mardi 5 avril 2011

Homélie sur l'évangile de l'aveugle-né

Homélie de l’Abbé Ducarroz 3 avril 2011
L’homme est une aurore. Il croit que ses yeux voient de mieux en mieux. En réalité, c’est la lumière qui grandit en lui. Ou plutôt l’aube augmente peu à peu sa capacité de regard. Le soleil est un ouvreur de contemplation.
La présence du Christ nous entraîne doucement vers la foi.
« Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » dit Jésus, qui ajoute un peu plus tard : « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ». Il est grand, il est beau, le mystère de la foi !
L’évangile de ce dimanche, pour l’aveugle-né, c’est une lente montée vers la lumière, une découverte émerveillée des couleurs de la vraie vie.
Pour Jésus, « la lumière véritable qui éclaire tout homme venant dans ce monde », c’est le dévoilement progressif de son mystère à un pauvre aveugle méprisé, rejeté, exclu.
Et pour nous, car cet évangile est aussi une parabole pour notre actualité ? C’est, en résumé, l’histoire de notre aventure chrétienne en ce monde, en attendant l’illumination, la transfiguration de la vie éternelle dans la Pâque.
Un point commun, pour ce jeune aveugle, pour Jésus et pour nous : le chemin vers la clarté empreinte un itinéraire d’épreuve, de contradiction, voire d’opposition.
Comme on vient au monde à coup de contractions et souvent dans les douleurs de l’accouchement, ainsi de toute naissance à la vie nouvelle en Dieu : il y a des passages difficiles avant le grand passage réussi qu’on appelle la Pâque, l’entrée dans la lumière de la vraie vie.
Ici, les pharisiens et les juifs, - sans tomber dans l’antisémitisme s.v.pl. - représentent ces contradictions, ceux qui mettent obstinément les bâtons dans les roues, tant pour Jésus que pour cet aveugle désormais guéri.
Et puis il y a les parents, qui ne peuvent nier l’évidence, mais reculent sous la peur pour éviter d’avoir des histoires. N’y a-t-il pas un lâche ou un septique endurci qui sommeille en chacun de nous ?
Mais la lumière de Jésus, toute de clarté et d’amour, poursuit sa course à la fois avec patience et détermination.
Plus on essaie de le disqualifier - « cet homme est un pécheur » - , plus Jésus monte comme le soleil au firmament, après une longue nuit.
Et cet aveugle mendiant emboîte son pas.
Plus on rejette ce pauvre homme - « tu es tout entier plongé dans le péché dès ta naissance » -plus sa foi en Jésus grandit.
Au départ, il ne sait pas qui il est. Puis il le confesse comme prophète, bientôt comme Messie et Fils de l’homme, et enfin dans l’adoration : « Je crois, Seigneur, et il se prosterne devant lui. »
Cet évangile, c’est un peu le théâtre de notre monde, la scène sur laquelle se joue l’aventure de notre vie.
Tous, nous commençons par être aveugles, et il nous arrive de passer par plusieurs aveuglements, tantôt sous les quolibets fusants de l’extérieur comme des flèches, tantôt sous les assauts des doutes intérieurs qui nous font trébucher, voire tomber.
Pourquoi croire encore alors que tant d’autres, autour de nous, semblent tout aussi heureux et disent ne pas croire ? ou croire à rien ?
Pourquoi prier encore alors que nous ne sommes presque jamais exaucés ? C’est encore ce que me disait une dame en sortant de la cathédrale vendredi passé !
Et puis, tout à coup, et parfois sans cesse, revient cette même question, comme un divin murmure au fond de notre cœur : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Revenus de la piscine du baptême, où le ministère de l’Église a refait sur nous les gestes de Jésus, nous pouvons dire comme ce mendiant : « Je me suis lavé, alors j’ai vu.» Ou « J’étais aveugle, et maintenant, je vois ». La foi !
Et au fond de notre cœur, peut-être justement quand nous refermons nos yeux pour mieux voir au-dedans - qui sait ? au moment de la communion -, Jésus nous redit sans cesse : « Tu le vois, c’est moi qui te parle. »
Oui, la foi, même chancelante, même intermittente.
La foi, la grâce de croire. Le bonheur de croire.
« Réveille-toi, ô toi qui dors !
Relève-toi d’entre les morts,
Et le Christ t’illuminera. »
Regarde, le soleil s’est levé !
Amen

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