour, il
y a notre espérance en la vie éternelle dans notre humanité respectée et
transfigurée.
Pas à cause de Marie, mais à cause de Jésus
ressuscité, et certes avec Marie, celle qui nous a précédés pour mieux nous
accueillir, le moment venu.
De sa gloire entièrement reçue comme un pur
cadeau, elle nous tend déjà la main. Donnons-lui la nôtre, sans jamais quitter
des yeux notre frère et notre Seigneur, Jésus le ressuscité, le vivant pour
l’éternité.
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