samedi 2 mars 2019

Juste avant le Carême

Homélie 8ème dimanche du temps ordinaire « L’Eglise peut me faire aimer beaucoup de choses. Mais elle ne me fera jamais aimer la morale, surtout celle qu’elle prêche aux autres sans la pratiquer elle-même. » Par les temps qui courent, notamment dans notre Eglise -pas besoin de faire un dessin-, vous pouvez comprendre que j’ai repensé à cette réflexion d’un ami en méditant l’évangile de ce dimanche. « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? » Tantôt en se faisant oculiste, tantôt en devenant horticulteur, Jésus nous met en garde contre la tentation des bien-pensants à faire la morale tous azimuts tandis qu’ils se dispensent de l’observer eux-mêmes. Et le jugement est sans appel : « Hypocrites ». On a entendu de telles invectives au cours des débats qui secouent notre Eglise actuellement à propos de la pédophilie et d’autres abus dont se sont rendus coupables certains membres du clergé. Le pape François a eu le courage de reconnaitre et de dénoncer ces crimes d’autant plus horribles qu’ils ont été commis dans le cadre d’une Eglise qui prône les valeurs de l’Evangile et par conséquent devrait offrir à tous – et d’abord aux plus petits- un environnement pastoral particulièrement digne de toute confiance. Sans généraliser –ce qui serait une profonde injustice- quelque part quelque chose est pourrie dans l’arbre de notre clergé, à cause d’un certain cléricalisme, et parfois jusque dans les plus hautes branches. Mais le pape a aussi eu raison de mettre en évidence, dans notre société matérialiste et hédoniste, tant d’autres atteintes à la dignité des enfants qui subissent, en innocents particulièrement fragiles, les attaques de la violence domestique ou militaire, de la misère par la faim et l’abandon, de l’exploitation par la pornographie impunément diffusée. Je devine ce que vous allez me répliquer : Voilà, il recommence avec sa petite morale culpabilisante. Alors, si vous le voulez bien, sortons-en, mais pour passer chez l’oculiste et l’horticulteur Jésus de Nazareth, notre sauveur. Sans accuser personne, mais en reconnaissant que nous sommes tous un peu malades de quelque péché, avoué ou secret, n’avons-nous pas tous besoin d’une cure de sainteté et d’abord d’un chek-up spirituel, qui pourraient coïncider avec le carême qui approche ? Oui, vérifier la santé de notre œil intérieur, celui qui juge impitoyablement, celui qui met toujours la faute sur les autres, celui qui réclame la miséricorde pour soi sans accorder aucune indulgence aux autres. N’y aurait-il pas quelque paille à enlever, qui nous permette ensuite de voir notre prochain autrement, parce que nous l’aurons regardé un peu plus avec le regard de Jésus ? Passons au verger de notre personne et de notre personnalité. Et là, nous dit Monsieur Jardinier Jésus, il faut aller jusqu’au cœur des arbres, au niveau des racines et de la sève, pour vérifier leur bonté et augmenter le trésor qu’ils abritent. Sonder un peu mieux, par la prière et la méditation de la parole de Dieu, la qualité de notre figuier et de notre vigne. N’y aurait-il pas des épines à ôter, des ronces à éliminer ? Et vous allez me redire : Encore de la morale, toujours de la morale ! Ce ne serait, en effet, que de la morale – pas très aimable- s’il n’y avait pas pour notre vie humaine un dessein supérieur, une feuille de route toute pascale, celle que l’apôtre Paul a rappelée dans sa première lettre aux Corinthiens. Depuis notre baptême, nous carburons avec l’ADN du mystère pascal, nous sommes des promis à la résurrection, parce qu’un jour notre être mortel revêtira l’immortalité. Cette pâque commence en nous dès ici-bas, y compris à partir de nos morts et de nos tombeaux, grâce aux pardons reçus et donnés, grâce à la vraie liberté que nous apportent de multiples conversions sous les énergies de l’Esprit Saint, grâce aussi aux partages avec d’autres, et notamment en Eglise, quand nous nous entraidons à marcher plus droit sur la route de l’Evangile. Et les sacrements sont là pour nous fortifier. Certes, nous avançons tous en boitant, mais nous nous donnons la main. Nous cherchons notre voie, mais il y a en chacun de nous assez de lumière intérieure pour persévérer dans la recherche du meilleur. Notre vie est peut-être dure, pour toutes sortes de raisons, et parfois même à cause de nos propres fautes, mais il nous arrive, n’est-ce pas ?, d’éprouver une certaine joie que personne ne peut nous enlever. C’est celle de suivre Jésus pas à pas, ou de le retrouver au détour d’une épreuve, en attendant l’éternel rendez-vous de la vie éternelle. Car la mort –sous toutes ses formes- a été engloutie dans la victoire, celle de la croix, celle de la pâque. C’est pourquoi il ne faut jamais désespérer, ni de l’Eglise malgré les péchés de ses membres, ni de nous-mêmes malgré les nôtres, parce que, depuis un certain matin de printemps en Palestine, rien ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus vivant. Alors, en toute confiance et humilité aussi, comme nous le rappelle l’apôtre Paul, « prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue. » Bon Carême. Claude Ducarroz

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