samedi 3 novembre 2012

Homélie du 31ème dimanche ordinaire

Homélie


31ème dimanche ordinaire



« L’Eglise, c’est beaucoup trop compliqué pour moi. Je préfère suivre ma religion personnelle en obéissant à ma conscience. »



Vous avez sûrement entendu une réflexion semblable de quelqu’un qui se dit croyant, mais ne veut pas s’embarrasser de dogmes à croire, de rites à pratiquer, d’obligations à observer. Pourquoi surcharger sa vie de traditions d’un autre âge, que d’autres nous imposent, alors qu’on peut être religieux –et peut-être même bon chrétien- simplement en étant un honnête homme, sans couper les cheveux en quatre au salon de coiffure d’une Eglise ?



Il y avait quelque chose de cette mentalité chez ce scribe qui s’avança vers Jésus en lui demandant : « Quel est le premier des commandements ? » Sous entendu : celui qui résume tous les autres et suffit à faire un bon juif fidèle et même pieux.

Jésus ne va pas chercher midi à quatorze heures : il lui rappelle ce qu’il sait déjà, à savoir l’essentiel de la loi divine confiée à Moïse pour le peuple d’Israël. Nous connaissons aussi ce double commandement de l’amour de Dieu et du prochain.



Tout paraît donc simple en effet. Mais en même temps, tout se complique quand il s’agit de mettre en pratique en vérité cette feuille de route aux apparences d’extrême sobriété.

D’abord tout commence par ces deux mots qui donnent le ton : « Ecoute, Israël ! »

Ecouter Dieu. Certes c’est l’écouter dans l’intimité de sa conscience, ainsi définie par le concile Vatican II : « …le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. » GS no16.



Est-ce à dire que tout le reste ne sert à rien, à savoir les commandements et autres recommandations promulguées par les religions ? Nous le vérifions chaque jour en observant l’actualité du monde et notre propre vie. En toute conscience, et parfois même en toute bonne conscience, nous sommes capables du meilleur et aussi du pire, tant notre faculté de faire le bien est parfois submergée par notre habileté à faire le mal, en allant même jusqu’à le justifier.



Comme il fait bon alors, rappelé par la révélation divine et par notre religion, entendre à nouveau le commandement du double amour sans lequel nous risquons tous de nous tromper nous-mêmes et de tromper les autres dans l’accomplissement aveugle de notre propre volonté.

Oui, c’est très simple puisque Jésus lui-même le dit : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. » Mais en même temps, qui peut dire qu’il a déjà aimé Dieu « de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit, de toute sa force. » ? Et qu’il a aimé son prochain, y compris ses ennemis, ajoutera Jésus, « comme lui-même » ?

En amour selon Dieu, nous serons toujours des apprentis de première année. Faut-il alors se décourager, devenir des dépressifs de la sainteté ? Surtout pas.

A ce scribe qui n’était certainement pas meilleur que nous, Jésus a fait cette déclaration pleine d’espérance : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. »



Et puis justement, sur cette route d’exigence mais aussi de beauté et de joie, il y a le secours de Dieu et la fraternité de l’Eglise.

Il y a d’abord ce grand prêtre dont nous parle l’épître aux Hébreux qui nous rappelle que Jésus est « capable de sauver de manière définitive ceux qui s’avancent vers Dieu grâce à lui. » Sur la route de la sainteté, nous sommes bien accompagnés, en cas de chute quelqu’un est toujours prêt à nous relever. Il y a la morale, il y a aussi le pardon ; il y a parfois la misère, il y aura toujours la miséricorde.



Et puis heureusement, il y a l’Eglise. Certes elle ne remplace pas notre conscience personnelle, elle s’engage même à la respecter. Mais elle est aussi là pour éclairer cette conscience, pour signaler les impasses, pour nous donner la main quand nous trébuchons, afin que l’amour de Dieu et du prochain demeure notre boussole, jusque dans nos brouillards et nos nuits intérieurs.



Cette Eglise ne doit jamais oublier que, selon la parole de Jésus, l’amour de Dieu et du prochain « vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices ». Autrement dit tous nos cultes, même les plus religieux, et ce qui va avec, ne sont rien si l’amour n’est pas à la base de tout, dans ses deux faces inséparables : aimer Dieu, aimer son prochain.



Toute religion risque toujours de surévaluer l’extérieur contrôlable au détriment de l’intérieur personnel et mystérieux. C’est pourquoi il y a parfois des conciles pour remettre l’Eglise au milieu du village, ou plutôt l’Evangile au coeur de l’Eglise. Merci Jean XXIII, merci Vatican II.



Ce retour au centre est symboliquement représenté dans le portail d’entrée de notre cathédrale. Le Christ en gloire domine le monde, l’histoire, l’Eglise. Ce Christ, « le grand prêtre qu’il nous fallait », a gardé la couronne d’épines pour rappeler son sacrifice par amour. Et dans les trois voussures est représentée la communion des anges et des saints, tous les mains jointes, qui nous accueillent ici et nous attendent là-haut en priant pour nous.

Prenons place dans ce beau cortège d’humains pécheurs mais sauvés, qui s’avancent vers le Royaume, à la rencontre du Christ-Roi.

Oui, nous faisons partie du pèlerinage puisque Jésus redit à chacun de nous : « Confiance, tu n’es pas loin du Royaume de Dieu. »



Claude Ducarroz



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